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Préserver les lieux où peut se créer le lien social

Par Raymond Lacombe, Président de Sol et Civilisation


Depuis 40 ans, l'administration centrale essaye, par divers moyens, de réduire fortement le nombre de communes dans notre pays. 36 000 communes, pour elle, c'est un non sens, d'où cet acharnement, direct ou indirect, par la voie législative, administrative ou financière à vouloir imposer une autre voie. Le schéma national d'aménagement du territoire devant être remis sur le métier, il paraît utile de préciser quelques lignes de réflexion sur le fond. Ma réflexion est plus orientée sur le milieu rural, où les orientations à venir auront le plus d'incidence. Il est nécessaire de distinguer trois niveaux de responsabilité qui interfèrent et s'inscrivent sur des territoires pertinents :

Une communauté de vie

Les valeurs de la République auxquelles tous nos conci-toyens sont maintenant attachés se vivent et s'appliquent d'abord à l'échelle de base de la communauté des hom-mes sur le terrain : au sein de la commune. La démocratie s'exerce d'abord là : là où les gens se connaissent, où ils se reconnaissent différents et complémentaires, là où l'auto-contrôle est quotidien, même si cela ne se fait pas sans heurts.

Cette première communauté humaine de quelques centaines d'habitants, qu'on appelle la commune, est le premier échelon vital, essentiel à notre démocratie. C'est en quelque sorte l'assise et la sécurité de la République ; là où la vie en communauté se rode, se frotte aux réalités et s'humanise, car on ne peut pas ignorer l'autre qui est trop présent avec ses possibilités et ses réflexions. C'est là où se crée le lien social.

Ceci est si vrai que nous voyons bien les différences du vécu local entre les communes rurales et les grandes agglomérations urbaines. Une commune de 500 ou 1 000 habitants est une communauté humaine. Une commune d'un million d'habitants ne l'est pas.

Cette première réflexion est fondamentale au moment où, de toutes parts, on recherche de nouveaux repères de vie en commun. Au moment où la désintégration sociale et culturelle est un danger pour la République et la Nation, revenir à ces sources de bon sens, simples mais solides, est impératif. Les élus de la Nation doivent s'en imprégner avant de délibérer sur de nouvelles contraintes techno-cratiques incomprises du plus grand nombre.

La commune à échelle humaine est une structure clé de la République. Il est indispensable aujourd'hui que l'on réhabilite et que l'on reconnaisse ce premier degré de la communauté nationale.

Une communauté de gestion

Etant fortement imprégné de ce qui précède, on peut ensuite débattre de la nécessité de la vie en commun de ces communes. Leur petite taille rend difficile la gestion de nécessaires équipements lourds et de certains services. C'est là où il faut s'entendre sur la notion de coopération intercommunale. Actuellement dans les textes et les pratiques il y a ambiguïté. Deux mots sont à expliciter : coopération intercommunale ou supracommunalité.

La coopération intercommunale regroupe des unités autonomes qui, ensemble, à égalité de responsabilité, s'engagent et décident. Comme les agriculteurs au sein des CUMA où un homme a une voix, une commune doit avoir, au sein d'une structure de coopération intercom-munale, une voix, quel que soit le nombre de ses habitants ou son potentiel économique. Il n'y a pas subordination de l'une à l'autre. Les valeurs de la commune de base restent déterminantes et décisives. Elles sont le fondement de cette nouvelle entité. La légitimité, la raison d'être de cette coopération interne trouvent leur source uniquement dans les compétences des communes. Il n'y a pas délégation de compétences, mais mise en commun de compétences. C'est de la coopération, de la solidarité intercommunale au vrai sens du terme.

La supracommunalité, c'est la délégation définitive de compétences à une structure nouvelle qui a ses objectifs et ses règles propres. Ainsi, les décisions sont prises par un conseil proportionnel au nombre d'habitants de chaque commune. Une commune importante peut quasiment avoir la majorité de direction au détriment des petites communes.

D'autre part, les aides publiques favorisant la supra-communalité sont d'autant plus importantes que l'on retire des compétences aux communes d'origine. Autrement dit, plus on réduit les attributions de la communauté locale plus l'argent abonde. On constate qu'aujourd'hui, lors de la création des communautés de communes par exemple, les incidences financières attendues déterminent largement la décision des élus. Si bien que cette sorte de "carotte alléchante" occulte complètement les débats sur les perspectives de projets et de gestion commune de ces projets. Par ces deux voies, à terme, insidieusement, on vide la commune de base de toute vie publique.

Chaque mot détermine une orientation. Coopération intercommunale ou supracommunalité : deux politiques locales différentes. Autant la coopération interne renforce, appuie la vie communale et déploie les possibilités de participation des populations locales, autant la supracom-munalité étouffe, éteint la vie communale locale et éloigne les populations de la participation. La démocratie repose donc bien sur l'autonomie communale actuelle renforcée, complétée par une vraie coopération des communes entre elles, à égalité de responsabilité.

Une communauté de projet

Elle trouve son fondement dans la loi d'aménagement et de développement du territoire dans la notion de "Pays". Elle se réalise en Midi-Pyrénées par la politique des "terroirs", dans d'autres cas par des réseaux de villes moyennes. Ici, le projet et les réseaux priment, le territoire forcément multipolaire s'organise autour du projet. Le territoire représente une masse critique de population et d'activités. Pour définir ce projet commun, il faut relier les hommes, leurs activités et leurs associations, il faut relier les élus et les milieux socioprofessionnels. Ici, on parle de fédérer et de contracter.

A ce niveau là, il ne faut surtout pas institutionnaliser comme on a trop tendance à le faire en France, sous prétexte que c'est un lieu de pouvoir. Pour élaborer ce projet de territoire, il faut fédérer et réunir beaucoup de personnes de bonne volonté. Il faut se doter de moyens humains indispensables et de règles de fonctionnement. Il y a des lieux où l'on fait des propositions, des lieux où l'on négocie, enfin des lieux où l'on décide. C'est une nouvelle façon de vivre en commun qui s'ancre par le bas et surtout pas par le haut. Pour mettre en oeuvre le projet, il suffit de s'appuyer sur les communes ou les structures de coopération communale existantes qui ont vocation à être maître d'ouvrage. Ici les relations contractuelles fondent les règles de fonctionnement.

Puissent les élus, en sages de la République, s'imprégner de ces valeurs afin de ne pas déstabiliser encore un peu plus ce pays et ses populations. Plus que jamais chacun cherche des repères solides, un enracinement nouveau. C'est peut-être là, dans ces communautés de base vivantes et réelles que se trouvent certaines des vraies solutions.

Maintenir ces lieux est une condition nécessaire au maintien de la démocratie locale. Encore faut-il que leur fonctionnement permette la participation des populations à la préparation de la décision qui, elle sera prise par les élus. Encore faut-il construire la communauté des hommes. L'audit patrimonial est un outil qui permet d'y contribuer.


Sol & Civilisation - La lettre, numéro 3, Août 1997

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