Cette page est une version archivée le 02 avril 2006 du site/annuaire horizon local de Globenet.
Ce site est maintenant fermé; il n'est plus tenu à jour, les informations peuvent être datées ou erronées,
et le seront de plus en plus au fil du temps. Et les formulaires sont désactivés.

Vénézuela
Discrimination contre les indigènes


Le Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale dont le siège est à Genève a formulé, au mois d'août dernier, plusieurs recommandations à l'État vénézuélien pour qu'il respecte pleinement les droits des peuples indigènes (la population indigène est estimée à quelques 320 000 personnes). Parmi les motifs d'inquiétude signalés par le Comité de l'ONU, on trouve : le non-respect par l'État vénézuélien de son obligation d'adopter une législation nationale qui protège réellement les droits des peuples indigènes, la difficulté pour les victimes d'obtenir une réparation juste et adéquate devant les tribunaux, l'insuffisance d'informations sur la mise en place de ce que prévoit la Convention pour les droits économiques, sociaux et culturels des peuples indigènes. Le Comité de l'ONU a recommandé l'adoption de mesures politiques pour renforcer l'éducation bilingue, fournir des services sanitaires et apporter des garanties légales pour dédommager les victimes de la discrimination sociale.

À cette occasion, 15 organisations indigènes et de droits de l'homme, parmi lesquelles le Conseil national indigène du Venezuela et le Programme vénézuélien d'éducation-action pour les droits de l'homme, ont présenté au Comité un rapport intitulé : La situation des peuples Indiens au Venezuela par rapport la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Ce rapport montre comment les indigènes du Venezuela sont l'objet de pratiques discriminatoires en raison de leur condition raciale. Nous en publions ci-dessous des extraits tels qu'ils ont été sélectionnés par ALAI, du 8 novembre 1996 (Agence latino-américaine d'information).


Après avoir étudié la situation des peuples indigènes les 12 et 13 août derniers, le Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale dont le siège est à Genève, a formulé plusieurs recommandations à l'État vénézuélien pour qu'il respecte pleinement leurs droits.

Parmi les motifs d'inquiétude signalés par le Comité de l'ONU, se trouve le non-respect par l'État vénézuélien de ses obligations d'adopter une législation nationale qui protège réellement les droits des peuples indigènes. Des doutes ont été exprimés sur la possibilité des victimes d'avoir à leur disposition des moyens efficaces pour obtenir une réparation juste et adéquate devant les tribunaux compétents. Le Comité a regretté aussi que les rapports présentés par l'État vénézuélien ne donnent pas d'informations suffisantes sur la mise en place de ce que prévoit la Convention pour les droits économiques, sociaux et culturels des peuples indigènes. Il a recommandé en outre l'adoption de mesures politiques pour renforcer l'éducation bilingue, fournir des services sanitaires et apporter des garanties légales pour dédommager les victimes de la discrimination sociale.

A cette occasion, 15 organisations indigènes et de droits de l'homme, parmi lesquelles le Conseil national indigène du Venezuela et le Programme vénézuélien d'éducation-action pour les droits de l'homme, ont présenté au Comité un rapport intitulé : "La situation des Peuples Indiens au Venezuela par rapport la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Ce rapport montre comment les peuples indigènes du Venezuela sont l'objet de pratiques discriminatoires en raison de leur condition raciale ; situation illustrée par de nombreux exemples concrets que nous avons omis par manque de place dans la version abrégée que nous présentons aujourd'hui.

Les peuples indigènes du Venezuela, malgré les mesures légales isolées adoptées par l'État, sont actuellement l'objet de pratiques discriminatoires en raison de leur condition raciale. La discrimination envers les peuples indiens se manifeste dans une particulière méconnaissance de la part de l'État de leurs droits économiques, sociaux et culturels (spécialement le droit à la terre, à la santé et à l'éducation) ; et aussi dans la violation fréquente de leurs droits civils et politiques (droit à la vie, à la justice et à la participation politique entre autres). Le Venezuela en général est confronté à une détérioration croissante du respect des droits de l'homme, qui affecte toute la population, et plus particulièrement les peuples indigènes en raison de la faiblesse d'une politique d'État qui leur soit spécifiquement destinée.

