Micro unité de planification

Par Faustina Van Aperen

Micro unité de planification (M.P.U.)

Une organisation modèle du développement communautaire
une école de la démocratie

Si, comme Rudolf Rezsohazy tente de le définir, "le développement des communautés est une action coordonnée et systématique qui, en réponse aux besoins ou la demande sociale, vise à organiser le progrès global:

• d'une communauté territoriale bien délimitée ou
• d'une population-cible, avec la participation des intéressés"

alors le Micro Planning Unit serait un modèle d'organisation de développement des communautés. Apporterait-elle, une alternative d'apprentissage du processus de démocratie aux populations qui aspirent au changement ?

1. Description succincte du MPU

Le concept de "Micro Unité de Planification" ou "MPU" (de l'anglais "Micro Planning Unit") est développé par une ONG internationale de parrainage d'enfants dénommée Plan International. Les premières applications ont vu le jour au Kenya à proximité d'une localité appelée Maua.

Le principe consiste à impliquer les habitants d'une zone géographique déterminée à des actions précises de développement durable à travers une association de droit national auto-gérée et enregistrée auprès du Ministère des Affaires Sociales du pays. La formation des divers acteurs de l'association est assurée par l'ONG Plan International qui octroie des crédits à la réalisation de projets décidés par les membres de l'association. Ceux-ci sont amenés à analyser les besoins dans leur zone et à décider des projets prioritaires. Les micro-projets visent à l'amélioration de la qualité de vie de toute la communauté et peuvent concerner par exemple des travaux d'adduction d'eau, la construction d'une école ou d'un centre de soins, l'installation de réservoirs d'eau individuels, le développement de mini-fermes consacrées à l'élevage.

Les membres de l'association apprennent à solliciter des subsides auprès de l'ONG de développement mais aussi auprès d'autres institutions. L'autonomie totale de l'association est assurée en quelques années pour en assurer sa pérennité.

Le processus participatif propre au MPU constitue la trame de base des projets de développement suscités par Plan International dans la région du Kenya et plus d'une centaine d'associations fonctionnent déjà selon ce modèle. La vocation de l'ONG consiste à orienter les activités du MPU (éducation populaire, formation agricole, élevage, associations de femmes...), à susciter auprès des membres une volonté de prise en charge de leur destin. Le MPU se présente comme un petit parlement dans lequel les responsables sont élus par voie démocratique (l'organisation d'élections figure dans les statuts du MPU).

Le MPU apparaît ainsi comme un outil démocratique qui favorise une dynamique des individus dans le cadre d'un processus de développement durable. Le MPU constitue également un forum permanent, garant d'une solidarité accrue entre les habitants.

2. Le fonctionnement du MPU

Chaque MPU regroupe au départ une trentaine de personnes décidées à améliorer les revenus et les conditions de vie de leur communauté. Toute personne adulte représentant une famille et résidant dans la zone géographique concernée peut en devenir membre en s'acquittant d'une cotisation annuelle (environ $USD. 2).

Les membres élisent pour deux ans, avec un mandat reconductible une seule fois, un comité de gestion comprenant un président, un vice président, un secrétaire, un trésorier et au minimum trois membres administratifs. Chaque membre s'engage à respecter les statuts de base de l'association. Ceux-ci sont enregistrés auprès du Ministère de la culture et des affaires sociales du pays sur recommandation de l'ONG Plan International.

Le MPU peut bénéficier également, selon le type de projet, du soutien d'autres instances institutionnelles dans les domaines par exemple de la scolarité, de la santé, de l'agriculture ou de l'adduction d'eau.

