Un statut pour les entreprises de l'économie sociale
Créer un nouveau statut pour permettre en particulier aux associations (ASBL) d'introduire plus de rigueur et de responsabilisation dans leur gestion, et de rassurer les financeurs, en particulier pouvoirs publics, sur l'intégrité de leurs objectifs.
La création d'un nouveau statut en Belgique paraît avoir été guidée par un double souci : limiter certains abus relevés dans la gestion des associations qui, même si elles ne réalisent pas de bénéfices, peuvent offrir des avantages en nature importants à certains de leurs membres (logements, véhicules, voyages...), et éclaircir la question de l'intervention d'associations sur des prestations marchandes qui, si elles se situent sur un marché concurrentiel, doivent en contrepartie identifier précisément les finalités sociales auxquelles leurs ressources seront affectées.
Ainsi, les pouvoirs publics, principalement locaux, qui financent les ASBL, (associations à but non lucratif), souhaitaient de plus en plus être rassurés sur la clarté de leur gestion et son caractère désintéressé.
Un ouvrage rédigé par Luc Stolle, avocat au barreau de Gand, nous offre quelques rappels historiques et des commentaires sur la loi de 1995 qui institue les "sociétés à finalité sociale".
" Le sénateur Taminiaux a introduit par deux fois, en 1990 et 1992, une proposition de loi sur les sociétés d'intérêt social, les sociétés de promotion d'intérêt social et les unions de sociétés d'intérêt social, visant à introduire en droit belge une société à finalité sociale.
Il ressort des travaux parlementaires qui ont donné lieu à la loi du 13 avril 1995 que l'introduction de cette nouvelle forme juridique se veut être un stimulant à la création d'emplois dans le secteur dit de "l'économie sociale". Ce secteur pourrait offrir une réponse importante aux problèmes qui découlent de la naissance d'une nouvelle société qui devra de plus en plus tenir compte du manque de travail dans les secteurs économiques traditionnels. "
Les sénateurs qui ont introduit la proposition de loi initiale visaient les " entreprises de type associatif, mettant en avant la solidarité plutôt que le profit personnel, même si elles se situent dans le domaine de l'activité économique dite "marchande". "
L'économie sociale, serait, entre autres, constituée :
- des entreprises se consacrant à la production de produits artisanaux, biologiques ou écologiques ;
- des entreprises contribuant au soulagement du chômage de longue durée par l'embauche importante de personnes qui ne peuvent prendre part au processus de travail ordinaire (personnes handicapées, peu scolarisées...)
- des entreprises comblant une lacune en satisfaisant les besoins sociaux (culturels ou socioculturels) qui ne le sont ni par les entreprises commerciales, ni par les pouvoirs publics (principalement pour des raisons budgétaires), comme par exemple l'émancipation sociale, l'autodétermination ou le développement d'une communauté déterminée. "
Le texte de loi demande l'intégration dans les statuts de différents engagements garantissant l'objet social de la société et un fonctionnement démocratique en son sein. Les éléments principaux peuvent être ainsi décrits :
- La société à finalité sociale ne vise pas l'enrichissement des associés. Le bénéfice réalisé doit être affecté à l'objet social qu'elle s'est fixé, et son affectation n'est pas déterminée par l'assemblée générale annuelle mais précisée dans les statuts. Des répartitions entre les associés sont possibles, mais limitées.
- La puissance votale est limitée Afin d'éviter que l'influence d'un ou de plusieurs associés ne soit trop grande sur le fonctionnement de la société à finalité sociale, la loi précise que les statuts doivent stipuler "nul ne peut prendre part au vote à l'assemblée générale pour un nombre de voix dépassant le dixième des voix attachées aux parts ou actions représentées ; ce pourcentage est porté au vingtième lorsqu'un ou plusieurs associés ont la qualité de membre du personnel engagé par la société".
- Un "rapport spécial" sur la finalité sociale est réalisé chaque année Les statuts doivent imposer aux administrateurs ou gérants de "faire, chaque année, rapport spécial sur la manière dont la société a veillé à réaliser le but social qu'elle s'est fixé ; ce rapport établira notamment que les dépenses relatives aux investissements, aux frais de fonctionnement et aux rémunérations sont conçues de façon à privilégier la réalisation du but social de la société" . Ce rapport oblige en quelque sorte les sociétés à finalité sociale de contrôler l'affectation de moyens au but social. Même si les modalités de réalisation de ce rapport sont encore un peu floues, il s'agirait là d'une forme d'autocontrôle, créant une responsabilité spécifique pour les organes d'administration.
