Par Jean-Paul Vigier, Président de Finansol
La découverte ou la redécouverte de la pauvreté montante dans notre pays ont été, dès le milieu des années quatre-vingt, l'occasion d'une prise de conscience de la nécessité de rechercher des moyens nouveaux de lutte contre l'exclusion ou plus normalement d'insertion sociale.
Cette prise de conscience s'est orientée assez vite vers la création d'outils économiques ou financiers destinés à proposer une alternative ou une suite aux actions caritatives de plus en plus nécessaires et importantes.
Beaucoup de ces nouvelles initiatives se sont inspirées de l'exemple de réalisations dans les pays en développement ou depuis la fin des années soixante-dix ont vu le jour des banques solidaires, des mécanismes de prêts, des organismes d'épargne suscités ou par des organisations gouvernementales du Nord ou par l'action de personnalités ou d'institutions locales. La Grameen Bank au Bangladesh, la SCOD (1) aux Pays Bas , la SIDI (2) en France ont été parmi d'autres les promoteurs d'un renouvellement de la solidarité internationale en agissant non par des dons mais en organisant des systèmes financiers ouverts aux exclus de l'organisation bancaire classique.
Parallèlement à la mise en place de ces structures, on a vu émergé en France , une tentative originale d'utiliser l'épargne pour financer ces formes nouvelles d'intervention financière.
La création de Fonds commun de placement ou de SICAV dont le revenu est partagé entre le don et le maintien du capital a permis de trouver les moyens financiers nécessaires au soutien de certaines de ces initiatives dans les pays en développement. et premier du genre est le F.C.P. " Faim et Développement " créé par le Crédit Coopératif et le CCFD pour permettre par l'intermédiaire de la SIDI (2) la création de sociétés de financement dans plusieurs pays en développement.
Tout cela a servi d'exemple pour susciter la création de divers organismes destinés à l'insertion sociale par la voie économique de personnes écartées par leur pauvreté financière physique ou sociale des circuits traditionnels du crédit.
La Fondation France Active, L'ADIE, Autonomie et Solidarité dérivent directement de ces expériences adaptant chacune avec ses méthodes et sa vocation propre les mécanismes ayant réussi ailleurs.
Parallèlement le réseau des CIGALES, utilisant le mécanisme des clubs d'investissement recherchait un financement solidaire de proximité.
Enfin, puisant ses origines dans un mouvement largement développé en Europe du Nord, une société financière la NEF proposait elle aussi des financements adaptés à de petites entreprises dont beaucoup promues par des personnes sans ressources.
D'autre part, enfin, l'exemple 'exemple des produits financiers de partage s'élargissait et apparaissaient des produits dédiés dont la vocation n'est plus le partage du revenu mais aussi l'utilisation de leur actif pour financer des investissements ou des financements.
A l'initiative de France Active, la Caisse des Dépôts, le Crédit Mutuel ont ainsi créé un F.C.P. tourné vers le financement d'entreprise d'insertion.
Malgré leur dynamisme et leur originalité ces diverses entités de collecte d'épargne ou de financement restent dans notre pays très peu connues.
Le concept d' "épargne solidaire " reste, en France, peu développé et la lourdeur comme la rigidité du système bancaire français, et aussi la fragilité financière de beaucoup d'établissements financiers français, ne permettent pas jusqu'à ce jour la naissance d'initiatives spectaculaires .
Pour rechercher des solutions et conscientes de leur faiblesse respectives les dirigeants de ces opérateurs financiers ont résolu de se concerter à l'initiative de la Fondation Charles Léopold MAYER pour le progrès de l'Homme de façon à trouver les approches nécessaires à une meilleure connaissance du grand public et d'un intérêt éventuel des pouvoirs publics.
Car, même si leurs buts sont identiques, les besoins de tous ces opérateurs ne sont pas semblables. certains ont besoin de capitaux pour investir ou conforter leurs fonds propres, d'autres désirent disposer de ressources pour créer ou augmenter des fonds de garantie, quelques uns recherchent des apports pour augmenter leur capacité de prêts, mais tous ont en commun des besoins importants de financement pour leurs actions d'accueil et d'accompagnement des personnes qui s'adressent à eux.
C'est là, en effet, le point central et commun de leurs préoccupation, spécifique de leur mission. A la différence d'établissements financiers traditionnels, leur clientèle nécessite des formes d'accueil et de suivi particulières qui imposent de disposer de temps et des compétences adaptées.
