Par Marie Rouxel , directrice de l'A.G.L.C.R., Point d'Appui du G.I.P. Réseau Information Gestion à Bourg-en-Bresse
Sommaire de la rubrique :
- Mon expérience dans l'accompagnement de projets
- Une méthode, moi ?
- Les méthodes dans l'accompagnement de projets
- Fonction : ''oreille''
- Fonction : ''stylo habile''
- Fonction : ''dénicheur''
- Fonction : cuisinier
- Fonction : miroir
- Fonction : chasseur de têtes
- Fonction : calculatrice
- Fonction : chercheur d'or
- Fonction : sablier
- Fonction : garde-fou
- Fonction : porte-voix
- Fonction : marraine
- Fonction : gnagnagna
1. Formatrice / permanente en Mission Locale
Environ 10 ans d'expérience de suivi de jeunes en difficulté, en accompagnement de projet d'insertion sociale et professionnelle ou d'absence de projet :
Habitude du diagnostic
Mise en valeur des points positifs
Aide à la formulation mise en oeuvre de stratégies de réussite avec étapes intermédiaires
Habitude du travail en réseau.2. 6 ans à l'A.G.L.C.R.
L'A.G.L.C.R. est centre de support technique aux associations avec suivi de projets collectifs : associations de quartiers, Projets J, DÉFI Jeunes, groupes de jeunes musiciens.
Une méthode, moi ?
1. Perplexité devant la demande du Réseau d'apporter mon témoignage quant aux méthodes employées.L'impression d'être complètement empirique, de travailler au jugé, de m'adapter au public : à chaque projet, son accompagnement propre.
2. C'est un des trucs du Réseau de vous obliger à réfléchir sur vos pratiques (ex : évaluation) pour en retirer ce qui peut être transférable. D'où une recherche, à partir de quelques exemples concrets de ce qui est récurrent dans ma pratique (Anorien/Ishtar : collectif de musiciens, le Cirque de Bourg : Défi Jeunes ; l'Association des Jeunes des Dîmes et l'Association Culturelle Maghrébo-Européenne de Bourg : associations de quartiers).
3. J'ai ainsi repéré :
- des étapes dans l'accompagnement
- des rôles de l'accompagnateur à chaque étape
- quelques ''outils'' ou trucs que j'ai l'habitude d'utiliser.
Les méthodes dans l'accompagnement de projets
1. Décrypter la demande
Fonction : ''oreille''
Différencier le projet de l'outil institutionnel à mettre en oeuvre. Exemples : en Mission Locale, le jeune vient ''chercher un stage''. Pour les associations, la première demande est très souvent une demande d'argent : ''je voudrais une subvention''.
2. Aide à la reformulation, mise par écrit des objectifs
Fonction : ''stylo habile''
Ce passage à l'écrit, très formel, peut être vécu comme insurmontable pour certains. Sans faire à la place, il s'agira de reformuler, de traduire en langage clair le projet, d'aider le responsable dans la rédaction de quelques lignes.
3. Vérification des motivations personnelles et des ''talents'' ou compétences
Fonction : ''dénicheur''
Il est important, d'une part de vérifier ce que le ou les porteurs de projet en attendent pour eux-mêmes : un projet professionnel à terme peut être masqué par l'expression d'une volonté désintéressée ''d'aider les autres'', l'envergure de certains projets n'est pas toujours perçue en amont et risque d'épuiser les bonnes volontés. La vérification des talents (bilan de ''compétences'') pourra s'accompagner de propositions de formations en cas de carence.
4. Evaluation des moyens à mettre en oeuvre : humains, matériels, financiers
Fonction : cuisinier
L'expérience de l'accompagnateur l'amènera à aider à dresser le tableau le plus exhaustif possible des moyens nécessaires à la réalisation du projet. Je me souviens ainsi d'un jeune qui voulait créer une structure de services d'aide à domicile en zone rurale et qui n'avait pas pensé au coût des transports ! Ou encore d'une brave mamie qui voulait créer un lieu de rencontres culturelles concernant une dizaine de personnes et qui pensait obtenir de la Mairie une subvention pour la prise en charge du loyer de l'appartement sans en avoir calculé le montant !
5. Enquête sur les projets similaires
Fonction : miroir
Le porteur de projet est toujours persuadé d'innover. La connaissance du tissu local par l'accompagnateur fait qu'il est souvent au courant de l'existence de projets similaires. Sans obliger les gens à faire la même chose ou à travailler avec d'autres contre leur gré, il pourra être bénéfique de faciliter des rencontres ou au moins de faire part de l'existence de ces actions. Attention à la réaction de repli, ''On va me piquer mon projet'' ou ''Oui, je sais, mais eux ils sont nuls''.
