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Propositions des réseaux de l'économie solidaire

Par Bruno Colin


Pour éclairer nos lecteurs sur l'appel des réseaux de l'économie solidaire auquel Gilles Castagnac fait référence (voir article ci-contre), et dont nous sommes signataires, nous en reproduisons ici le contenu, paru le 18 juin 1997 dans Le Monde.

Certains des réseaux signataires de cet appel ont également rédigé une note de synthèse des propositions qu'ils souhaitaient faire au gouvernement pour que soit soutenu le développement de ce mouvement, lesquelles ont été cet été transmises au cabinet de Martine Aubry, ministre du Travail et de la Solidarité.

Publier ces diverses propositions issues d'organismes ayant apparemment peu de liens avec le champ culturel auquel notre publication est consacrée pourrait sembler incongru, si elles ne montraient de fortes préoccupations auxquelles, nous le savons, bon nombre de nos lecteurs sont très sensibles.

C'est peut-être aussi, de notre part, un encouragement que nous lançons aux initiatives culturelles associatives, à se rapprocher sur le plan local des représentants de ces divers réseaux - pour enrichir des forums de débat démocratique et construire avec eux des forces de proposition intersectorielles -, au sein desquels ils auraient à nos yeux un rôle très important à jouer, en y apportant des points de vue, des idées et une sensibilité attendus.

Appel en faveur de l'ouverture d'un espace pour l'économie solidaire

Les perspectives ouvertes par le changement de majorité et de gouvernement nous conduisent à prendre appui sur la "rénovation de la vie publique" annoncée par Lionel Jospin, pour engager des relations d'une autre nature. Composantes actives de la société civile, nous souhaitons être des interlocuteurs constructifs et vigilants contribuant aux changements en profondeur indispensables pour enrayer l'exclusion.

Les réseaux signataires du présent appel concourent à la création et au fonctionnement de collectifs d'accueil de jeunes enfants, de lieux d'expression et d'activités artistiques, de restaurants multiculturels de quartier, de régies de quartier et de multiples autres entreprises et services solidaires dans divers domaines d'activité. Ce mouvement, qui se reconnaît en France autour de l'économie solidaire, trouve aussi ses développements en Europe sur des champs d'activité que la Communauté européenne a tenté de mettre en évidence : services de la vie quotidienne, d'amélioration du cadre de vie, de la culture et des loisirs, d'environnement. De ce point de vue, l'économie solidaire peut désigner nationalement le mouvement européen des entreprises sociales aux appellations très variées selon les pays (coopératives sociales, groupes d'auto-assistance, entreprises communautaires, entreprises solidaires) et qui est incontestablement une des composantes de l'Europe sociale à construire.

Les pratiques soutenues ou représentées par nos réseaux, malgré l'absence de reconnaissance budgétaire spécifique, ont émergé dans les vingt dernières années et représentent aujourd'hui des dizaines de milliers de salariés et de bénévoles.

Nous nous étions déjà retrouvés, en 1995, autour d'un appel pour l'économie solidaire qui a rencontré un certain écho tant chez les acteurs de la société civile que chez des élus politiques d'horizons variés. Il s'agissait notamment de préciser ce qu'était l'économie solidaire à un moment où ce terme commençait à être galvaudé. En effet, l'économie solidaire refuse de considérer que la seule solution consisterait à laisser s'épanouir une économie de marché libérée d'un maximum de contraintes, tout en élargissant, pour panser les plaies, le champ des actions sociales correctives.

À leur échelle, les initiatives de l'économie solidaire tentent de répondre aux défis qui se posent à notre société aujourd'hui. Ces expériences suggèrent une approche plurielle de l'économie, le marché n'étant pas la seule source de production de richesses, et favorisent les hybridations entre ressources marchandes, non marchandes et non monétaires. Au niveau social, elles permettent la production de solidarités de proximité, volontaires et choisies. Et, au plan politique, elles concourent à rendre la démocratie plus vivante et interactive en recherchant l'expression et la participation de chacun, quel que soit son statut (salarié, bénévole, usager, etc.).

En somme, l'économie solidaire ne saurait se confondre avec d'autres formes d'économie dans une espèce de secteur fourre-tout qui légitimerait l'éclatement de la condition salariale. Elle ne saurait en aucun cas constituer une " économie-balai " qui ramasserait les laissés-pour-compte de la compétitivité. Au contraire, les expériences qui se situent dans la perspective d'économie solidaire prouvent tous les jours qu'il est possible de fonder l'initiative sur des actions de solidarité. À cet égard, la société est en avance sur les représentations de bien des technocrates, puisqu'elle a réussi à engendrer des initiatives qui contribuent à la fois au renforcement de réseaux sociaux d'échanges et d'actions en commun, et à la création d'emplois.

Pour cette raison, les initiatives ne peuvent plus être considérées comme de simples instruments des politiques publiques et le débat fondamental sur les conditions institutionnelles de développement de l'économie solidaire doit enfin être abordé avec la préparation qu'il requiert.

En se basant sur les expériences acquises et les obstacles rencontrés, différentes propositions ont été élaborées par nos multiples réseaux et demandent à enfin être discutées. De manière transversale, plusieurs axes d'action peuvent faciliter une mise en œuvre à grande échelle.

Ces options ne sont pas utopiques, elles ont, par exemple, commencé à être mises en pratique à l'échelle d'une région par le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais à travers les assises pour l'emploi, sa politique en faveur des services de proximité et son appui à la caisse régionale d'économie solidaire. C'est à partir de telles avancées concrètes qu'il est possible de définir les composantes d'une nouvelle politique nationale.

