Par Xavier LECACHEUR (PROPARCO - Société de Promotion et de Participation pour la Coopération, filiale de la Caisse Française de Développement - Paris)
Cette technique financière est née aux Etats-Unis sous le nom de "venture capital". D'abord traduit par "capital risque", les professionnels et les auteurs spécialisés lui préfèrent aujourd'hui le terme de "capital investissement".
Qu'est ce que le capital investissement ?
C'est une technique de financement du haut de bilan des entreprises à fort potentiel de croissance par des ressources propres minoritaires et temporaires. La société de capital investissement recherche le profit maximum sous forme d'une plus value au moment de la cession. Elle joue le rôle d'un partenaire proche de l'entreprise en accompagnant son intervention financière de conseils et d'appui. Le capital investissement finance l'entreprise en lui procurant des ressources qui viendront renforcer ses fonds propres. La société de capital investissement en tant qu'actionnaire ne bénéficie pas de garanties pour son intervention et en cas de liquidation de l'entreprise, elle n'est pas assimilée aux créanciers prioritaires.
Etant donné ces risques importants, le capital investissement ne peut s'intéresser qu'aux projets d'entreprises porteurs d'une forte croissance actuelle ou potentielle du chiffre d'affaires, des parts de marché et surtout de la rentabilité.
La plupart des sociétés de capital investissement sont des partenaires financiers minoritaires, qui détiennent des participations laissant au chef d'entreprise la liberté et la responsabilité de la conduite des affaires. Les règles définissant le partenariat sont reprises dans un protocole d'actionnaires. La société de capital investissement a pour objectif de céder sa participation. dans sa totalité ou plus rarement partiellement. dans un délai de 3 à 7 ans dans les pays de l'OCDE.
La principale rémunération de la société de capital investissement s'effectue sous forme de plus value lors de la cession (appelée aussi "sortie") de la participation. Mais elle recherchera un rendement régulier sous forme de dividendes. produits financiers, quand les conditions de sortie apparaissent difficiles.
En dehors des ressources financières, la société de capital investissement apporte au chef d'entreprise une panoplie de services qui dépendent de sa politique et de ses moyens.
Parmi les plus courants. on peut citer :
- l'ingénierie financière. Les relations privilégiées avec les Banquiers et les institutions financières,
- le conseil stratégique,
- la mise en relations avec d'autres entrepreneurs (clients, fournisseurs, autres pays) voire le rapprochement d'entreprises,
- l'aide au recrutement des cadres principaux,
- l'assistance en matière de gestion comptable et financière de l'entreprise.
Critères de sélection de la société de capital investissement : un contexte général peu favorable aux entrepreneurs africains.
Le critère le plus discriminant pour la réussite d'un projet, mais le plus difficile à évaluer, est la qualité des promoteurs qui assureront la gestion de l'entreprise. La société de capital investissement cherchera à estimer dans la carrière passée des dirigeants leur capacité à lancer, développer et gérer une entreprise, à s'entourer de compétences et à faire face aux situations imprévues ou de crise. Or. les entreprises africaines on souvent tendance à ne reposer que sur un seul homme dont la disparition remet en cause la pérennité de l'entreprise. On constate aussi parfois un manque de clarté dans la motivation des partenaires dans les cas de joint-ventures.
La société de capital investissement se prononce sur un plan de développement dit aussi "business plan" qui doit décrire le projet et chiffrer les perspectives d'activité et de rentabilite selon différentes hypothèses. En Afrique, les dossiers soumis révèlent trop souvent une insuffisante prise en compte de l'environnement par les entrepreneurs : faiblesse de l'Etat et comportement des autorités, insuffisance des infrastructures, imprécision du cadre réglementaire (taxes, protections illusoires, pratiques frauduleuses de la concurrence), manque de visibilité de la politique économique et instabilité monétaire.
Les perpectives d'activité doivent être fondées sur des études de marché concrètes et modestes or les dossiers qui sont présentés par les entrepreneurs africains sont généralement faibles sur ces points : comportement du consommateur, conditions du marché, réseaux de distribution, concurrence informelle ou internationale, régulière ou frauduleuse.
Le plan de développement inclut des previsions financières détaillées. Un pian de financement avec les différentes ressources financières qu'il sera nécessaire de mobiliser et l'origine de ces ressources. Là aussi. les dossiers financiers se révèlent souvent peu fiables en raison d'une mauvaise évaluation des besoins de financement du cycle d'exploitation : ceux-ci sont souvent sous-estimés et les projets d'entreprise sont alors fragilisés dès leur démarrage.
Les propriétaires de l'entreprise doivent estimer la valorisation de leur société, et réfléchir à la part de capital et de pouvoir qu'ils proposent à la société de capital investissement. La durée souhaitée de la prise de participation ainsi que les possibilités de sortie feront partie des critères de choix.