C'est également une possibilité de contrôle pour l'administration, puisque ce rapport est joint au rapport de gestion qui doit être rédigé, approuvé et déposé auprès de la Banque nationale (de petites entreprises en restant exemptées). Luc Stolle note que "ce rapport doit empêcher que, comme cela se passe dans les ASBL, des rémunérations parfois élevées soient distribuées aux administrateurs, rémunérations qui semblent très souvent être des distributions de dividendes déguisées."
- Le personnel possède le droit d'acquérir la qualité d'associé Au plus tard un an après son engagement dans la société à finalité sociale, chaque membre du personnel doit pouvoir acquérir la qualité d'associé. De même, si le contrat de travail est rompu, la personne perdra sa qualité d'associé dans un délai d'un an.
C'est la seule société belge dans laquelle la participation des travailleurs est définie comme un droit légal. Même dans le cas des SCOP françaises, un processus automatique de capitalisation des salariés est recommandé par les unions de SCOP comme devant être stipulé dans les statuts, mais n'est pas imposé par la loi.
La loi belge propose donc des concepts intéressants pour placer des personnes morales entre l'économie de marché et la solidarité, rassurant ainsi leurs partenaires, introduisant de la démocratie dans les processus de décision, et engageant la responsabilité des gestionnaires dans une affectation plus claire des ressources de la structure au but social qu'elle s'est fixé.
Deux ans après la parution de la loi, 19 personnes morales se sont créées sous la forme de "société à finalité sociale", et une seule ASBL s'est transformée pour prendre ce statut. Les associations culturelles n'ont pas encore opté pour cette formule.
Il faut certes du temps pour qu'un nouveau statut soit bien compris, utilisé à bon escient, et que par effet "boule de neige" il soit amené à se développer.
Peut-être également, la naissance de ce nouveau statut ne s'est-elle pas offerte comme une réponse à des demandes formulées par des représentants du monde associatif, se fondant alors, comme ce fut le cas pour le mouvement coopératif, sur les revendications de la société civile et en particulier d'organisations fédératives ou syndicales structurées en réseaux.
Enfin, contrairement à ce qu'introduit la coopérative sociale italienne, la société à finalité sociale ne semble pas faire de place (ou en tout cas ne le précise pas) aux bénévoles, aux habitants souhaitant par leurs contributions volontaires s'impliquer dans le fonctionnement de ces structures, dans le développement de la qualité des services, dans un acte de solidarité passant par la réalisation, précisément, du but social de la société.
Faudrait-il, pour favoriser le développement des initiatives culturelles de proximité dans notre pays, organiser un mixage entre la coopérative sociale italienne et la société à finalité sociale belge ? Créer un statut à but non lucratif en s'inspirant de l'expérience britannique ? Ou tout simplement en rester aux principes d'agrément et d'habilitation provoquant des engagements assortis de contreparties ?
Exemple d'affectation des bénéfices
- 1/20e des bénéfices nets est prélevé en vue de constituer un fonds de réserve, et ce jusqu'à ce que ce fonds s'élève à 1/10e du capital social.
- Un dividende annuel est distribué aux associés communs égal au taux d'intérêt fixé par le Roi (Les statuts doivent stipuler que les associés "ne recherchent qu'un bénéfice patrimonial limité ou aucun bénéfice patrimonial", et qu'en tout état de cause le bénéfice direct limité que la société distribuerait à ses associés ne peut excéder le taux d'intérêt fixé par le Roi en exécution de la loi du 20 juillet 1955 portant institution du Conseil national de la coopération, appliqué au montant des actions réellement versé. Ce taux d'intérêt s'élève en 1996 à 6%).
- 50% du solde du bénéfice net et au moins 5% du chiffre d'affaires sont destinés à l'accompagnement des travailleurs moins doués ou moins scolarisés de la société à finalité sociale (c'est une finalité sociale "interne")
- le solde est affecté, pour moitié à une ASBL qui s'occupe de la réalisation d'études sur l'insertion des moins valides dans le circuit du travail, pour moitié à la promotion de l'entreprise dans le tiers-monde (ce sont des finalités "externes").
