Par André Joyal, Professeur d'économie à l'Université du Québec à Trois-Rivières
A la fin des années 70, le Québec démontrait un dynamisne particulier en ce qui regarde la création d'emplois issus de la dynamique communautaire . Les initiatives émanant d'une volonté des populations de plusieurs villages du Bas-du-Fleuve-Saint-Laurent et de la Gaspésie, désireuses de réagir contre la menace de fermeture de leurs paroisses, attiraient fortement l'attention. A la faveur d'une prise de conscience suscitée par certains leaders locaux, les premières corporations de développement communautaire prirent naissance.
Dans une certaine mesure, l'exemple américain tel que vécu, dès la fin des années 60, dans les quartiers défavorisés des grands centres urbains, a servi d'inspiration. Il s'agissait, en quelque sorte d'adapter, aux besoins d'un environnement rural éloigné des grands centres, une structure d'animation susceptible de canaliser à la fois les idées et les énergies des populations à la recherche d'une plus grande autonomie en matière économique.
Comme on le devine bien, ces expériences sociales, qui furent imitées de façon plus modestes dans d'autres régions périphériques du Québec, ont donné lieu à une abondante documentation. Leurs performances heureuses et leurs vicissitudes ont été largement commentées par différents visiteurs des deux côtés de l'Atlantique (MacLeod, 1986; Chassagne, 1988). En fait, le temps des bilans sur cette forme de stratégie de développement économique est révolu depuis déjà plusieurs années. Autant en milieu rural (c.f. le texte de B. Vachon) qu'en milieu urbain, le développement, dit par le bas ou endogène, évolue au diapason de l'ensemble de l'économie québécoise, qui comme chacun le sait, s'est profondément transformée ces dernières années.
C'est surtout par sa dynamique entreprenariale que le Québec attire maintenant les regards. En dix ans le nombre de création d'entreprises a quintuplé en passant de 5 045 en 1979 à 24 455 en 1988 alors que, pour la même période, en Ontario, le nombre de nouvelles entreprises n'a fait que doubler. Comme on le devine bien, les PME tiennent le haut du pavé en accaparant 45% des emplois, soit la plus forte proportion au Canada. Cet engouement envers l'émancipation économique à travers la démarche entreprenariale touche également les promoteurs du développement économique communautaire. L'évolution actuelle, moins favorable à l'essor des coopératives ou autres entreprises communautaires, (c.f. déf. infra), se caractérise par la promotion d'entreprises traditionnelles sans toutefois faire perdre de vue le lien entre les objectifs sociaux et ceux de portée strictement économique. C'est la voie adoptée, avec des nuances selon les cas, par les corporations de développement économique et communautaire (CDEC) de Montréal auxquelles ce chapitre consacre l'essentiel de son attention.
C'est donc à une histoire bien récente que l'on se rapporte ici puisque la première CDEC, le Projet économique de Pointe-Saint-Charles c.f. infra ) a été crée en 1984. Avant cet avènement, nous partageons l'opinion de J.-M. Fontan (1988) pour qui, à Montréal, rien ne se passe en ce qui regarde le développement communautaire. Bien sûr, un imposant travail d'animation sociale à la fin des années 60 a donné lieu à un nombre impressionnant de comités de citoyens ou d'organisations populaires (grass roots organizations) de tous genres, fortement imprégnés de valeurs idéologiques. Mais rien de bien structuré sur le plan économique n'a émergé de façon vraiment significative si l'on fait abstraction des coopératives de consommation et d'habitation.
Or, les années 80 devaient favoriser l'avèment d'une approche plus pragmatique de l'action communautaire. La finalité économique ou marchande, traditionnellement boudée par les activistes des milieux communautaires, allait prendre un aspect différent à la faveur d'une attention particulière envers la démarche entrepreneuriale. Davantage soucieux de la problématique du développement, les groupes communautaires vont se situer sur deux terrains: celui de l'emploi ou de l'employablilité ou encore de l'entrepreneuriat local avec en plus une attention envers le logement, l'aménagement du territoire et celui se rapportant aux besoins des citoyens les plus démunis (Hamel. 1989).
C'est donc aux interventions touchant l'emploi et l'employabilité que les pages suivantes se rapportent en mettant en évidence à la fois leur nature, leur importance, leurs limites, les inquiétudes qui les accompagnent et les mises en gardes formulées par différents observateurs. Les initiatives qui émanent des CDEC sont-elles autant de verres d'eau jetés dans l'océan des activités économiques, susceptibles de se répéter le temps que dureront les appuis financiers consentis par différents programmes gouvernementaux? Ou, au contraire, les réalisations des dernières années offrent-elles une garantie de la pérennité de cette nouvelle stratégie de développement communautaire?
Après avoir brossé un tableau de la précarité de la situation économique de la ville de Montréal, une vue d'ensemble des activité des trois CDEC pionnières cherchera à répondre à ces interogations. Une attention particulière est consacrée envers la CDEC Centre-Sud/Plateau-Mont-Royal en vertu, d'une part, de ses nombreuses réalisations durant ses sept années d'existence et, paradoxalement, d'autre part, en vertu de la crise qui l'affecte au moment d'écrite ces lignes* . L'importance du débat actuel oblige la mise en évidence du très sérieux conflit entre les partisans d'un développement communautaire «pur et dur», c'est à dire avant tout orienté vers des objectifs sociaux et ceux, plus pragmatiques, qui considèrent que la création ou la consolidation d'emplois représente le meilleur moyen de lutte contre la pauvreté. En soulignant la différence entre deux conceptions du développement économique communautaire, le lecteur verra la position privilégiée par l'auteur à la faveur de ses observations au fil des années, à travers le Québec et à l'étranger.
Enfin, un aperçu de diverses initiatives qui ont pris leur envol ces dernières années, et qui demeurent aujourd'hui bien vivantes, vise à fournir une vue d'ensemble d'activités communautaires mises en oeuvre dans l'est de Montréal.
Horizon Local 1997
http://www.globenet.org/horizon_local/
http://www.macbroker.com/:cserve/langevin/horizon.htm