Les produits financiers de placement dédiés ou de partage ont la vocation de pourvoir pour certains à ces besoins mais leur audience limitée n'est pas suffisante pour répondre à la demande. D'autre part, créés par des initiatives diverses et liées à certains opérateurs et pas à tous, ils ne peuvent satisfaire tous ces besoins.
C'est pour tout cela, qu'il apparût opportun de réunir dans une même association, les établissements financiers qui proposent des produits éthiques ou de partage et ces opérateurs financiers en quête de ressources nouvelles et promoteurs de financements adaptés à des catégories de population exclues des crédits ordinaires. C'est ainsi que , peu à peu, d'abord avec les seuls opérateurs financiers puis avec les établissements bancaires créateurs de placements dédiés ou de partage, que s'est constituée l'association FINANSOL.
Ses objectifs sont triples:
- favoriser la promotion dans le public de la solidarité dans l'épargne
- pour cela créer, gérer et contrôler un label FINANSOL garantissant que la collecte de cette épargne et l'usage qui en est fait obéissent aux mêmes critères d'éthique et de professionnalisme et présentent ainsi une garantie auprès des souscripteurs.
- organiser la concertation entre les opérateurs financiers pour faciliter les convergences.
- rechercher en concertation avec les pouvoirs publics des modalités d'incitation pour les souscripteurs.
Evidemment, dans un premier temps, l'essentiel de l'action de FINANSOL est la mise en en place de ce label et son attribution.
Il serait attribué aux opérateurs financiers si ceux-ci consacrent l'essentiel de leurs ressources habituelles et des ressources nouvelles, acquises grâce à l'attribution du label FINANSOL, à des actions visant l'insertion économique des exclus et, en général, l'instauration des conditions sociales respectueuses des personnes et de leur cadre de vie en France et, à l'étranger.
Il sera aussi attribué à des produits financiers créés et gérés par des établissements financiers attestant ainsi que les intentions des souscripteurs, prises en compte par les gestionnaires, visent, soit le partage du revenu du placement, soit l'investissement dédié en faveur des mêmes objectifs que ceux des opérateurs financiers membres de FINANSOL.
Naturellement ce label n'est pas attribué aux établissements financiers eux-mêmes mais aux produits particuliers dont ils assurent la gestion.
Il s'agit, en fait, d'établir et de développer une même identité éthique et technique dans la collecte de ressources et dans l'usage qui en est fait.
C'est la première fois, à ma connaissance, qu'une pareille association est tentée pour promouvoir, non seulement des produits ou des services, mais une idée et une morale.
Bien évidemment, FINANSOL n'est pas une chapelle fermée réservée a quelques fondateurs. Tout opérateur financier ou tout produit financier répondant aux critères établis peuvent prétendre à y adhérer.
Notre ambition est de faire connaître cette forme de solidarité par l'épargne qui peut être une réponse partielle certes, mais réelle à la requête de ceux qui sont en marge des systèmes classiques. Notre démarche est pragmatique et s'appuie sur les réalisations d'opérateurs et de mécanismes qui ont fait leurs preuves en France et dans le monde. Il ne s'agit naturellement pas d'une utopie irréaliste ou seulement généreuse. Bien sûr la solidarité et même la générosité sont à la base de ces réalisations, mais elles veulent se situer clairement et nettement dans la sphère économique comme un complément des aides de l'état ou des associations et un tremplin pour ceux qui ont la possibilité et le courage de réaliser un projet économique pour changer leur destin.
Il est possible que l'avenir pourra amener FINANSOL à proposer ou réaliser des rapprochements et des convergences clarificatrices, mais pour l'instant notre objet est de mettre en oeuvre la promotion et l développement de ce qui existe. dans le domaine chiffré notre ambition serait que la totalité des souscriptions collectées par ces divers moyens puisse atteindre la somme de un milliard de francs, alors qu'à ce jour les placements dans ce domaine dépassent à peine les 600.000.000 de francs.
Somme dérisoire au regard des milliards des OPCVM ou de l'assurance-vie, mais signe, tout de même que sans publicité tapageuse , ici et là des femmes et des hommes osent le risque de la solidarité.
1. SCOD Société coopérative Oecumlénique de Développement (Pays-Bas)
2. SIDI Société Investissements et de Développement interrnational (France)
Vigier Jean-Paul, " Finansol, association pour le financement solidaire, ou la promotion de l'économie solidaire ", in 'Exclusion et liens financiers', rapport 1997 de l'association d'économie financière, Montchrestien, Paris, 1998, pp 221-224
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Horizon Local 1997-98
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