Un statut pour les entreprises de l'économie sociale
Créer un nouveau statut pour permettre en particulier aux associations (ASBL) d'introduire plus de rigueur et de responsabilisation dans leur gestion, et de rassurer les financeurs, en particulier pouvoirs publics, sur l'intégrité de leurs objectifs.
La création d'un nouveau statut en Belgique paraît avoir été guidée par un double souci : limiter certains abus relevés dans la gestion des associations qui, même si elles ne réalisent pas de bénéfices, peuvent offrir des avantages en nature importants à certains de leurs membres (logements, véhicules, voyages...), et éclaircir la question de l'intervention d'associations sur des prestations marchandes qui, si elles se situent sur un marché concurrentiel, doivent en contrepartie identifier précisément les finalités sociales auxquelles leurs ressources seront affectées.
Ainsi, les pouvoirs publics, principalement locaux, qui financent les ASBL, (associations à but non lucratif), souhaitaient de plus en plus être rassurés sur la clarté de leur gestion et son caractère désintéressé.
Un ouvrage rédigé par Luc Stolle, avocat au barreau de Gand, nous offre quelques rappels historiques et des commentaires sur la loi de 1995 qui institue les "sociétés à finalité sociale".
" Le sénateur Taminiaux a introduit par deux fois, en 1990 et 1992, une proposition de loi sur les sociétés d'intérêt social, les sociétés de promotion d'intérêt social et les unions de sociétés d'intérêt social, visant à introduire en droit belge une société à finalité sociale.
Il ressort des travaux parlementaires qui ont donné lieu à la loi du 13 avril 1995 que l'introduction de cette nouvelle forme juridique se veut être un stimulant à la création d'emplois dans le secteur dit de "l'économie sociale". Ce secteur pourrait offrir une réponse importante aux problèmes qui découlent de la naissance d'une nouvelle société qui devra de plus en plus tenir compte du manque de travail dans les secteurs économiques traditionnels. "
Les sénateurs qui ont introduit la proposition de loi initiale visaient les " entreprises de type associatif, mettant en avant la solidarité plutôt que le profit personnel, même si elles se situent dans le domaine de l'activité économique dite "marchande". "
L'économie sociale, serait, entre autres, constituée :
- des entreprises se consacrant à la production de produits artisanaux, biologiques ou écologiques ;
- des entreprises contribuant au soulagement du chômage de longue durée par l'embauche importante de personnes qui ne peuvent prendre part au processus de travail ordinaire (personnes handicapées, peu scolarisées...)
- des entreprises comblant une lacune en satisfaisant les besoins sociaux (culturels ou socioculturels) qui ne le sont ni par les entreprises commerciales, ni par les pouvoirs publics (principalement pour des raisons budgétaires), comme par exemple l'émancipation sociale, l'autodétermination ou le développement d'une communauté déterminée. "
Le texte de loi demande l'intégration dans les statuts de différents engagements garantissant l'objet social de la société et un fonctionnement démocratique en son sein. Les éléments principaux peuvent être ainsi décrits :
- La société à finalité sociale ne vise pas l'enrichissement des associés.
Le bénéfice réalisé doit être affecté à l'objet social qu'elle s'est fixé, et son affectation n'est pas déterminée par l'assemblée générale annuelle mais précisée dans les statuts. Des répartitions entre les associés sont possibles, mais limitées.
- La puissance votale est limitée
Afin d'éviter que l'influence d'un ou de plusieurs associés ne soit trop grande sur le fonctionnement de la société à finalité sociale, la loi précise que les statuts doivent stipuler "nul ne peut prendre part au vote à l'assemblée générale pour un nombre de voix dépassant le dixième des voix attachées aux parts ou actions représentées ; ce pourcentage est porté au vingtième lorsqu'un ou plusieurs associés ont la qualité de membre du personnel engagé par la société".
- Un "rapport spécial" sur la finalité sociale est réalisé chaque année
Les statuts doivent imposer aux administrateurs ou gérants de "faire, chaque année, rapport spécial sur la manière dont la société a veillé à réaliser le but social qu'elle s'est fixé ; ce rapport établira notamment que les dépenses relatives aux investissements, aux frais de fonctionnement et aux rémunérations sont conçues de façon à privilégier la réalisation du but social de la société" . Ce rapport oblige en quelque sorte les sociétés à finalité sociale de contrôler l'affectation de moyens au but social. Même si les modalités de réalisation de ce rapport sont encore un peu floues, il s'agirait là d'une forme d'autocontrôle, créant une responsabilité spécifique pour les organes d'administration.
