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Le Parc naturel régional de la Chartreuse : une machine à créer du dessein commun

Par Pierre Baffert , artisan de la création, puis président du Parc


En Chartreuse, la participation n'est pas un vain mot !

Un Parc naturel régional (PNR) est un territoire habité, remarquable par sa culture, son patrimoine. Il est justiciable d'une Charte qui définit le projet de développement du territoire et sa stratégie. Le PNR de Chartreuse se trouve entre Grenoble au sud, Chambéry au nord et Voiron à l'ouest : les trois portes du Parc. C'est un territoire de moyenne montagne et de vallées où vivent 35 000 personnes.

En Chartreuse, l'idée du Parc n'est pas née de la réflexion des élus, des responsables ou des acteurs du territoire. Au cours d'une réunion électorale des législatives de 1988, à la question "que faire de la Chartreuse ?", la réponse suivante a été apportée : "pourquoi pas un Parc ?". L'idée a fait son chemin et c'est en janvier 1990 que la Région signifie son accord pour un projet de Parc en Chartreuse. L'association pour la création du Parc voit alors le jour. Pierre Baffert en assurera la présidence pendant 5 ans. Le 6 mai 1995, le PNR de la Chartreuse est créé. Son principal partenaire est la Région Rhône Alpes qui a récemment doublé le nombre de ses Parcs ainsi que sa participation financière (60% des budgets de fonctionnement). L'Etat, les départements et les communes abondent également le budget du PNR. Il est soumis à l'obligation de résultat, comme l'article 2 de la Loi sur les paysages de 1993 le prévoit. Au bout de 10 ans, un audit et un bilan doivent être réalisés pour évaluer si le label de Parc peut être reconduit ou pas.

Les bases stratégiques de l'action ont été définies par l'équipe d'une douzaine d'élus qui s'est mobilisée pour créer le Parc.

Ce n'est pas un outil pour élus exclusivement !

Les actions que le PNR contribue à mettre en œuvre doivent pouvoir être comparées à des stalagmites. L'approche participative prévaut. En 1990, l'association loi 1901 pour la création du PNR de Chartreuse est créée pour pouvoir mobiliser les forces vives du territoire. Elle est organisée en plusieurs collèges : un collège de communes, un collège d'acteurs socioprofessionnels du territoire, au travers de leurs associations, un collège de gens de talent et de notoriété dans différents domaines (art, sport…) et qui vivent sur le territoire et un collège de membres de droit (ministères…). Pendant 5 ans, l'association travaille à l'émergence du Parc, à la préparation de la Charte.

Avec la création du Parc, on passe du statut d'association à celui de syndicat mixte de gestion auquel ne peuvent adhérer que des collectivités territoriales ; en l'occurrence la Région, les 52 communes du Parc et les villes portes. Cela pose bien sûr problème car les élus veulent laisser la parole à tous les acteurs, à ceux qui ont travaillé pendant 5 ans au sein de l'association. Ils imaginent donc une nouvelle organisation transparente. Certains la qualifient d'usine à gaz, mais Pierre Baffert est convaincu de son opportunité.

Un Conseil de massif est créé. Il peut être assimilé à un conseil économique et social au niveau local. Il préfigure le conseil de développement des pays prévu dans la Loi Voynet. En parallèle et c'est ce qui fait l'originalité de cette démarche, un comité stratégique paritaire est constitué. Il permet d'associer les acteurs du territoire à la préparation des décisions qui sont prises in fine par les élus. Il propose au syndicat mixte des axes et des plans de travail et réalise le bilan. Il est constitué de 14 élus du syndicat mixte et de 14 membres du Conseil de massif. L'expérience montre que le syndicat mixte de gestion suit dans 99% des cas les avis du comité stratégique paritaire.

Ce dernier ne fonctionne pas encore très bien. Mais ces dysfonctionnements mineurs semblent normaux étant donnée sa jeunesse. Par ailleurs, de 1995 à 1998, le comité stratégique paritaire n'a pu que suivre les éléments du 1er plan triennal d'actions contenu dans la Charte. Depuis, s'appuyant sur le bilan de ce 1er plan, il s'attache à en définir la suite et fonctionne donc mieux. Il est d'ailleurs important de noter que malgré 4 ans de tâtonnements, la volonté des acteurs reste intacte.

Le Conseil de Massif a lui engagé son propre audit dans le but d'améliorer son fonctionnement.

La base stratégique choisie initialement impliquait la participation du plus grand nombre d'acteurs du territoire, pour instaurer un jeu gagnant - gagnant. Pendant 5 ans, élus et acteurs du territoire ont travaillé ensemble dans le cadre de l'association. Cela s'est bien passé. Aujourd'hui, les élus restent demandeurs du Parc. Les agriculteurs prennent la défense du Parc dans des réunions publiques.

Une approche "missionnaire"

"Nous ne voulions pas en mettre une couche de plus" insiste Pierre Baffert. Il n'était pas question avec le PNR de créer un nouveau niveau d'organisation territoriale. Les acteurs du PNR le considèrent comme un fournisseur de matière grise au territoire, une "cavalerie légère" selon les termes de Pierre Baffert. Ils ont une vue très rigoureuse de cette personne morale. Le Parc n'a pas mission à investir dans des projets. Les maîtres d'ouvrage sont déjà sur place ! L'équipe du PNR compte aujourd'hui 15 personnes, une équipe volontairement légère.