6. Repérage des personnes ressources, constitution d'un réseau de compétences
Fonction : chasseur de têtes
A l'échelle d'une petite ville, comme Bourg-en-Bresse, il est assez facile de se constituer un ''Who's who'' qui permet de mettre en relation les porteurs de projet avec des ''experts''. Ainsi, pour le Cirque de Bourg, j'ai proposé une rencontre entre Christian et un professionnel du cirque qui avait déjà organisé des stages. Cela lui a permis, d'une part, de se former techniquement, d'autre part, de recentrer son projet sur une activité de loisirs plus que sur une réelle école de cirque pour laquelle il n'avait pas les compétences.
7. Elaboration d'un (des) budget(s) prévisionnel(s)
Fonction : calculatrice
On travaillera avec le porteur de projet en plusieurs étapes. La première sera celle de l'élaboration d'un budget ''conte de fée'' qui, comme son nom l'indique, correspondrait à une couverture exhaustive des dépenses par des recettes adéquates. La seconde étape sera celle d'un budget ''idéal'', celui vers lequel il faut tendre, tant en réduisant les dépenses qu'en ''ratissant large'' au niveau des recettes. La troisième étape correspond à un budget ''optimiste'', celui qui risque de se réaliser si tout va bien. La dernière étape est celle du budget ''damiaque'', soit hyper-réaliste, qui risque d'être celui qui se réalise si tout ne va pas comme sur des roulettes. Selon l'avancée de son projet, le responsable se réfèrera à l'un ou l'autre de ces budgets (''conte de fée'' pour les dossiers à présenter aux financeurs potentiels, par exemple).
8.Recherche des ressources
Fonction : chercheur d'or
Les porteurs de projet n'ont souvent qu'une vision parcellaire ou inexacte des sources de financement possibles. Il sera du rôle de l'accompagnateur de les aider à se repérer dans la jungle des champs d'intervention de chaque structure. Ainsi, le nombre de groupes de rock amateurs qui pensent pouvoir bénéficier d'une aide de la DRAC pour l'enregistrement de leur premier disque mais qui ne pensent pas à interroger la SACEM.
9.Elaboration d'un calendrier
Fonction : sablier
La première précaution de l'accompagnateur sera de ne pas céder à l'urgence. Savoir dire à celui qui veut déposer un Projet J dans 2 jours parce que c'est la date limite qu'il est peut-être plus raisonnable d'attendre la prochaine session et que son projet peut attendre 3 ou 4 mois. D'autre part, il s'agira d'élaborer avec lui un calendrier de réalisation qui sera ponctué de rendez-vous pour vérifier l'avancée des démarches.
10.Période ou action ''test''
Fonction : garde-fou
Dans la mesure du possible, plus le projet est conséquent, et pour éviter les ''gamelles'' trop importantes, il faudra envisager une période ou une action test à l'issue de laquelle il sera temps de revoir le projet. Ainsi pour le Cirque de Bourg, Christian a-t-il testé l'intérêt que pouvait susciter son activité en organisant un stage pendant les vacances scolaires dans le cadre du centre de loisirs où il est objecteur. Il a pu vérifier en situation, d'une part qu'il était capable d'encadrer un groupe, d'autre part, que cette activité intéressait des ''clients'' potentiels. Cette action lui a également permis de se faire connaître (presse) et d'annoncer la suite de son activité.
11.Communication
Fonction : porte-voix
Là encore, l'accompagnateur pourra servir d'intermédiaire auprès de ses relais locaux dans les médias en donnant le nom d'un journaliste que l'on sait pouvoir être intéressé, par exemple. Il pourra également conseiller le porteur de projet sur la forme à donner à cette communication. Ainsi, le projet de ''lieu de rencontres culturelles'' de ma mamie, dénommé ''Le Port'', s'est transformé en ''escale amicale'', dénomination moins rébarbative.
12.Réalisation
Fonction : marraine
S'il est bon d'être discret au moment de la réalisation, et ne pas être tenté de ''récupérer'' le bébé, une présence attentive pourra, si elle est souhaitée, rassurer le porteur de projet au moment de la mise en oeuvre. Il peut aussi, selon les individus, être souhaitable de ''leur lâcher les baskets'' à l'une ou l'autre des étapes, lorsque l'on sent qu'ils sont arrivés à l'autonomie.