Selon des chiffres officiels venant du recensement indigène réalisé en 1992, il existe dans le pays 28 ethnies dont la population (315 815 personnes) représente 1,5 % du total national. Cette population se trouve dans 8 entités fédérales et se concentre majoritairement dans des zones frontalières. En outre, 58% de la population indigène se trouve dans les zones rurales.

Selon le recensement, 57,6 % de la population indigène du pays ont moins de 20 ans. 40,5 % des indigènes de plus de 10 ans sont analphabètes. 55,6 % des indigènes âgés de 5 et 24 ans ne se rendent à aucun centre scolaire. 45,7 % des plus de 5 ans ont déclaré avoir suivi au moins un an d'école primaire et 40,09 % n'ont pas atteint le niveau d'éducation requis. 80,08 % des plus de 5 ans parlent leur langue. Dans ce pourcentage, 75 % sont bilingues, et 24,17 % parlent seulement leur propre langue. 19,91 % des plus de 5 ans parlent seulement l'espagnol.

En ce qui concerne le travail, il est à remarquer que 50,4 % des plus de 8 ans se retrouvent sur le marché du travail. Parmi eux, seulement 16,9 % correspondent à la catégorie des "employés salariés fixes" dont 42,2 % ont un revenu inférieur à 2500 bolívars1, c'est à dire en dessous du salaire minimum rural (7 000 bolívars) en vigueur dans le pays à cette date.

En ce qui concerne les conditions de vie, on a constaté que 38,8 % des logements correspondent au type "maison" et 27 % au type "rancho"2. 64,6 % des logements n'ont pas l'eau courante. 51,2 ne disposent pas d'un système d'évacuation. 59,9 % utilisent du bois ou du charbon pour cuisiner. 63,6 % des foyers où l'enquête a été réalisée ne reçoivent pas l'aide du programme de bourse alimentaire.

En ce qui concerne la propriété de la terre, ce recensement officiel a fait apparaître que 73 % des communautés indigènes ne possèdent aucun titre ou document légal pour les terres qu'elles occupent.

En ce qui concerne l'éducation, la santé et les communications, 65,16 % des communautés indigènes ne possèdent pas d'école, 86,8 % ne comptent pas de dispensaire, 95,8 % n'ont pas de service de radio communication, 63,8 % des communautés ne disposent d'aucun de ces trois services de base.

Le régime d'exception

Le second paragraphe de l'article 77 de la Constitution nationale stipule : "La loi établira le régime d'exception que requiert la protection des communautés indigènes et leur incorporation progressive à la vie de la nation ". Jusqu'à présent, l'État vénézuélien n'a pas rempli son obligation de créer ce régime d'exception. La législation nationale en matière indigène se trouve actuellement dispersée : cette dispersion est un obstacle à son application. Les obligations de l'État sont diluées et les mécanismes garantissant son exécution sont fragiles.

Depuis plusieurs années, les organisations indigènes ont souligné l'importance du problème. Déjà en 1991 le Conseil national indien du Venezuela - CONIVE - exprimait à travers ses représentants que "ce qui concerne la population indigène est dispersé dans la législation en vigueur, et dans de nombreux cas on y trouve des contradictions. L'État est en retard dans la promulgation d'un instrument légal unique et spécifique en accord avec ce qui est établi dans l'article 77 de la Constitution nationale."

Il y a là une carence évidente dans le système légal vénézuélien, qui pourrait être corrigée par l'approbation du projet de Loi Organique des communautés, peuples et cultures indigènes actuellement débattu au Congrès national. Ce projet de loi a été élaboré et introduit au Congrès pour être discuté et approuvé en 1989. Sept ans plus tard, malgré certaines critiques sur son contenu et sa forme, les peuples indigènes attendent toujours son approbation définitive.

Dans le domaine légal, les organisations indigènes posent aussi la question de la non ratification de la Convention 169 de l'OIT de la part de l'État vénézuélien.

