Par TOUTAIN Françoise
Date de la fiche : 1997/03/20.
Tout au long de l'année 1993, ENDA a mis en oeuvre un processus expérimental d'échanges entre des agents sociaux engagés en France et au Sénégal dans des contextes urbains différents mais confrontés à des problématiques similaires. Ce programme d'échange Sud Nord consacré à la gestion sociale de la ville a engendré d'autres programmes actuellement en cours de réalisation.
Le lien social à travers le prisme d'un regard croisé Sud Nord : contexte et méthodologie.
On trouve à l'origine de ce programme le constat selon lequel "le genre urbain" est devenu une réalité incontournable de toute politique de développement. Au Nord comme au Sud, dans les grandes métropoles, des situations individuelles mais aussi collectives de pauvreté se manifestent. De "poches circonscrites" on passe à des "espaces socio géographiques de plus en plus marginalisés". Cette situation de crise est certes porteuse de fractures mais aussi de dynamisme potentiel. En effet les laissés pour compte revendiquent le droit de parler et d'être entendus. Ainsi, à l'occasion des rencontres organisées dans le cadre du Programme Solidarité Habitat entre acteurs de la politique française de la ville et spécialistes des dynamiques urbaines en Afrique, l'idée est née de développer les pratiques de médiation et d'aide à l'expression des habitants, dans des contextes où les rapports sociaux sont particulièrement difficiles.
Deux postulats sont à la base de l'expérience : il n'y a de développement social que participatif, ce qui suppose l'existence du "lien social" ; c'est donc à l'émergence du lien social qu'il faut travailler.
Les hypothèses de travail sont ainsi formulées. Le diagnostic porté par le regard extérieur (des acteurs du Sud au Nord et des acteurs du Nord au Sud) doit permettre, sur la base de ces postulats, d'apporter aux acteurs engagés sur leurs terrains des pistes nouvelles d'action en vue du renforcement du lien social. "Les pratiques professionnelles spécifiques liées, d'une part, aux récents dispositifs DSQ (Développement Social des Quartiers) et de médiation pénale ou de proximité en France, et, d'autre part, aux dynamiques des quartiers et à la médiation populaire au Sénégal, peuvent, en se confrontant, s'enrichir mutuellement".
Les trois villes françaises choisies sont le Havre, Longjumeau et Lunéville. Leurs répondants sont deux villes sénégalaises : Dakar (le quartier de la Médina et de Yoff) et Thiès. Des binômes peuvent alors être établis. Thiès et Lunéville sont très proches de grandes villes que sont Dakar et Nancy, et ont un caractère de "réservoir de main d'oeuvre". Yoff et Longjumeau étaient des villages qui ont été absorbés par l'urbanisation de Dakar et de Paris. Enfin les femmes sont très actives à la Médina de Dakar et dans les quartiers DSQ du Havre où réside une importante communauté sénégalaise.
De chaque quartier ou ville devait émaner deux catégories d'acteurs : un professionnel travailleur social, fonctionnaire ayant un mandat officiel sur le quartier et un médiateur populaire issu du quartier, bénévole et doté d'une légitimité populaire. Il semble que ce choix méthodologique ait été plus adapté au terrain sénégalais, où il a été totalement respecté, qu'au terrain français puisqu'on a eu deux travailleurs sociaux professionnels (au Havre), deux jeunes étudiants militants dans une association, l'ASAL (pour Lunéville), et un médiateur pénal et une secrétaire au service municipal "Cultures et quartiers" pour Longjumeau.
Des échanges entre membres des binômes ont été soigneusement préparés, chacun venant pour un séjour de 21 à 60 jours chez son partenaire, en France et au Sénégal. Une sociologue membre de l'équipe de travail suivait et analysait la mise en oeuvre du programme. Enfin un partenariat efficace a donné à l'action tout son sens.
ENDA a assuré la mise en oeuvre et le suivi du programme en partenariat avec Juristes solidarités dont le rôle a été déterminant quant à l'analyse de la médiation comme outil de construction ou de reconstruction du lien social. La FOL a quant à elle contribué au choix d'un des acteurs participant à ce processus expérimental... Notons que les partenaires financiers ont été la DIV (Délégation Interministérielle à la ville), les Ministères de la Justice et de la Coopération ainsi que la Fondation de France.
La réciprocité, une dimension déterminante de l'éducation à la citoyenneté.
Un rapport d'évaluation détaillé de l'expérience a été produit. Il ne s'agissait à travers ce programme ni d'exporter une approche de Développement Social des Quartiers au Sud, ni d'importer un projet communautaire africain vers le Nord, mais de partager les richesses et les enseignements tirés d'expériences diverses et d'en exploiter les complémentarités. Cet objectif a été atteint.
Le programme a permis d'élaborer des pistes de travail thématique et méthodologique qui préparent à la mise en oeuvre de projets de coopération valorisant un véritable apport mutuel entre la France et le Sénégal et permettant à chaque habitant d'affirmer sa citoyenneté à partir d'une base de prise de conscience des différences et des richesses de chacun (immersion des travailleurs sociaux, rencontre avec des élus locaux, réunion pour rendre plus fluide les rouages entre élus locaux, pouvoirs public et associations de terrain).
Il visait ainsi quatre enjeux globaux :
- lutter contre les exclusions sociales, économiques, voire politiques au Sud et au Nord,
- contribuer au passage d'une logique de transfert de compétences à une logique d'échange de savoir-faire, dans les projets de coopération,
- lutter contre le racisme et la xénophobie,
- renforcer l'image positive de l'Afrique en général et du Sénégal en particulier. Ce dernier objectif a été l'un des mieux atteints.
A travers les échanges entre acteurs sénégalais et français, ce sont des relations entre les populations des six quartiers de ces deux continents qui ont été tissées. A travers ces expériences, les partenaires africains ont su convaincre de leurs compétences propres, en matière notamment de gestion sociale de la ville, compétences qui peuvent s'avérer source d'enseignements pour des acteurs du Nord qui sont en butte aux limites de leurs propres savoir-faire. Notons enfin que l'échange perdure entre Yoff et Longjumeau et entre les femmes sénégalaises du Havre et de Dakar.
Organisme : ENDA TIERS MONDE - Délégation en Europe.
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Mots-clés : CITOYENNETE; VILLE; VOYAGE.
LOCALISATION : LE HAVRE; LONGJUMEAU; LUNEVILLE; HAUTE NORMANDIE; LORRAINE.
Public : ADULTE.
Dossier
"Pour une terre d'avenir"
Réseau d'Information Tiers Monde
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Horizon Local 1997
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