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La location vente mutualiste


Une réponse adaptée aux besoins de financement des équipements productifs pour l'agriculture, l'élevage et le développement rural.

Principes de base, modalités pratiques et résultats concrets d'une expérience conduite depuis quatre ans dans la région de Tsiroanomandidy par l'association FERT puis étendue à d'autres régions (Vakinankaratra, Haute-Mania, Itasy, Imerina, Androna, ...).

Le problème du financement à moyen terme

Pour moderniser et développer leur production les paysans ont besoin d'acquérir des équipements ou des animaux qui co&degree;tent cher et qu'ils ne peuvent pas financer avec le produit d'une seule récolte : charrues, charrettes, boeufs de trait, vaches laitières... sans parler des matériels de motoculture ou de la première transformation des produits (décortiqueurs, broyeurs, presses à huile, ...)

Depuis de nombreuses années, il n'existe plus à Madagascar de services bancaires opérationnels pour financer les moyens de production nécessaires à l'agriculture ou à l'élevage. De nombreuses raisons expliquent que les banques aient cessé d'octroyer des crédits à moyen terme pour l'équipement agricole : les paysans ne peuvent que très difficilement accéder aux procédures du système bancaire classique, la rentabilité de leurs activités reste aléatoire et les difficultés de recouvrement se sont accrues avec la détérioration du revenu des paysans. Enfin, les garanties foncières ou immobilières n'existent pas ou bien leur liquidation se heurtent à des obstacles juridiques, culturels et socio-politiques.

Confrontés à ces besoins de financement, des paysans et des techniciens engagés dans les mouvements d'organisation professionnelle agricole animés depuis neuf ans par l'association FERT à Madagascar, ont imaginé, testé et mis au point une réponse adaptée : la Location Vente Mutualiste.

L'objectif est de faciliter le financement de matériels agricoles ou d'animaux nécessaires à la production dans le cadre d'associations paysannes qui se constituent progressivement en organisations financières mutualistes afin d'assurer la pérennité du système.

Principes de base

  1. La location vente repose sur le principe fondamental que l'organisme financeur reste propriétaire du bien financé jusqu'à ce qu'il soit entièrement payé par le bénéficiaire. Celui-ci est considéré comme locataire jusqu'à ce que la somme des loyers versés atteigne la valeur d'acquisition finale (valeur initiale + intérêts + frais). Au lendemain du paiement du dernier loyer, le bénéficiaire devient propriétaire. En cas de défaillance du paiement d'un loyer, le prêteur peut reprendre immédiatement son bien ce qui évite la plupart des problèmes de contentieux.
  2. Le caractère mutualiste de l'opération repose sur deux engagements :

    - La constitution de groupements d'agriculteurs qui seront les bases sociales d'une future organisation mutuelle. Les projets financés doivent être réfléchis, discutés et acceptés par le groupe qui apporte une garantie morale et financière au bénéficiaire. Le groupe s'engage à l'aider pour utiliser et entretenir au mieux les biens loués. Il exerce un contrôle pour que ces biens ne soient ni vendus ni détériorés et, en cas de défaillance, le groupe doit acquitter la dette.

    - La constitution d'un fonds mutuel qui permettra l'autofinancement progressif du système. Chaque bénéficiaire apporte sa contribution à la constitution de ce fonds, sous forme de "parts sociales" souscrites sur chaque contrat, proportionnellement au montant de l'opération. Dans un premier temps, le taux de souscription est de 5 % puis il diminue jusqu'à 2 %.

    Cet engagement mutualiste se concrétise par l'adhésion du bénéficiaire à une Caisse d'Epargne et de Crédit Agricole Mutuels (CECAM).

Modalités pratiques

La demande est présentée par le groupe qui sélectionne des projets qu'il accepte de cautionner. Les demandes d'une même zone sont examinées par le comité de gestion de la CECAM, assisté d'un technicien et en présence de délégués des groupements. Les parts sociales sont versées à l'appui de la demande. La décision finale revient à l'institution financière qui gère l'opération (progressivement les Unions Régionales de CECAM ou URCECAM).

L'achat : pour éviter tout litige sur la qualité des biens financés, le preneur est seul responsable de choisir le bien acheté et de négocier sa valeur initiale. Ceci est particulièrement important pour les animaux, car l'organisme prêteur -quoique propriétaire- ne répond pas de l'état sanitaire des boeufs achetés qui sont choisis, appréciés et évalués par le preneur.