Des documents juridiques de type protocole d'actionnaires, contrat de souscription, promesse de rachat, contrat d'investissement.... fixeront les principales conditions du partenariat entre les propriétaires de l'entreprise et la société de capital investissement.
Quelques caractéristiques propres aux sociétés de capital investissement
Pour bien comprendre les conditions de fonctionnement des sociétés de capital investissement, il est nécessaire de rappeler les spécicités suivantes.
- Les sociétés de capital investissement ne sont pas des banques : la banque recherche la liquidité, le remboursement in fine de ses concours, la sécurité et se contente d'une rémunération déterminée ou déterminable. La société de capital investissement recherche une forte croissance et un profit proportionnel au risque encouru. Elle ne dispose d'autre garantie que le succès du projet.
- Les risques encourus sont très élevés : les statistiques professionnelles des pays de l'OCDE montrent que 20 % des investissements échouent (perte totale), 20 à 30 % ont une rentabilité inférieure à l'équilibre. 20 à 30 % offrent un rendement équivalent à un placement sans risque, 10 à 20 % répondent aux objectifs de rendement fixés par les investisseurs de ces sociétés (généralement 20 à 25 % en dollars américains réels) et à peine 10 % des projets dégagent des profits tels qu'ils compensent les médiocres performances du reste du portefeuille. La rentabilité d'une société de capital investissement est aléatoire et dépend des conditions de sortie de quelques opérations, il est donc difficile de trouver des investisseurs.
- Le taux de sélection des dossiers est élevé: la réussite des sociétés de capital investissement repose sur une sélection rigoureuse des dossiers (9 dossiers sur 10 sont rejetés). Un chef d'entreprise ne doit donc pas s'étonner s'il essuie un refus. La décision d'investir ou non ne repose pas seulement sur la qualité du projet mais dépend aussi de la philosophie d'intervention de la société de capital investissement et des perspectives de profits dégagés par rapport aux risques encourus.
- Leurs succès dépend de la qualité et de la motivation des équipes qui le dirigent. Ce sont des spécialistes du développement de l'entreprise, parfois eux-mêmes anciens entrepreneurs. Les rémunérations sont indexées sur les résultats obtenus (bonus de performance). Le cout d'approche d'un dossier implique que les projets soient d'une taille minimale (100 000 US$ pour les pays de l'OCDE).
Le capital investissement en Afrique
Il est encore trop tôt pour évaluer les expériences en Afrique et les premiers résultats sont difficiles à interpréter faute de recul (l'unité temps du métier est la décennie) et d'un échantillon suffisamment large. L'environnement dans lequel il intervient ne s'améliore que lentement. Il bénéficie sans aucun doute d'un effet de mode consécutif à la désillusion des banques de développement. Mais il trouve sa justification dans sa modestie (la geston coûte entre 2,5 et 4,5 % des capitaux gérés), dans son effet d'entraînement, dans son indépendance vis à vis des pouvoirs publics et dans l'attente de la maturité des marchés boursiers.
En conclusion, il faut rappeler que le capital investissement a besoin de conditions propices à son épanouissement.
Le lecteur jugera si ces conditions sont remplies sur le continent africain :
- une situation macroéconomique stable et en croissance encourageant les initiatives privées
- un cadre juridique adéquat qui maîtrise le droit des sociétés (dont les droits des minoritaires), qui permet de gérer les conflits et qui ne soit pas trop pénalisant sur le plan fiscal (plus-values, régime des sociétés mères, double imposition,... ) ;
- un contexte culturel qui valorise l'esprit d'entreprise, le goût du risque et l'enrichissement personnel comme une valeur positive dans la société ;
- la compréhension de la problématique du long terme (un dossier se dénoue en 4 à 7 ans, parfois 8 à 12 ans) impliquant une confiance dans le futur ;
- le non interventionnisme de l'Etat qui doit se contenter d'être un facilitateur ;
- la présence d'un marché financier actif, liquide et entrepreneurial.
Pour en savoir plus... ...
- Techniques Financières & Développement N 18 (mars 90) Le Capital-risque.
- Atelier d'Abidjan (Côte d'Ivoire) du 14 au 16 février 1994, Le Capital-risque en Afrique, Institut Afiicain de Développement de la Banque Africaine de Développement
- R. Kitchen, "Le capital-risque en Amérique Latine et en Asie". Techniques Financières & Développement N 20 (sept. 90).
- HP. De Clercq, "Le capital-risque et les marchés financiers", Techniques Financières & Développement N 30 (mars 93).
- EVCA (European Venture Capital Association), Keiberg Park Minervastratt 6 box 6, 1930 Zaventem-Belgique (tel (322) 715.00.20).
- AFIC (Association Française des Investisseurs en Capital Risque), 76 avenue Marceau, 75008 Paris - France (téi : (33. 1) 47.20.99.09, fax (33.1) 47.20.87.48).
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Horizon Local 1997
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