Pour aller dans ce sens, cet appel manifeste la volonté des réseaux de la société civile que nous sommes de promouvoir un débat ouvert et de s'adresser ensemble aux pouvoirs publics pour l'ouverture d'un espace propre à l'économie solidaire.

Premiers réseaux signataires

ADEL (Agence pour le développement de l'économie locale), ADSP (Agence pour le développement des services de proximité), Association nationale culture et liberté, Association Progrès (Programme de réhabilitation économique et social), CNLRQ (Comité national de liaison des régies de quartier), Culture & Proximité / Opale, Fédération Relais, Fonda Rhône-Alpes, GIEPP (Groupement pour l'initiative et l'élaboration de projets professionnels), MRESRS (Mouvement des réseaux d'échanges réciproques de savoir), MJRJC (Mouvement rural de la jeunesse chrétienne), Peuples solidaires, REAS (Réseau d'économie alternative et solidaire), Réseau interrégional Partage, STAJ (Service technique animation jeunesse), Terre des Hommes (France).

Essai de synthèse, prolongements à prévoir

Les différentes propositions posent en premier lieu le problème de la restauration d'un droit à initier des projets socio-économiques pour des populations ne disposant pas à l'origine des moyens aujourd'hui requis (moyens de subsistance, temps et argent nécessaires pour pouvoir créer une activité).

Pour restaurer ce droit, les réseaux proposent de dégager des crédits vers ce que l'ADSP et l'ADEL nomment les investissements immatériels, à savoir :

Sur les questions relatives au cadre juridique et fiscal, le besoin d'un nouveau statut (de type société à but non lucratif), ou en tout cas la reconnaissance du but non lucratif des activités regroupées sous la terminologie "économie solidaire" sont affirmés par l'ADEL, le REAS, Artisans du Monde.

Si l'amélioration de la condition des bénévoles est attendue de la majorité des réseaux (notamment formation et couverture sociale préconisée par le CNLRQ), c'est surtout la création de fonds accessibles à un échelon territorial pertinent, tant pour le financement des investissements, de la formation et de l'accompagnement que (et surtout) pour celui du fonctionnement, qui cristallise les inquiétudes majeures.

Dans l'espoir de voir se créer des "guichets de financement unique", on parle de mutualisation de fonds (ADEL, CNLRQ), en prônant que soient associés aux dispositifs existants d'autres sources de financements privés ou publics, y compris ceux liés au traitement social du chômage (ADSP).

Mais la difficulté première, illustrée par la Fonda derrière l'énoncé du principe "qui paie commande", est de réinstituer une intervention des réseaux d'acteurs (entrepreneurs mais aussi représentants d'usagers) dans les processus décisionnels de redistribution des finances publiques. Ceci par leur représentation au sein des instances de décision, aujourd'hui composées de responsables administratifs seuls juges de l'utilité sociale de certaines activités, ou par la constitution d'organes représentatifs des réseaux et disposant d'un "pouvoir consultatif" (par exemple, Chambres régionales de l'économie solidaire pour Partage).

À ces revendications des réseaux d'acteurs de terrain qui aimeraient avoir leur mot à dire sur les infléchissements des politiques redistributives, les positions d'Artisans du Monde et de Terre des Hommes-Peuples solidaires apportent une dimension complémentaire en proposant de rechercher des voies de développement autonomes, centrées autour d'une plus grande indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics.

La solidarité est-elle synonyme d'augmentation des crédits d'Etat affectés aux initiatives de l'économie solidaire ? En partie mais pas seulement. Un déploiement des échanges et des efforts de soutiens réciproques entre des réseaux d'acteurs aux activités différentes mais aux préoccupations semblables est indispensable.

Terre des Hommes et Peuples solidaires recherchent "des seuils de rentabilité sans lier les projets aux subventions du secteur social", mobilisent de l'épargne solidaire et militent pour " des processus "d'échanges-formation", grâce auxquels des acteurs partagent leurs savoir-faire et se forment mutuellement. "

Et si la proposition d'Artisans du Monde de créer un "supermarché" des produits et services de l'économie solidaire peut au premier abord prêter à sourire, elle indique en réalité un objectif fort : les liens entre les opérateurs locaux de l'économie solidaire doivent se resserrer pour offrir une meilleure lisibilité de leur déontologie et de leurs actions auprès des usagers, et générer tant une efficacité accrue de chaque initiative qu'un développement significatif de l'économie de proximité, marchande ou non marchande (en ce sens le REAS préconise la reconnaissance des systèmes d'échanges locaux - SEL).

En clair, il n'est plus possible de se conforter dans une position d'attente de la manne providentielle de l'Etat, il faut créer des passerelles nouvelles entre les divers professionnels de l'économie solidaire à l'échelon des pays, des bassins de vie.

Ainsi, lors de leurs dernières discussions, les réseaux signataires de l'appel ont décidé de stimuler des rapprochements intersectoriels au niveau local, en se distribuant les uns aux autres les coordonnées de leurs correspondants, afin qu'individuellement ils puissent se rencontrer, s'apprécier, échanger des savoirs et des pratiques, lancer des débats pour faire entendre leurs voix et leurs intérêts auprès des pouvoirs locaux, et pourquoi pas construire des projets ensemble.

Gageons que les initatives culturelles et notamment nos lecteurs ne seront pas en reste pour participer à la réinvention du débat démocratique et de l'engagement citoyen avec toutes les forces vives de la société civile qui évoluent dans leur voisinage, bientôt peut-être à leurs côtés.

Vous pouvez adresser un message à notre rédaction pour que nous communiquions vos coordonnées aux correspondants locaux de ces réseaux, ou pour que nous vous adressions les leurs.

Eco-solidairement vôtre,

.


OPALE - Culture et Proximité - numéro 4

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