Anti-terrorrisme et censure du web, l’état ne peut pas (encore) faire ce qu’il veut
Le 31 janvier 2019, le rendu du jugement du 20 décembre 2018 au tribunal administratif est tombé. Il était intenté par la CNIL contre la décision du ministère de l’intérieur de procéder au retrait et au déréférencement administratifs (blocage par les fournisseurs d’accès à Internet et dans les moteurs de recherche) des sites Indymedia Nantes et Grenoble [1]
L’État, par le biais de l’OCLCTIC, attendait cette décision pour mettre à exécution sa menace de priver les mouvements sociaux de ces outils devenus des points de repère dans le paysage des médias libres. Les deux sites étaient accusés d’avoir diffusé des contenus « à caractère terroriste » de par la publication des revendications des incendies qui avaient visé les gendarmeries de Grenoble, Meylan et Clermont-Ferrand en septembre 2017.
Le tribunal administratif a finalement décidé de ne pas sanctionner les deux Indymedia par une coupure. Ces médias libres peuvent donc continuent d’exister, encore et toujours accessibles via leurs adresses habituelles.
C’est un important précédent qui fait jurisprudence et laisse entrevoir la possibilité de mettre des bâtons dans les roues de la machine à censure de l’État. Cela dit, il y a de fortes chances pour que ce dernier s’adapte rapidement et trouve de nouvelles parades pour pouvoir censurer la contestation sur Internet en évitant les déboires de cette affaire. La prochaine loi européenne sur le sujet qu[’Indymedia avait déjà] mentionnée leur donnera notamment un nouveau cadre légal [2]. Et de toute façon étant donné le nombre croissant de mesures de ce type, cette "victoire" n’est qu’une goutte dans un océan de coupures (sans compter celles que les entreprises privées comme Facebook opèrent déjà sur leur propre site).
Malgré tout, dans cette décision [3], on trouve quelques extraits qui méritent d’être cités, pour ce qu’elles peuvent apporter à l’avenir, y compris dans ce qu’elles clarifient de la définition d’actes de terrorisme. Au delà de l’aspect comique de voir un tribunal se livrer à une analyse de texte des revendications, citation à l’appui, on peut lire dans le rendu que :
- « ces agissement procèdent d’un facteur immédiat, à savoir l’ouverture d’un procès médiatique, et circonscrit dans le temps et dans l’espace »
- « Il ne ressort pas des pièces du dossier que les auteurs de ces faits auraient agi de manière concertée, ni même que des liens existeraient entre eux, en dépit de la concomitance temporelle de leurs agissements »
- « Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les auteurs de ces incendies, qu’aucun élément ne permet de rattacher à une organisation terroriste préexistante, auraient adhéré à un projet collectif de déstabilisation de l’État et de ses institutions, de désorganisation de l’économie, de fracturation de la société et, plus généralement, d’instauration d’un climat de peur et d’insécurité »
- « l’existence d’une entreprise terroriste ne peut être déduite de la seule expression d’idées radicales au moyen de "communication au public par voie électronique" »
- « il n’est cependant pas démontré que leur retentissement (de "ces actes de destruction par incendie des véhicules des forces de sécurité", NDLR) présente un caractère national, ni même qu’il a affecté une partie substantielle de la population. »
Source : Indymedia Nantes