C'est également une possibilité de contrôle pour l'administration, puisque ce rapport est joint au rapport de gestion qui doit être rédigé, approuvé et déposé auprès de la Banque nationale (de petites entreprises en restant exemptées). Luc Stolle note que "ce rapport doit empêcher que, comme cela se passe dans les ASBL, des rémunérations parfois élevées soient distribuées aux administrateurs, rémunérations qui semblent très souvent être des distributions de dividendes déguisées."
- Le personnel possède le droit d'acquérir la qualité d'associé
Au plus tard un an après son engagement dans la société à finalité sociale, chaque membre du personnel doit pouvoir acquérir la qualité d'associé. De même, si le contrat de travail est rompu, la personne perdra sa qualité d'associé dans un délai d'un an.
C'est la seule société belge dans laquelle la participation des travailleurs est définie comme un droit légal. Même dans le cas des SCOP françaises, un processus automatique de capitalisation des salariés est recommandé par les unions de SCOP comme devant être stipulé dans les statuts, mais n'est pas imposé par la loi.
La loi belge propose donc des concepts intéressants pour placer des personnes morales entre l'économie de marché et la solidarité, rassurant ainsi leurs partenaires, introduisant de la démocratie dans les processus de décision, et engageant la responsabilité des gestionnaires dans une affectation plus claire des ressources de la structure au but social qu'elle s'est fixé.
Deux ans après la parution de la loi, 19 personnes morales se sont créées sous la forme de "société à finalité sociale", et une seule ASBL s'est transformée pour prendre ce statut. Les associations culturelles n'ont pas encore opté pour cette formule.
Il faut certes du temps pour qu'un nouveau statut soit bien compris, utilisé à bon escient, et que par effet "boule de neige" il soit amené à se développer.
Peut-être également, la naissance de ce nouveau statut ne s'est-elle pas offerte comme une réponse à des demandes formulées par des représentants du monde associatif, se fondant alors, comme ce fut le cas pour le mouvement coopératif, sur les revendications de la société civile et en particulier d'organisations fédératives ou syndicales structurées en réseaux.
Enfin, contrairement à ce qu'introduit la coopérative sociale italienne, la société à finalité sociale ne semble pas faire de place (ou en tout cas ne le précise pas) aux bénévoles, aux habitants souhaitant par leurs contributions volontaires s'impliquer dans le fonctionnement de ces structures, dans le développement de la qualité des services, dans un acte de solidarité passant par la réalisation, précisément, du but social de la société.
Faudrait-il, pour favoriser le développement des initiatives culturelles de proximité dans notre pays, organiser un mixage entre la coopérative sociale italienne et la société à finalité sociale belge ? Créer un statut à but non lucratif en s'inspirant de l'expérience britannique ? Ou tout simplement en rester aux principes d'agrément et d'habilitation provoquant des engagements assortis de contreparties ?
Exemple de limitation de la puissance votale
Le capital d'une société à finalité sociale est représenté par 100 actions. Chaque action donne droit à une voix. Cinq associés sont présents à l'assemblée générale représentant l'intégralité des actions. Les associés C, D et E sont membres du personnel de la société à finalité sociale :
- A possède 60 actions
- B possède 20 actions
- C possède 10 actions
- D possède 5 actions
- E possède 5 actions
En vertu de la limitation de la puissance votale, personne ne peut toutefois disposer d'un droit de vote supérieur à 1/20e du nombre de voix "présentes". Par conséquent, A, actionnaire majoritaire, quand bien même il s'allierait avec B, reste minoritaire face aux membres du personnel (à savoir 10 voix face à 15 voix pour le personnel).
Grâce à cette limitation de la puissance votale, les membres du personnel bénéficient d'une protection supplémentaire et devront être pris en compte même s'ils ne disposent que d'une petite participation.
Pour plus d'informations, contacter:
OPALE
45 rue des Cinqs Diamants - 75013 PARIS
Tél : (33) 01 45 65 20 00 ; Fax : (31) 01 45 65 23 00
E-mail :opale@culture-proximite.org
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Horizon Local 1997
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