Jacques Voisard, Président du GERI
Le développement local repose d'abord sur des hommes qui portent des projets et les marient à un territoire, des financements et sur une vision d'ensemble qui n'a de sens que si elle est perturbatrice.
Jacques Voisard pose la question suivante : " quand il y a concentration d'activité publique ou privée, y a-t-il ou non transfert de charges financières ou sociales, soit sur les personnes, soit sur les collectivités ? "; Pour y répondre et donc rechercher les facteurs de dislocation sociale, le GERI a pris comme point d'observation le citoyen français et a exploré de nombreux secteurs : démographie, emploi, enseignement, argent public, comptes des entreprises, transports...
Aujourd'hui, Jacques Voisard constate :
- Avant dix ans, un certain nombre de départements ne vivront plus que de redistribution comme les DOM-TOM. En 30 ans, la population jeune et active s'est repliée sur une partie de plus en plus réduite du territoire, au Nord. Pour l'instant, la situation réelle est masquée par le fait que les personnes ôgées qui vivent au Sud ont encore des revenus supérieurs à ce qu'ils seront dans dix ans.
- Le mouvement de concentration future est en train de se mettre en place. La proportion des 0-19 ans révèle le même phénomène de concentration : on compte un jeune sur trois, dans les départements du Grand Bassin Parisien, un jeune sur cinq, dans nombre d'autres.
- Une population jeune et active afflue dans des zones ou l'Etat et les collectivités ont le moins investi depuis dix ans : Picardie, Champagne-Ardennes ou Centre : les régions autour de la région Ile-de-France. Et c'est là ou il y a le moins de médecins libéraux pour 1 000 habitants, le moins de lits d'hôpitaux, etc...
Par conséquent, se met en place, dans ces régions, un système tel que les dégôts sociaux qui se préparent seront encore plus graves que ceux de la deuxième couronne.
- On trouve l'essentiel des cadres supérieurs et des cadres moyens publics ou privés à Paris.
- Les disparités des produits de la taxe professionnelle provoquent des inégalités peu justifiables entre les collectivités territoriales.
- L'expression politique témoigne des risques de dislocation sociale. Lors des élections européennes on a vu la baisse des votes pour les formations de gouvernement de droite ou de gauche et la montée des votes blancs ou nuls ou abstentions. Lors des présidentielles, pour la première fois dans l'Histoire de France, près de 8 % des Français ne se sont pas inscrits sur les listes électorales. Quant aux élections municipales, l'accroissement de l'abstention suit l'accroissement de taille des villes.
Se pose la question suivante : alors que nous entrons dans une civilisation urbaine, comment ne pas décrocher de la démocratie et du civisme ?
Le territoire français a la caractéristique, en Europe, d'être le seul à avoir une densité faible de population, d'être perméable et d'être à l'intersection de mouve-ments prévisibles de personnes sud-nord et est-ouest. Si nous continuons comme cela, pour la première fois, le modèle français d'intégration individuelle va cesser de fonctionner.
C'est la première fois que nous déplaçons autant de monde sur notre territoire sans accompagnement de l'encadrement social naturel, c'est à dire de la faculté pour un groupe de susciter en son sein, l'émergence d'hommes et de femmes qui ont deux fonctions : d'une part, servir de repère et, d'autre part, compléter, à titre bénévole, des services d'intérêt général public ou privé. Aujourd'hui, cet encadrement tend à disparaître. Les gens vont donc chercher des repères au mieux dans des formations politiques extrêmes et au pire dans des associations de type communautaire ou mafieux.
Autre conséquence, quand personne n'assure plus à titre bénévole certaines fonctions, il faut bien qu'elles le soient à titre financier : il faut donner des primes aux policiers, aux instituteurs...
Le réencadrement du territoire par le développement de l'ensemble des emplois tertiaires publics ou privés est une nécessité absolue.
L'enjeu fondamental qui se pose à nous c'est de savoir, alors que notre civilisation devient urbaine, comment assurer un développement urbain sans fabriquer de banlieues.
Malgré les lois d'aménagement du territoire, le processus de concentration continue de plus belle. Nous pouvons être sûrs que si nous continuons, nous allons, en particulier du point de vue budgétaire, vers un système sans fin. Si nous nous donnions le mal de regarder au-delà de un, deux ou trois ans, nous aurions les moyens d'inverser la tendance.
Le Groupe d'Etude et de Recherche Interrégional est une association de collectivités territoriales qui s'est adossée à de grandes entreprises nationales comme la Caisse des Dépôts, à France Télécom, etc.
Le GERI a pour but de donner un cadre précis et factuel, à des observations qui ne sont pas suffisantes pour ébranler un certain nombre de certitudes. Ses données sont disponibles auprès de la Documentation Française.
Pour plus d'informations, contacter: Sol et Civilisation
50 rue de Charonne - 75011 Paris - Tél: 48 05 53 11 ; Fax: 47 00 83 01
Horizon Local 1997
http://www.globenet.org/horizon_local/
http://www.macbroker.com/:cserve/langevin/horizon.htm