Le paiement : un premier loyer d'un montant de 25 % de la valeur initiale est versé par le locataire, à titre d'autofinancement et en signe d'acceptation du bien en l'état. Le financeur avance le solde, soit 75 %. Le calendrier des loyers ultérieurs est négocié avant l'achat et adapté à chaque cas. Les loyers peuvent varier dans leur montant et leur périodicité selon la valeur du matériel et les ressources du bénéficiaire. Actuellement, le taux d'intérêt annuel est de 30 ou 36 %. L'échéancier est annexé au contrat.

Les litiges : en cas de retard dans le paiement d'un loyer, l'organisme financeur peut reprendre immédiatement possession du bien loué, sans autre formalité, puis rembourser au bénéficiaire le capital déjà payé en déduisant les frais de reprise et de dépréciation du matériel. Le prêteur peut alors vendre le matériel ou le louer à un autre bénéficiaire.

Résultats concrets

Dans le Fivondronana de Tsiroanomandidy, 16 groupes de paysans, comptant 98 membres se sont constitués la première année pour participer à cette activité qui a bénéficié directement à 47 d'entre eux. En 1992, ils étaient 32 groupes puis 62 groupes en 1993 et 74 en 1994 et sont plus de 150 en 1995. Le total des acquisitions s'élève ainsi à 531 millions de francs pour 799 bénéficiaires fin 1994. La Location Vente Mutualiste a surtout permis de financer le développement de la culture attelée : 453 boeufs de trait ont été financés (de même que des taurillons pour l'engraissement et quelques vaches laitières) ainsi que 245 charrues, 136 chaînes de traction, 224 charrettes (dont 18 en parties : roues et essieu pour l'assemblage) et 36 herses.

Si l'on considère que la plupart des paysans ayant ainsi acquis une charrue n'en possédaient pas auparavant, ce sont près de 600 hectares supplémentaires qui peuvent être labourés chaque année. Avec 224 charrettes, effectuant chacune environ 50 voyages à la récolte, ce sont plus de 5 200 tonnes de paddy ou de maîs qui peuvent être transportées par les paysans, du champ à la maison ou au marché le plus proche.

La Location Vente Mutualiste s'adresse en priorité aux exploitations agricoles de taille moyenne. Mais elle bénéficie aussi aux plus démunis car elle évite d'exiger une garantie (sauf pour les boeufs de traits). De petits paysans ont ainsi pu acquérir des sarcleuses manuelles (54), des brouettes (23) et divers autres outils : pulvérisateurs, semoirs,... Des femmes ont pu acheter une machine à coudre ou une égreneuse à maîs. Quelques groupements, à l'esprit d'entreprise plus développé, ont acquis de plus gros matériels : décortiqueuses, moteurs, motopompes, tracteurs,...

Un système durable et progressivement autonome

Sur plus de 1600 échéances arrivées à terme, on a constaté moins d'une trentaine d'incidents de paiement, tous réglés dans le mois suivant. La reprise du matériel ou la vente des boeufs est intervenue comme recours dans neuf cas et la caution solidaire du groupe dans cinq cas seulement (décès de l'emprunteur, accident d'un boeuf). Au 31 décembre 1995, le taux de remboursement était de 99,8 %, premier indicateur de viabilité.

Les intérêts payés par les paysans servent en premier lieu à couvrir le co&degree;t de la ressource qui est une ligne de crédit du FED (Union Européenne) mise à la disposition du Projet Mais Moyen-Ouest (PMMO) et de la BTM par le Ministère des Finances. Ils servent ensuite à constituer un fonds mutuel régional dont la gestion est actuellement assurée par l'association FERT. Ce fonds devrait ultérieurement servir de garantie pour assurer un certain nombre de risques (décès des emprunteurs, mortalité du bétail,...) et pour assurer la pérennité du système de Location Vente Mutualiste.

L'accord entre le PMMO, la BTM et FERT prévoit que cette pérennité devrait être assurée par le transfert progressif de la gestion de cette activité de Location Vente Mutualiste aux CECAM que FERT contribue à promouvoir dans le cadre d'un projet du BIT (MAG/90/M01/RFA). C'est dans cette perspective que les parts sociales souscrites par les bénéficiaires ont été transférées aux CECAM. Les résultats net dégagés sur les intérêts payés ont été capitalisés pour constituer les Fonds propres initiaux de l'Union Régionale des CECAM (URCECAM). A l'avenir, celle-ci s'articulera directement aux agences de la BTM pour continuer à accéder à cette ligne de crédit concessionnel de l'Union Européenne. Début 1996, une convention sera passée entre FERT et l'URCECAM pour déléguer totalement à cette organisation paysanne la responsabilité de gérer cette activité. L'URCECAM qui dispose Fin 95 de plus de 100 millions de Fmg de fonds propres est en effet désormais capable de répondre directement des risques. La marge financière réalisée sur l'activité lui permet en outre d'autofinancer les charges de fonctionnement liées à la distribution de ces crédits.

