L'échec de l'industrialisation de nombreux pays du tiers monde grève leur accès aux marchés mondiaux. 60 % du commerce international concernent des biens manufacturés échangés entre pays industrialisés. Pour obtenir des devises (et ainsi pouvoir importer des biens) les pays du tiers monde sont contraints d'exporter leurs matières premières. Les produits des industries extractives représentent 53 % des exportations africaines, contre 5,5 % seulement des exportations européennes!
Cette spécialisation excessive les rend tributaires de l'évolution des marchés des matières premières, y compris pour la gestion des affaires nationales. Or ces marchés, particulièrement instables, échappent à leur contrôle. Un marché n'est rien d'autre que le lieu de rencontre entre l'offre et la demande d'un produit. C'est tout. Là-dessus vient se greffer une idéologie, le libéralisme : le fonctionnement du marché permettrait d'accéder à lui seul au meilleur développement économique ; pour cela, il suffit de laisser agir librement les différents agents économiques ("laisser faire, laisser passer"). Cette interprétation du marché n'est qu'une vision parmi d'autres de l'économie. Elle a néanmoins la particularité d'être celle qui inspire aujourd'hui la grande majorité des politiques économiques à travers le monde.
Le libéralisme présente certains avantages. Le libre échange, par exemple, autorise l'accès aux ressources et aux biens produits dans le monde entier. Il a également des défauts. Il n'est pas juste : la justice n'y est pas un critère pertinent. Son principe de fonctionnement est la rationalité économique (donc l'intérêt). Il encourage l'initiative privée, ce qui, indirectement, avantage les plus forts au détriment des plus faibles. Économiquement, les pays du tiers monde font partie des plus faibles. L'économie de marché les appauvrit relativement aux pays industrialisés.
Un paysan du Niger part en ville vendre sa récolte de mil. Il dispose d'un choix restreint d'acheteurs. Le prix qui lui sera proposé va bien dépendre de la récolte régionale, mais aussi des cours mondiaux des céréales, et du stock d'aide alimentaire, et de la position de force du négociant. Il devra accepter ce prix, même très bas, car cette vente constitue souvent son seul accès à la monnaie. S'il prévoit mal les stocks destinés à sa propre consommation, il devra racheter du mil à un prix trois à cinq fois supérieur. La différence est passée dans la poche du négociant. Le fonctionnement du marché défavorise le producteur, sans nécessairement profiter au consommateur. C'est le (ou les) intermédiaire(s) qui en bénéficie(nt).
Ce qui est vrai au niveau local l'est aussi au niveau international. Les stocks de café peuvent être vendus plusieurs fois sur la bourse de Londres sans que le produit ne bouge. Chaque opération augmente le prix de la marchandise, de façon parfois très importante. Du prix payé par le consommateur, seule une faible part revient au producteur.
Le commerce équitable se donne comme objectif d'augmenter la rémunération des producteurs, dans un idéal de justice. Introduire la morale au sein de l'économie demande de forcer un peu les lois du marché. Il existe trois solutions.
Certains pays producteurs se sont entendus pour réguler l'offre de certains produits, comme l'étain, le café, le caoutchouc En août 1993, les pays producteurs de café ont créé un cartel destiné à réduire l'offre de 20 %. Les cours ont grimpé de 50 % en six mois. Mais cet accord n'a pas fait long feu, comme tous ceux du même type : faute d'entente politique entre pays aux intérêts divergents et de réforme en profondeur du marché, ces actions ne seront que passagères.
Un autre type d'action possible est la signature d'un accord entre pays producteurs et pays consommateurs. Signé dans un objectif de stabilisation des cours, il doit concerner à la fois les qualités et les quantités. La convention de Lomé, qui définit les relations entre la Communauté économique européenne et les pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique), prévoit de nombreuses clauses sur les échanges commerciaux, et notamment un système de stabilisation des cours des matières premières, le Stabex. Le système a fonctionné un temps, mais la longue crise des marchés des matières premières l'a sérieusement mis à mal.
Ces deux types d'accord entre Etats comportent une forte composante politique, qui les fragilise à terme. Surtout ils prennent en compte des considérations d'ordre macro-économique. Si de gros producteurs peuvent être liés à l'Etat, les petits producteurs, isolés, restent à l'écart des tractations et de leurs retombées. C'est vers eux que se tourne la troisième voie du commerce équitable.
C'est la plus simple en théorie : il s'agit d'organiser de manière solidaire les échanges, depuis le producteur jusqu'au consommateur. Cela passe par la réduction maximale du nombre d'intermédiaires - parfois remplacés par une association. C'est le cas de l'association Artisans du monde. Leurs boutiques, en France, ne vendent que des produits équitables achetés directement auprès de producteurs de pays en développement. On peut ainsi acheter du chocolat, du café, des vêtements La démarche de Max Havelaar est semblable (lire l'interview). Elle se distingue par sa spécialisation sur une seule filière, le café, et par l'organisation de la vente directement en grandes surfaces.
L'objectif de ces organisations est de payer plus les petits producteurs afin qu'ils puissent vivre du produit de leur travail. Dans le même temps, une collaboration plus globale s'instaure entre l'association en France et l'association de producteurs locale. Avec Max Havelaar un préfinancement des récoltes à hauteur de 60 % est assuré. Et l'association locale bénéficie de débouchés à long terme. Elle s'engage en contrepartie à utiliser une partie des bénéfices à des projets collectifs : construction d'infrastructures, progrès technologique Par cette démarche, le commerce équitable initie un véritable développement local. La hausse du pouvoir d'achat bénéficie à tous, les producteurs sont organisés et prouvent leur professionnalisme (respect des délais, qualité du produit) devant les autres acteurs de la filière.
Il ne faut pas pour autant se bercer d'illusions : ces actions ne peuvent à elles seules changer les règles du jeu du commerce international. Les produits équitables ne représenteront jamais qu'une partie minime du marché. On ne peut d'ailleurs souhaiter la disparition d'intermédiaires dont la fonction est essentielle dans le fonctionnement de l'économie.
Mais la démarche mérite d'être soutenue. Les produits équitables permettent, avec un geste très simple (prendre un paquet plutôt qu'un autre), de participer à un commerce plus juste. D'autre part, la généralisation d'un comportement d'achat de type citoyen peut faire évoluer les consciences : en France, sur les réalités du commerce Nord/Sud ; dans les pays producteurs, sur les conditions de travail. Un producteur moins bien payé que son voisin pour le même travail ne reste pas insensible. Il réfléchit. Il revendique. Peut être va-t-il agir C'est alors toute l'organisation du commerce Nord/Sud qui est remise en
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