(1) REZSHAZY, R., Le développement des communautés: participer, programmer, innover, CIACO, Louvain-la-Neuve, 1985

3. Le concept du MPU et la démocratie

Une des définitions de la démocratie dans le Robert apparaît sous cette forme: "démocratie directe où le peuple exerce directement sa souveraineté". Encore faut-il que le citoyen sache faire des choix sans être aliéné par des pressions socio-politiques et économiques. Lorsque l'éducation et le savoir qui facilitent cette souveraineté citoyenne font défaut, chaque individu peut aborder la démocratie en participant directement à des projets visant à l'amélioration de la vie quotidienne de sa communauté. Le processus de décision promu par le MPU favorise la souveraineté de la communauté dans le processus de démocratisation. En effet, cette structure forme les citoyens à imaginer des projets développement à l'échelle de leur communauté et permet notamment:

• d'organiser et de promouvoir des activités visant une plus grande autonomie des membres afin qu'ils acquièrent et développent des aptitudes, des techniques, des savoir-faires et des connaissances en vue de concevoir et de réaliser des actions de développement ;

• d'offrir une assistance économique aux membres pour négocier des aides financières auprès des institutions locales;

• d'encourager les membres à participer dans la structure décisionnelle de l'association et à promouvoir le développement durable.

4. Similitudes européennes

Des femmes scandinaves en particulier suggèrent l'instauration d'un "niveau intermédiaire de décision" entre la vie privée et la vie publique qui se situerait à l'échelle du quartier et se construirait à partir de la communauté de travail avec une certaine part d'autodétermination du groupe de personnes qui vivent dans cette zone géographique donnée"1. Au Congrès de Kungsälv (1979) sur "l'habitat et la construction vus par les femmes"). Le "niveau intermédiaire de décision" qui se situe entre la sphère privée et le premier niveau de représentation qu'est la commune et qui a pour zone d'influence le quartier a quelques similitudes avec le PMU.

Il s'agit également d'un espace de coopération entre des gens qui occupent un même lieu géographique avec des ressources et des problèmes liés à ce lieu et à la qualité de la vie quotidienne des individus. Par rapport à la société vue dans sa globalité avec des règles imposées depuis le haut (à l'échelle d'une commune et a fortiori à l'échelle des grandes agglomérations), le niveau intermédiaire de décision met en avant l'intérêt de la démocratie directe et de l'évaluation des projets par les habitants eux-mêmes. "Les solutions peuvent être mieux adaptées aux besoins réels et les ressources disponibles sont mieux utilisées". Un autre facteur positif de l'organisation du "niveau intermédiaire de décision" est dans le désir de mieux intervenir sur son environnement et de limiter ainsi la dépendance croissante à l'égard du système libéral sur lesquels le citoyen a peu d'influence".

5. Les conclusions

Les expériences de développement basées sur le concept du MPU méritent d'être étudiées car elles contribuent à l'émergence de conditions économiques, sociales et culturelles favorisant l'apprentissage du processus démocratique. Le MPU constitue un outil particulièrement adapté à la planification et la gestion du développement décentralisé. Ce modèle, adaptable à d'autres pays d'Afrique, peut contribuer au renforcement de l'exercice de la démocratie depuis la base. Le MPU constitue en fait une bonne école de la démocratie.

La mise en parallèle du MPU avec d'autres concepts similaires développés en Europe dénommés "niveau intermédiaire de décision" et "micro-démocraties", est susceptible d'apporter des enseignements fructueux autant pour les pays du Sud que ceux du Nord. Par exemple l'évaluation des méthodes participatives expérimentées depuis des années par les ONG dans le Sud peut être utile à la mise en place de processus participatifs similaires dans les quartiers difficiles des villes européennes. En contre partie certaines expériences d'habitat participatif développés dans les pays européens peuvent contribuer à trouver des solutions à certains problèmes de développement des villes du Sud. Il est à parier enfin qu'une telle démarche croisée contribuerait à créer de nouvelles solidarités Nord/Sud.

Faustina Van Aperen

Septembre 95

2. HORELLI, L., et VERSA, K., Changer la vie quotidienne : quelques pistes , in La des femmes aux décisions en matière d'aménégement du territoire et du cadre de vie, Actes du Séminaire 25-27 octobre , Conseil de l'Europe,Athènes, 1990

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Horizon Local 1997
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