Cette situation de non-définition juridique est rendue plus aiguè par les difficultés des cultures indigènes à connaître la culture dominante au Venezuela, à coexister avec elle et, quand cela s'avère nécessaire, à l'affronter. Le ministère public lui-même reconnaît en 1990 que "jusqu'à présent, il n'a pas existé dans le pays une politique indigéniste effective (...). Même quand nous sommes intervenus activement dans quelques cas concernant le droit de l'indigène, nous n'avons pas obtenu les résultats escomptés, à cause de l'ampleur et de la complexité des problèmes graves que présentent les différentes ethnies. Ces problèmes, constatés par divers " Procureurs " du ministère public mandatés à cet effet, requièrent pour les résoudre la plus grande participation des organismes d'État, afin d'améliorer les conditions de vie de ces communautés, en vue de la restitution de leurs droits fondamentaux ". A ce sujet, des dirigeants et organisations indigènes affirment qu'actuellement il n'existe pratiquement aucune politique officielle indigéniste dans le pays.

Un désordre institutionnel

La dispersion des textes législatifs s'accompagne du désordre institutionnel, d'instabilité dans les programmes et de manque d'efficacité dans l'utilisation du budget de l'État. Depuis 1947, année où s'est créé le premier organisme institutionnel officiellement chargé de prendre en charge les affaires indigènes, cette responsabilité a été transférée d'une institution à une autre, avec, comme constante, l'inefficacité totale qui a toujours marqué leurs actions. L'actuelle Direction des affaires indigènes (DAI) voit sa portée limitée par trois problèmes : son bas niveau hiérarchique, son insertion dans un organisme qui a d'autres fins (le ministère de l'éducation), et son peu de ressources. De plus, ce bureau n'est pas autorisé à traiter le problème le plus important pour les peuples indigènes : le problème de la terre.

Au niveau législatif existe une sous commission des affaires indigènes de la Commission des affaires sociales du Sénat. Son activité a été très peu importante. En 1995 on a essayé d'instaurer une Commission permanente des affaires indigènes à la Chambre des députés, mais la proposition a été rejetée par l'organe législatif.

Quant au rôle du ministère public, le Bureau 125 a été désigné en 1990 comme organisme chargé au niveau national des affaires indigènes. Ce bureau a fonctionné pendant plusieurs années avec très peu de ressources et un budget insuffisant, ce qui l'a empêché d'assumer la défense des indigènes comme il aurait fallu. En 1994, il a cessé de fonctionner quand il s'est avéré qu'un seul organisme n'était pas suffisant pour répondre à une telle quantité de plaintes : l'idée, à partir de là, était de créer des bureaux régionaux qui puissent couvrir les zones où il existe des populations indigènes. Mais, jusqu'à présent, il ne s'en est créé que deux, dans les États de Bolívar et de Zulia.

La propriété de la terre

Un problème central dans la situation des communautés indigènes du pays est celui de la propriété de la terre. Dans la Loi de réforme agraire (1960), est reconnu le droit des indigènes à jouir de leurs territoires, de leurs forêts et de leurs eaux. Et dans la Convention 107 de l'OIT ratifiée par le Venezuela en 1983, il est stipulé que les États doivent reconnaître le droit à la propriété collective ou individuelle des indigènes sur leurs terres.

Cependant 73 % des communautés indigènes du pays ne possèdent, actuellement, aucune sorte de titre ou document sur les terres qu'elles habitent. Seules 24 % d'entre elles ont reçu pour le moment des titres de l'organisme officiel chargé de l'adjudication, l'Institut agraire national (IAN). Dans cette minorité, 6,29 % possèdent des titres d'usage, jouissance et usufruit, 12,31% ont des documents collectifs provisoires et à peine 4,2 % possèdent un titre collectif de caractère définitif. (...)

L'absence de documents légaux concernant leurs terres, dont souffre la grande majorité des indigènes du pays, place cette population dans une grave situation d'insécurité juridique et pratique qui les convertit fréquemment en victimes d'expulsions, invasions et expropriations, aussi bien de la part de l'État que de particuliers agissant avec le consentement de celui-ci. (...)