Sur la base d'une prévision d'effectifs en croissance annuelle dégressive de 50 % à 6 % et de montants d'acquisitions stables à une moyenne de 750 000 Fmg par bénéficiaire, une projection montre que le système pourrait couvrir ses charges d'exploitation au terme de six ans, avec 2000 bénéficiaires et en admettant un risque d'impayés limité à 2 %. Sous les mêmes hypothèses, l'autofinancement global pourrait être atteint deux ans plus tard et le système disposerait alors d'environ 1,6 milliard de fonds propres. (Calcul fait en FMG constant valeur novembre 94, l'inflation observée depuis juin 94 rend plus difficile l'autofinancement sur fonds propres car ils subissent l'érosion monétaire).

Extensions en cours et perspectives

Cette expérience de Location Vente Mutualiste suscite un vif intérêt chez les paysans qui en ont pris connaissance. Son extension est déjà en cours dans la région du Vakinankaratra et de la Haute-Mania ou l'association FIFATA l'expérimente depuis 1992, avec des fonds empruntés auprès de la BTM, de FERT et de la CFD. 418 paysans membres de FIFATA et quelques groupes encadrés par l'ODR en ont déjà bénéficié pour plus de 300 millions de FMG fin 94. le service pourrait être ouvert aux éleveurs membres de ROVA en 1996, grâce à un nouveau prêt de la CFD. En 1993, un test a été lancé dans le région de Befandriana-Nord et Mandritsara dans le cadre du projet PPI/ABM avec le concours du FED. Pour 1995, les estimations d'acquisitions s'élèvent à 400 millions pour la région de Tsiroanomandidy, 500 millions pour celle d'Antsirabe (dont 100 vaches laitières) et 90 millions pour Befandriana-Mandritsara.

FERT teste également la possibilité d'étendre ce système dans d'autres régions de l'Ile (Itasy, Imerina, Ambatolampy, Morondava). A moyen terme, on pourra envisager dans chaque région concernée la création d'un établissement financier spécialisé avec une participation mutualiste croissante des intéressés. L'URCECAM de Tsiroanomandidy constituée en mai 1995, préfigure cette évolution.

La pérennité du service repose d'abord sur la maîtrise de la gestion qu'acquièrent progressivement les agriculteurs responsables des groupements ainsi que leurs techniciens, grâce à la formation qui leur est apportée dans l'action. La capitalisation des parts sociales et du résultat net dégagé sur les intérêts permet en outre de constituer des fonds propres que les paysans perÁoivent clairement comme de l'argent qui leur appartient collectivement. Ceci accroît leur responsabilité dans la gestion du système et leur ouvre la voie d'une autonomie financière progressive. La mise en place de réseaux régionaux de CECAM capables de gérer durablement cette activité garantira le développement de la Location Vente Mutualiste, en partenariat avec la BTM.

Pour tous renseignements :

- Tsiroanomandidy : Serge-Philippe ANDRIAMIHAJA - URCECAM et FERT/PMMO - Amboasarikely - B.P. 59 - 119 TSIROANOMANDIDY
- Miarinarivo : Mamihery RAVELOJAONA - FAO Miarinarivo B.P. 3971
- Haute- Mania : Célestin RANDRIAMIARISOA - Lot I V G 1 - Ampivarotanomby Avaratra - AMBOSITRA
- Antsirabe : Brillant RAKOTOARISON - FIFATA 22 B 07, Route d'Ambositra - 110 ANTSIRABE
- Mandritsara : Andriamamonjy RAMANGASON - FERT/ABM - Rue de l'aérodrome - B.P. 16 - 415 MANDRITSARA
- Ambatolampy : Tovonirina RAKOTOSEHENO PDFIV/GTZ - B.P. 42 - 104 - AMBATOLAMPY
- INTERCECAM : Aubry RAZANAKOTO
- FERT Madagascar : BP 372 - 110 ANTSIRABE - Tél : (4) 497 08 - 480 91 ; Fax : (4) 497 09


FERT; Février 1996

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