13.Evaluation
Fonction : gnagnagna
Faire un bilan est souvent vécu comme négligeable par les porteurs de projet. Pourtant, que ce soit en interne ou pour rendre compte à ses partenaires, cette phase est essentielle. L'accompagnateur veillera à faire évaluer les écarts entre l'origine du projet et son aboutissement. Cette fonction pourra se prolonger en suivi si le projet s'échelonne sur une certaine durée.
Superwoman ou groupe d'intervention ?
1.De l'importance d'un référent
Selon les porteurs de projet, il pourra être important d'avoir un accompagnateur référent, capable de suivre l'action dans la durée et d'avoir un regard global, d'être la ''mémoire'' du projet.
2.Je ne suis pas Dieu
Pourtant, nul n'est irremplaçable. Que ce soit pour des raisons de disponibilité, de limites de compétences, ou simplement parce qu'on est plus intelligent à plusieurs que tout seul, il est nécessaire de savoir passer le relais ou de se faire entourer. On ne peut pas être spécialiste en tout. J'avoue ainsi mon ignorance crasse dans le secteur sportif : dans ce cas, je renvoie soit sur des CTP Jeunesse et Sports, soit sur le service des sports de la Mairie.
3.Repérage et connaissance des acteurs de la vie locale : le carnet d'adresses
Au fil des années, à l'échelle d'une petite ville, on peut repérer les ''experts'' dans tel ou tel secteur, ou simplement les structures spécialistes vers qui on pourra renvoyer les porteurs de projet à telle ou telle étape. Il n'est pas souhaitable de se substituer à des intervenants reconnus et compétents lorsqu'ils existent. Le ''carnet d'adresses'' complété de noms de personnes dont on sait qu'elles prendront le temps d'écouter est un outil indispensable de l'accompagnateur.
Sur un projet de quartier, par exemple, il est inconcevable de ne pas travailler avec les acteurs de terrain (travailleurs sociaux, Centre Social...). Le rôle de l'accompagnateur pourra simplement être celui ''d'interface'', aidant quelquefois à restaurer des relations distendues au fil des ans, renvoyant à terme le porteur de projet à son ''accompagnateur naturel''.
4.De l'importance d'un regard extérieur : le parrain de la marraine
Quand on a compris (hélas !) que l'on n'était pas Dieu, il est bon, à certains moments, d'avoir l'avis d'une personne extérieure au projet et à son suivi, une sorte de ''superviseur'' qui apportera le recul d'un regard neuf sur l'action. Quand on a ''le nez dessus'', qu'une relation parfois amicale s'instaure avec les porteurs de projet, l'objectivité peut en prendre un coup. Référer à un collègue ou à une équipe de collègues permettra de faire le point et d'éviter certaines erreurs.
La caisse à outils
1.Le test ''je suis quoi, moi, là-dedans ?''
C'est un vieux truc de ''missionnaire'' que de repartir du sujet, de vérifier que c'est bien son projet et qu'il en attend quelque chose pour lui (pas seulement pour les parents, les copains...). Quel est son projet personnel dans le projet collectif ?
2.Le contrat
Là encore, c'est une pratique issue de la pratique en Mission Locale. On se met d'accord sur des objectifs à atteindre et les moyens à mettre en oeuvre pour les réaliser, en fixant des étapes. Concrètement, on ne sort pas de mon bureau sans avoir quelque chose à faire. En contrepartie, à l'issue d'un rendez-vous, j'essaie que mes visiteurs repartent avec une information précise ou l'engagement que je leur fournirai lors de notre prochaine rencontre.
3.La conférence
C'est ''l'intrusion'' d'une tierce personne dans le binôme (!) porteur de projet/accompagnateur pour apporter un regard neuf sur l'avancée du projet et procéder à une mise à plat.
4.Les issues de secours
Issue d'une pratique d'accueil et d'orientation, la recherche d'issues de secours avec les porteurs de projet, lorsque l'on s'aperçoit que le projet initial sera difficilement réalisable, permet de ne pas rester sur un échec. Il pourra s'agir d'un simple report du projet dans le temps, d'un projet moins ambitieux, ou de solutions d'attente.
Pour plus d'informations, contacter:
G.I.P. Réseau Information Gestion
17 rue Froment, 75011 PARIS
Tél : 01 48 06 71 72 - Fax : 01 48 06 98 97
E-Mail - reseauinfogest@calva.net
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