La Loi sur le tourisme stipule dans ses articles 59 et 60 que l'État doit consulter les communautés indigènes avant de développer tout projet sur leur territoire. Malgré cela, les plans et projets touristiques spécialement ce qui est appelé "Eco-tourisme"- sont élaborés sans tenir compte des opinions, propositions et objections des communautés indigènes.

Cette situation se traduit par un tourisme sans restrictions, sans contrôle, qui permet, par exemple, l'accès aux lieux sacrés des communautés indigènes. (...) Celles-ci ne sont pas davantage consultées sur les plans de développement hydroélectrique conçus par l'État, ni sur la construction de barrages et de réserves d'eau.(...)

Un groupe social vulnérable

S'il est vrai que la Constitution nationale garantit dans son article 64 que "tous peuvent transiter librement sur le territoire national, changer de domicile ou de résidence,...", des membres de l'ethnie Yucpa et Warao ont vu au milieu de l'année 1994 ce droit remis en cause par des décisions arbitraires des gouverneurs du District fédéral et de l'État Delta Amacuro. (... )

Les conditions de vie précaires des indigènes et spécialement la carence des services sociaux font d'eux un groupe social vulnérable. Le choléra, maladie liée à des conditions d'environnement inadéquat, a affecté le Venezuela en 1991. Cette maladie a eu une incidence 30,4 fois plus grande dans les groupes indigènes que dans le reste de la population du pays, étant donné que 35 % des cas se sont déclarés au sein de la population indigène qui représente 1,5 % de la population totale du pays. Les ethnies les plus affectées ont été les Wayúu et les Warao. Une communauté complète a disparu quand ses 450 habitants ont émigré fuyant la maladie, parce que le gouvernement régional ne leur offrait aucune prestation médicale. (...)

La situation précaire en matière d'éducation a une influence négative sur la capacité de défense des indigènes face à la population "criolla"3, à laquelle elle doit s'affronter avec les moyens qui sont ceux de toute la société vénézuélienne. Selon les indications du recensement indigène de 1992, 40,5 % des indigènes de plus de 10 ans sont analphabètes ; 55,6 % du total des 5 à 24 ans ne se rendent à aucun centre scolaire. 45,7 % des plus de 5 ans ont déclaré avoir suivi au moins un an d'école primaire et 40,09 % n'ont atteint aucun niveau d'éducation proprement scolaire. 65 % des communautés indigènes n'ont pas d'écoles et 76 % manquent d'instituteurs.

Une présence officielle inexistante a facilité de graves processus de déculturation qui menacent la survie de la culture des peuples indiens. En réponse à ce problème, a été créé en 1979 le Régime d'éducation interculturelle bilingue (REIB). Mais, 16 ans après avoir été mis en place, le REIB ne s'est pas suffisamment développé ; il ne s'est pas implanté dans toutes les communautés et zones indigènes, ou alors sa mise en place a été déficiente et insuffisante. Manquent en effet, des fournitures, des maîtres qualifiés et des programmes d'éducation véritablement interculturels. (...)

Les violations des droits individuels des indigènes de la part de fonctionnaires de l'État peuvent trouver une explication dans leur ignorance de l'égalité des droits des indigènes. Cela se traduit par des violations des droits de l'homme telles que : rétentions arbitraires, intimidations, mauvais traitements, ou violations encore plus graves comme les exécutions sommaires.

Traduction DIAL. En cas de reproduction, mentionner la source DIAL.

1. Au 30.03.92 le bolívar valait 0,085 FF (NdT).

2. Cabane de type bidonville (NdT).

3. Population non indigène ou métisse (NdT).


DIAL - numéro 2127

Pour plus d'informations, contacter:
DIAL
38, rue du Doyenné - 69005 Lyon
Tél : (33) 4 072 77 00 26 ; Fax : (31) 04 72 40 96 70


| Sommaire | Homepage |

Horizon Local 1997
http://www.globenet.org/horizon-local/