La méthode d'élaboration de la Charte et des projets de développement est classique : une phase de diagnostic, puis la construction. Il s'est agi d'une part d'identifier les atouts et les handicaps du territoire et, d'autre part, de rencontrer les hommes du territoire pour connaître leurs valeurs, leurs aspirations leurs objectifs. La présence de la maison-mère des Chartreux depuis plus de neuf siècles a forgé dans le territoire des valeurs encore très prégnantes. Pierre Baffert se dit persuadé que si l'Ordre des Chartreux avait été hostile à ce projet de Parc, il aurait eu peu de chances d'aboutir. Le Prieur Général de l'Ordre est d'ailleurs informé régulièrement. De même, l'Etat est présent par le Ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire, mais aussi au travers de l'ONF ; les forêts domaniales et communales sont en effet très importantes en Chartreuse.

Le diagnostic a été réalisé dans le cadre de groupes de travail sectoriels, représentants tous les secteurs économiques.

Puis la phase de construction a été engagée. Le développement se devait d'être durable mais surtout global. L'organisation classique du travail de la phase diagnostic devait donc être cassée. D'où la création d'un groupe de travail "développement" et d'un groupe de travail "institutionnel". Le premier rassemble 46 personnes qui ont accepté de consacrer 9 séances de 3 heures au PNR. Pour privilégier le fonctionnement "stalagmite", le recours à un conseil extérieur a été écarté. La Charte est réellement le fruit d'un travail de formation – action.

Au bilan

Pierre Baffert se dit satisfait du travail mené sur l'axe agricole qui était prioritaire. L'association pour l'Avenir de l'Agriculture en Chartreuse (AAC) en est l'outil. Elle a permis aux agriculteurs de rentrer dans le Conseil de Massif. Elle a passé une convention de partenariat avec le Parc et les Chambres d'agriculture d'Isère et de Savoie qui permet la mise à disposition de deux ingénieurs agricoles qui travaillent sur la filière lait et la valorisation des produits fermiers.

Le bilan des actions touristiques est correct quoi qu'un peu décevant. La Chartreuse est visitée à la journée par des habitants de Grenoble, Chambéry ou Lyon. Là aussi le Parc a eu recours au statut associatif avec la création de l'association de développement touristique. Elle regroupe tous les acteurs du tourisme et a engagé un professionnel. Auparavant les actions de développement touristique étaient éclatées, étaient le fait de bénévoles n'ayant pas forcément toutes les compétences que l'on aurait pu souhaiter. Un observatoire touristique a également vu le jour pour évaluer les nuitées, etc.

Conseils à qui souhaiterait créer un Parc

Méfiez-vous de vos amis ! Les promoteurs du Parc avaient identifié et travaillé avec les corps importants, sans la participation desquels le projet était voué à l'échec : les pères chartreux, les agriculteurs, les chasseurs qui ont été les plus actifs dans l'édification du Parc, etc. Mais, les promoteurs du Parc se sont moins méfiés d'amis comme la Région qui a, de l'avis de Pierre Baffert, un comportement quelque peu schizophrène vis à vis des Parcs. D'une part, elle les appuie et d'autre part, elle ignore qu'un Parc est un espace de développement qu'elle met en concurrence avec des contrats globaux de développement qui les écartèlent.
Les barons politiques peuvent freiner l'émergence des projets sur "leurs" territoires. Enfin, les sommets des pyramides institutionnelles sont souvent des facteurs de frein.

Qui trop embrasse, mal étreint. Il ne faut pas se lancer dans un programme d'actions trop important, trop divers, difficile à conduire. Par contre, le PNR doit apporter quelque chose à chaque catégorie d'acteurs. En Chartreuse, les actions s'inscrivent dans trois axes stratégiques : pour un espace de qualité, pour un espace de vie, pour un espace de rencontre. Deux domaines d'activité, l'agriculture et le tourisme, ont donc été privilégiés dans le premier programme d'actions triennal. Vaste programme !

Un combat incessant pour la reconnaissance du Parc. Entité nouvelle, le Parc a besoin d'être reconnu, a besoin de légitimité. La plus petite action qui donne de la visibilité sur le territoire est stratégique. Le Parc doit être tout l'opposé d'une tour d'ivoire, d'où l'importance de la communication sur le territoire (parrainage d'actions…). Mais ce n'est jamais suffisant. Pierre Baffert juge que la communication interne doit encore progresser pour que les 35 000 habitants de la Chartreuse connaissent le Parc et en soient fiers.


Aujourd'hui, le Parc représente la Chartreuse. C'est une entité qui rassemble des gens qui ne se connaissaient pas du fait même de la géographie très accidentée du territoire. Pierre Baffert est persuadé que la stratégie choisie était la bonne. En effet, voilà 30 ans qu'il est élu, dont 18 ans en tant que maire. Il déplore souvent que la bulle des élus et la bulle des acteurs ne soient hermétiques. Pour lui, les politiques doivent se placer en facilitateurs des projets des acteurs qui ont un rôle énorme à jouer. "La vie est complexe. Il faut faire tourner la complexité" conclut-il.


Sol et Civilisation - mars 2000

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