Par Alain Daziron
La commune est la cellule de base de la démocratie car elle contient le principe de responsabilité et d'implication des hommes. Chacune est une structure sociale unique, et non pas un simple territoire, car travaillée par les hommes et l'histoire. C'est la première société complète à portée de main, une parcelle d'humanité qui s'inscrit dans les têtes et dans les coeurs.
Mais la commune vit un séisme d'une telle amplitude que d'aucuns en viennent à douter de sa légitimité dans ce monde virtuel qui semble balayer toutes les altérités.
Il n'y a pas si longtemps, l'identité et l'appartenance ne faisaient qu'un. Le sentiment communautaire était le moteur de l'identité : on participait à une activité, on se sentait concerné par le simple fait d'être de Larrazet.
Mais l'unité pétrifiante d'autrefois a volé en éclats et toutes les communes sont entrées dans l'oeil du cyclone des forces centrifuges : l'idée du voyage collectif est presque devenue une anomalie, les trajectoires indivi-duelles se croisent plus qu'elles ne se rencontrent, les temps partagés par tout le monde sont de plus en plus rares. Si le sentiment communautaire n'a pas disparu, il est amorti et intermittent. Il resurgit avec une force intacte en des moments ponctuels : le loto de l'école, la soirée locale ou les élections municipales.
L'erreur dramatique serait de tenir le principe de commu-nauté pour lettre morte et de vouloir s'en affranchir. Ce serait s'agiter en pure perte et aller à l'échec. Le principe de communauté est la clé de toute action.
La commune a donc de beaux jours devant elle à condition de mettre en oeuvre des modalités de pensée et d'action radicalement nouvelles pour former la communauté nouvelle. L'enjeu est de permettre à ses habitants de penser et d'agir par eux-mêmes dans une combinatoire qui travaille, dans le même mouvement, le local et le global. Le projet de Larrazet participe depuis 1975, de cette ambition.
Le journal Trait D'union
Porté par la maison de la Culture et soutenu par la Mairie, le Trait D'union est, depuis 1975, un grand atelier d'écriture communal qui mobilise de près ou de loin les 500 habitants de Larrazet. L'équipe de publication s'emploie à organiser le dialogue collectif. Depuis 24 ans, au travers de trois municipalités différentes, des centaines de personnes ont rédigé des articles. Chaque numéro compte 2 ou 3 nouveaux rédacteurs.
Le Trait D'union est l'inverse d'un exercice de communi-cation narcissique et abstrait qui surplomberait la vie locale. Il plonge dans la réalité contradictoire et sensible de l'univers communal. C'est une scène ouverte qui permet la multiplication des regards croisés, où l'on apprend sans arrêt de l'autre. Chaque numéro contribue à remettre en conduction les fils de la conscience collective distendus ou coupés par l'éparpillement. Il offre, chaque trimestre, un arrêt sur images qui permet à chacun de toucher du doigt où en est le village réel et construit ainsi un nouveau liant de communauté. Le Trait D'union enregistre l'arrivée de nouvelles têtes, l'émergence de nouvelles aspirations et activités. Il génère un langage commun actualisé qui est indispensable à toute commu-nauté humaine. C'est peut être ce qui fait dire à une nouvelle habitante : "Larrazet est un village où il y a des ouvertures, des portes d'entrée pour les nouveaux".
Si en 1975, la force du sentiment d'appartenance a donné naissance au Trait D'union, en 1999, même s'il ne fait pas tout, il est le moteur de l'identité nouvelle car il forge les clés et le sens de l'avenir.
Les Journées annuelles de Larrazet
Elles contribuent à ce que la connexion avec le mouvement du monde soit maîtrisée et non subie, c'est à dire destructrice pour la commune. Depuis 1983, elles s'emparent d'un sujet d'histoire, de culture ou d'actualité en prise avec notre milieu et permettent de croiser les regards des acteurs locaux et des universitaires ou personnalités extérieures. L'univers du rugby, les journées de l'eau, la vie et l'oeuvre de Pierre de Fermat, les identités communales, l'âge médiéval, l'agriculture et les campagnes sont autant de thèmes abordés ces dernières années. Ces débats permettent de favoriser la médiation entre local et global, entre particulier et général.
La volonté de réconcilier savant et populaire est au coeur du projet car leur divorce est un danger mortel pour notre société, pour les valeurs républicaines. L'objectif est de construire partout des sujets autonomes qui pensent et agissent par eux-mêmes. La difficulté est bien réelle car notre pays provincialisé et centralisé charrie son cortège de condescendance à l'égard des communautés de base. Il est bien plus simple de cultiver le discours des racines ou encore de consommer espace et air pur !
Le projet bien rôdé, quoique fragile, des Journées de Larrazet démontre que les connaissances les plus hautes et les problématiques les plus neuves sont accessibles à tous pour peu que les organisateurs s'en convainquent eux-mêmes et imaginent les médiations adéquates. 350 personnes ont ainsi participé aux journées " l'âge médiéval " en novembre 1998.
En intervenant sur les deux pôles, le nouveau liant de communauté d'une part et l'ouverture vers l'extérieur, le projet communal s'affranchit aussi bien des mirages de l'agitation volatile et mimétique induite par l'extérieur, que des déterminismes réducteurs du local. " L'identité culturelle s'élabore à égale distance du tout abstrait et du tout enraciné " selon la formule lumineuse de Félix Castan.
La publication " Les Identités communales " (85 F) est disponible à la maison de la Culture de Larrazet 82500 - Tél. 05.63.20.71.22.
Sol & Civilisation - La lettre, numéro 11, mars 1999
Pour plus d'informations, contacter: Sol et Civilisation
50 rue de Charonne - 75011 Paris
Tél: 48 05 53 11 ; Fax: 47 00 83 01
Email: fert@terre-net.fr
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Horizon Local 1996-99
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