La coopération internationale peut être un formidable levier éducatif pour des jeunes en difficulté. Mais encore faut-il un bon encadrement et une méthode pour élaborer, mettre en œuvre et évaluer le projet.
Proposition d'une méthodologie pour travailler avec des jeunes.
C'est le rapport Moderniser sans exclure que Bertrand Schwartz publie en 1981 qui va promouvoir pour la première fois l'aide internationale comme levier éducatif.
En effet, parmi bien d'autres propositions, dont la création des missions locales et des contrats de qualification, l'auteur va considérer les actions de solidarité internationale comme un moyen d'aider les jeunes à se construire et à mobiliser positivement leur énergie à travers des actes gratifiants (lire aussi l'article de Coumba Traoré page 19).
Après avoir rappelé l'intérêt des échanges existants dans l'espace européen, il milite dans son rapport pour une nouvelle forme de coopération avec les pays du tiers-monde incluant la dimension éducative des expériences. L'intérêt partagé des échanges est explicitement promu puisque, d'un côté, " il s'agit d'une coopération qui ne revêt donc plus la forme d'expertise, mais qui est une mise à disposition de main-d'œuvre répondant à des besoins auxquels ces pays ne sont pas en mesure de répondre à court terme " et que, de l'autre, comme le souligne Bertrand Schwartz, " de telles expériences sont le plus souvent d'une extrême richesse sociale, éducative et culturelle : en les faisant réfléchir sur leurs modes de vie, elles peuvent déclencher des changements d'attitude qu'aucune autre formation ne pourra jamais développer. " À la suite des propositions de Schwartz, le monde associatif, en collaboration avec les collectivités locales, vont, dans les années 80, multiplier les expériences, souvent décisives dans le parcours du public visé que représentent les jeunes connaissant des difficultés dans leur insertion sociale et professionnelle.
Insérer des jeunes en difficulté
Dans le guide intitulé Jeunes. Insertion et solidarité (1), les auteurs ont retenu les objectifs suivants : revaloriser individuellement et socialement les jeunes en situation d'exclusion. Modifier leurs comportements et favoriser une prise de recul par rapport à leur situation personnelle. Développer la mobilité et l'ouverture des jeunes sur le monde. Les amener à concevoir un projet professionnel et à s'engager dans un parcours d'insertion. Dans le souci d'aider les éventuels porteurs de projets, le guide propose une démultiplication de ces objectifs sous forme d'indicateurs pouvant faciliter l'évaluation de l'impact des actions auprès des jeunes concernés (voir le tableau page 22).
Au-delà de la définition des objectifs, l'animation de tels projets est un exercice qui s'est révélé à plusieurs reprises périlleux. En effet, bon nombre de chantiers de jeunes ont laissé un souvenir mitigé auprès des populations concernées. Ces expériences ont donné lieu à des analyses critiques qui ont permis au fil du temps de dégager des principes méthodologiques clés dont le respect assure aux actions cohérence et efficacité.
Ce qui suit reprend l'ensemble des conseils méthodologiques contenus dans le guide Jeunes. Insertion et solidarité :
Éléments méthodologiques
Préparation de l'opération
Comme le précise le guide : " Tout projet doit être très sérieusement préparé… L'aide au développement ne s'improvise pas et requiert des compétences et savoir-faire spécifiques. En outre, associer à la démarche de développement des jeunes en situation d'exclusion ajoute un facteur de complexité à l'opération (2). "
Préparation de l'action dans le pays d'accueil : définir une durée suffisamment longue de la phase préparatoire pour installer un partenariat solide ; inscrire l'action dans le cadre d'un projet de développement plus large ; répondre à un besoin et une demande locaux ; et bien informer le partenaire étranger de la spécificité des groupes français.
Préparation de l'opération en France : s'assurer de la qualité de l'équipe encadrante par une formation est une exigence essentielle dans ce type de dispositifs ; sélectionner les jeunes en évitant notamment les situations de dépendance (alcool, drogue…), les affections chroniques et les déséquilibres psychologiques trop graves ; veiller à constituer des groupes homogènes composés de dix à vingt éléments ; rechercher des financements ; demander une participation financière, même symbolique, aux jeunes ; demander une participation financière au pays d'accueil pour éviter tout comportement d'assistanat ; concevoir avant le départ les formes de valorisation de l'expérience au retour ; associer les jeunes à la préparation du voyage ; et préparer les jeunes à ce voyage, sur les plans culturel, sanitaire et technique.
Réalisation de l'action
Bien adapter l'action à la durée du séjour ; mener l'action à son terme ; ne pas hésiter, si c'est possible, à enrichir le projet par des actions complémentaires (distribution de médicaments, de matériel scolaire…) ; favoriser les échanges interculturels sur place ; favoriser les liens avec la population ; et prévoir soigneusement l'accueil des jeunes.
Restitution de l'opération
Permettre aux jeunes de rendre compte de leur action et ainsi de la valoriser ; favoriser l'appropriation du séjour par les jeunes (expos photos, cassettes vidéo…) ; évaluer l'opération par le biais des rapports rédigés à l'intention des financeurs. Et mettre en place des modalités d'évaluation de l'impact à moyen et long terme créé auprès du jeune par l'expérience de solidarité internationale.
Gilles Strawczynski, auteur d'un mémoire de DESS Associer les jeunes d'ici et de là-bas
(1) et (2) Délégation interministérielle à l'insertion des jeunes - direction de la protection judiciaire de la jeunesse - , délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain. Jeunes. Insertion et solidarité. Guide des initiatives de coopération et de développement, Sitelle, 1997.
Mars 2000
Horizon Local 1996 - 2001
http://www.globenet.org/horizon-local/