Les créations d'entreprises diminuent régulièrement en France depuis dix ans. Après avoir fortement chuté, elles ont tendance depuis peu à se stabiliser mais à un niveau globalement insuffisant, et avec une grande disparité selon les populations et les régions. A la fracture sociale s'ajoute la fracture territoriale. Dans un contexte où le gouvernement souhaite agir, au niveau macro-économique, sur les leviers du temps de travail, de l'offre et de la demande d'emplois salariés, il nous semble fondamental de s'appuyer également sur l'initiative économique et la création d'entreprises.
En effet, outre ses effets sur l'insertion professionnelle des chômeurs comme sur l'élargissement du marché du travail par l'exploration de nouveaux créneaux de développement, de nouveaux produits et services, la création d'entreprises est le premier vecteur de création nette d'emplois.
Créer plus de nouvelles entreprises, de nouveaux emplois, de nouvelles activités favorisant le développement économique, le lien social et l'épanouissement des personnes, est un objectif qui s'impose dans une période où croissent les pauvretés économiques et morales et où se distend le lien à la démocratie. Encore faut-il que les moyens existants permettent à tous ceux qui le souhaitent et s'en sentent capables, y compris les personnes les plus éloignées de l'emploi, de créer eux-mêmes leur propre activité dans les meilleures conditions possibles de réussite.
Nous croyons qu'ouvrir largement l'accès à la création d'entreprises et à l'initiative économique doit devenir une priorité de la société française tout entière.
Nous croyons à l'acte d'entreprendre. Il est aujourd'hui culturellement moins reconnu que celui de gérer. Or, sans créateur, nul n'est besoin de gestionnaire.
Nous croyons à l'entreprise. Elle est le lieu de production de richesses économiques et sociales, grâce à l'expression, la rencontre et la conjonction de logiques sociales et d'intérêts économiques différents.
Nous croyons au partenariat de l'entreprise avec un Etat animateur et régulateur et avec des collectivités locales dynamiques et une société civile, creuset de l'initiative et de la cohésion sociale.
C'est pourquoi nous appelons les acteurs sociaux publics et privés à adhérer aux orientations suivantes et à les mettre en œuvre avec nous.
Appuyer l'émergence de projets
La création suppose une période plus ou moins longue de maturation du projet pendant laquelle l'investissement immatériel est la principale source de dépense. Accompagner cet effort est de la responsabilité conjointe de la société civile, des pouvoirs publics et du secteur privé.
Reconnaître un statut au créateur
Aucun " statut " social existant - ni celui de salarié, ni celui de chômeur indemnisé, d'allocataire du RMI, voire d'étudiant - ne prévoit la possibilité de préparer une création d'entreprise. On demande alors à ceux et celles qui sont les plus en difficulté de prendre le plus de risque. Il est indispensable d'aménager les transitions, en reconnaissant ce droit à l'intérieur des statuts existants, et en accordant un statut particulier au créateur d'entreprise, notamment en matières sociale et fiscale.
Reconnaître l'utilité de l'accompagnement et du suivi du créateur et conforter le financement des organismes qualifiés dans ces tâches
Pour accéder aux conseils et à la formation dont il ressent le besoin, et pour s'insérer dans les réseaux économiques nécessaires au développement de son entreprise, le créateur doit souvent être accompagné. C'est une relation de proximité dont les modalités doivent être précisément définies et exercées avec une grande rigueur professionnelle. La reconnaissance et le soutien des organismes qualifiés relèvent de la responsabilité locale des collectivités territoriales et des services déconcentrés de l'Etat. Cet accompagnement réclame un effort public financier en contrepartie duquel le créateur s'engage à être accompagné. Le recours à une épargne solidaire, mobilisée au plus près des créateurs et de leur environnement, stimulée par des mesures fiscales incitatives, devra compléter ces financements publics.
Répondre aux besoins de financement des créateurs et mobiliser les organismes bancaires et financiers
Pour créer et pérenniser leur entreprise, les créateurs ont besoin de fonds propres et d'un accès facilité aux institutions bancaires et financières.
Des réseaux existent aux côtés des banques, opérateurs financiers solidaires, qui expertisent les dossiers de très petits projets, prêtent, apportent des fonds propres et garantissent des emprunts bancaires, mais la capacité financière de ces réseaux est limitée et mérite d'être renforcée par des financements publics et privés.
La récente décision d'accorder une avance remboursable à tout jeune désirant créer son entreprise est une première mesure dont nous nous félicitons, car elle ouvre aux jeunes sans patrimoine financier la capacité à exercer leur droit d'entreprendre.
Elle doit être étendue à tout créateur qui en a besoin, et intégrée à une politique globale de soutien à la création d'entreprise.
Nous appelons de nos vœux, l'organisation d'une Conférence Nationale sur l'accès à l'initiative économique et à la création d'entreprises, ouvert à tous ceux qui le souhaitent et s'en sentent capables. Pour la préparer et intégrer l'expérience de plus d'une décennie d'actions associatives de soutien à la création d'entreprises et d'initiatives publiques et privées de développement économique local, nous prendrons l'initiative de rencontres, forums et colloques décentralisés et participerons à ceux en préparation. De la rencontre et de l'échange du grand nombre d'acteurs de terrain compétents sur ces sujets remontera vers la Conférence Nationale une connaissance irremplaçable pour l'élaboration d'une politique nationale enfin à la hauteur de l'enjeu que représentent le développement et la valorisation de l'initiative économique des citoyens.
Nous souhaitons que cette Conférence Nationale jette les bases d'un nouveau contrat social que la société, dans toutes ses composantes, se doit de conclure avec ceux qui prennent le risque d'entreprendre, même quand ils font partie des plus démunis.
Liste des signataires
7 rue de Domrémy - 75013 Paris.
tél. 01 53 94 78 70
fax 01 53 94 78 71
e-mail eficea@eficea.org
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Horizon Local 1996-99
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