Par Patricia NALLATAMBY - E.S.F
A la suite des graves difficultés rencontrées par les systèmes bancaires africains (fin des années 80), des systèmes de financement plus adaptés ont été promus et développés par les bailleurs de fonds et de nouveaux opérateurs. S'inspirant des expériences réussies en Amérique Latine ou en Asie, et dans le souci de mettre en place un outil financier spécifique au service de populations exclues du système bancaire classique, trois grandes approches ont été privilégiées:
1) Mutualiste (inspirée du modèle de Raffeisen) : coopératives dotées d'une structure fédérative (union régionale, caisses centrales) et ayant pour base l'épargne comme préalable au crédit. La participation des sociétaires et de leurs élus à la gestion et la vie des réseaux y est largement privilégiée.
2) Caisses villageoises d'épargne crédit autogérées: système basé sur la collecte de l'épargne au niveau du village, redistribuée sous forme de crédit aux membres n'ayant pas nécessairement une épargne préalable. La caisse villageoise est entièrement gérée par ses membres qui en fixent les règles de fonctionnement.
3) Crédit solidaire inspiré des principes de la Grameen Bank (Bangladesh) et fonctionnant avec des groupes cibles dont les membres se cautionnent mutuellement. Ces systèmes répondent aux besoins en petits crédits des populations dont la capacité d'épargne initiale est limitée.
Leur succès s'explique par le fondement même de ces différentes approches à savoir les solidarités à la base et la proximité. Les stratégies adoptées permettent une souplesse d'adaptation et une capacité d'innovation qui expliquent les résultats encourageants (taux de remboursement proches de 100%) et l'intérêt croissant pour ces systèmes qui se multiplient.
Cette évolution soulève de nouveaux défis liés aux conditions de pérennisation de ces systèmes qui supposent :
- la fiabilité des opérateurs et la professionnalisation des démarches;
- l'insertion dans un cadre institutionnel et réglementaire adapté et souple permettant l'équilibre financier des systèmes; - le maintien des principes de solidarité à la base qui ont montré leur efficacité.Dans un tel contexte, un besoin de réflexion, d'identification et d'évaluation a conduit dès 1991, le Ministère français de la Coopération et la Caisse Française de Développement (CFD) à se doter d'un instrument commun, le Programme Régional d'Appui aux Opérations d'Epargne Crédit Décentralisées-PRAOC. Conçu comme un outil original de capitalisation, d'échanges et de concertation avec les différents intervenants tant au nord qu'au sud, les objectifs du programme, dont la zone d'intervention est l'Afrique de l'Ouest, sont :
1) l'autonomisation, la pérennisation et l'extension des Systèmes d'Epargne Crédit (SEC) : en aidant les opérateurs et responsables africains à surmonter les principales difficultés que cette évolution pose, et en accompagnant ces systèmes dans la maîtrise de leur croissance à savoir :
- Appui à la consolidation des réseaux (équilibre financier, appui à l'informatisation, programmes de formation, ... ) ;
- Adaptation des stratégies pour élargir le public bénéficiaire ou les zones d'implantation tout en maintenant les principes de base mutualistes ou de solidarité ; - Autonomie de fonctionnement dans une réglementation adaptée et prise de responsabilité effective des bénéficiaires.2) La réponse à de nouveaux besoins de financement en milieu urbain et périurbain notamment où le secteur informel tient une place prépondérante. Ils concernent essentiellement le financement des micro-entreprises, PME-PMI locales, l'habitat, le crédit à moyen terme, etc...
3) L'appui à la constitution de réseaux pour accompagner les initiatives des opérateurs visant à créer entre eux des dispositifs de concertation et des centrales de service.
Au regard des différentes activités menées depuis 5 ans et des multiples ateliers de réflexion organisés avec les opérateurs, le PRAOC constitue aujourd'hui :
1) Un pôle de concertation, d'échanges et de coopération, non seulement entre opérateurs mais aussi entre bailleurs de fonds (suisses, allemands, ... ), qui a permis l'identification et la mise en oeuvre de programmes conjoints et d'actions communes. Un appui particulier a été apporté à l'émergence de réseaux d'épargne crédit qui, à terme, prendront le relais de fonctions de coordination, d'animation et d'échanges du PRAOC.
2) Un instrument de promotion et de défense des SEC par la mise en évidence de l'impact socio-économique, de l'effet dynamisant et structurateur dans le milieu des SEC.
3) Un instrument de consolidation des SEC par le développement d'actions spécifiques (formation, information, amélioration des procédures comptables, etc ... ). Le PRAOC s'est aussi engagé aux côtés de nombreux opérateurs pour faire valoir la mise en place d'une réglementation adaptée qui tienne compte de leurs spécificités.
4) Un outil de capitalisation des différentes expériences non seulement en Afrique mais à partir d'expériences menées dans d'autres régions du Monde.
Les perspectives à long terme sont multiples :
1) Poursuite des actions visant la consolidation des réseaux : diversification de la gamme de produits, rapprochement avec des structures d'appui/accompagnement, recherche de complémentarités et de synergies avec de nouveaux services financiers, poursuite des actions visant la mise en place d'une réglementation adaptée, accent sur les besoins de crédit de la P.M.E. et micro-entreprise, etc...
2) Désengagement des bailleurs de fonds : recherche d'articulations avec le système bancaire (fonds de garantie, refinancement, ... ), mise en place d'un marché inter-SEC, renforcement des associations d'intervenants, émergence de centres de ressources venant en relais des opérateurs et bailleurs de fonds (formation, gestion, informatique, audit, etc ... ).
Par rapport à ces défis et aux côtés du PRAOC, d'autres programmes d'appui plus ciblés sur une problématique particulière ont vu le jour à l'initiative d'autres bailleurs de fonds. Des synergies et des collaborations sont d'ores et déjà recherchées avec ces nouveaux partenaires. Toutefois, les SEC se développent et se multiplient au delà de la zone d'intervention de ces programmes (Afrique anglophone, lusophone, ... ), il conviendra de diffuser les acquis et les réflexions menées dans le cadre du PRAOC, et de faciliter l'émergence d'un outil ou d'un cadre de concertation permettant des réflexions croisées.
Pour plus d'informations, contacter:
Epargne Sans Frontière
32, rue Le Peletier - 75009 Paris
Tél : (33-1) 01 48 00 96 82 ; Fax : (33-1) 01 48 00 96 59
Horizon Local 1997
http://www.globenet.org/horizon-local/