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Les services de proximité
quelques perspectives européennes

Par Anne-Marie Grozelier


La 4ème Biennale Europe-Travail-Emploi, organisée par Lasaire en novembre 1996, a consacré une table ronde aux Services de proximité et à la diversité des approches européennes. Le débat était animé par Jean-François Trogrlic, secrétaire national de la CFDT. Nous présentons ici le texte introductif et les exemples étrangers. L'intégralité des débats sera restituée dans les Actes de la 4ème rencontre biennale qui seront prochainement publiés.

Quelles perspectives européennes pour les services de proximité

Le développement des services de proximité qui tout naturellement relèvent de la subsidiarité a néanmoins été mis en avant dans le Livre Blanc comme une des solutions au problème du chômage en Europe. Certes, on voit mal comment un tel thème pourrait être abordé à un niveau supranational ni comment les acteurs sociaux européens pourraient s'en saisir pour lui impulser une dynamique européenne. Néanmoins cette question peut être considérée comme un des éléments forts du modèle social européen et constituer un facteur de différenciation par rapport à des systèmes que nous rejetons tels que les Etats Unis ou même le Royaume-Uni d'une certaine façon.

En fait, il s'agit de rendre la croissance "plus riche en emplois" en orientant le développement de l'activité économique vers le secteur des services, c'est -à-dire vers des activités certes prometteuses en emplois mais qui se heurtent à une demande peu solvable, voire insolvable, et à des réticences culturelles qui en freinent la consommation1. Plusieurs approches coexistent : depuis les solutions libérales à l'américaine (suppression du salaire minimum au Royaume- Uni jusqu'à aujourd'hui) jusqu'aux différentes mesures de solvabilisation de la demande. La première méthode se traduit par des créations d'emplois mais dont la plupart sont sous-payés, à temps très partiel, et ne permettent pas d'accéder à un niveau de vie décent2 . La deuxième méthode se traduit également par des créations d'emplois dont la réalité même semble susciter un débat dès lors que l'on veut les qualifier d'emplois "comme les autres". Le problème, c'est qu'il existe plusieurs moyens de solvabilisation : soit les déductions fiscales dont le rapport coût/efficacité est très discuté, sans parler de leur caractère injuste c'est-à-dire non ciblé sur les publics nécessitant réellement une aide à la solvabilité. Ces mesures, en développant des relations duelles de gré à gré s'opposent à la création d'un véritable secteur d'activité pérenne et qualifié. A l'inverse, les mesures telles que le titre emploi-service, en cours d'expérimentation en France, permettent de solvabiliser la demande tout en garantissant la qualité des prestations et la création d'emplois qualifiés.

Un problème de définition : aujourd'hui de quoi parle-t-on ?

Services de proximité en France, troisième secteur en Italie, services d'intérêt général en Suède. Les différences d'appellation renvoient à des différences de conception importantes. On est à la limite du privé et du public, du marchand et du non-marchand. Cependant, nombreux sont ceux qui se rejoignent pour reconnaître que derrière cette formidable demande d'activités à créer, il y a de larges espaces pour le développement d'emplois "comme les autres"3 .

Ceci étant dit c'est là que commence tout le débat, ou plutôt les débats, autour de l'opportunité de répondre à cette demande et de la manière d'y répondre.

La notion de "services aux particuliers d'intérêt général"

La réflexion fait apparaître l'ouverture de la notion de services publics à de nouveaux services, de nouvelles activités, de nouvelles prestations qui relèvent de cette définition mais dont la nécessité ne se faisait pas sentir auparavant.En effet, l'évolution de la société a engendré une demande de services d'un type nouveau : changement des modes de vie et de consommation, des niveaux de revenu, des formes d'organisation familiale, des équilibres géographiques, l'apparition de fortes concentrations urbanistiques, la désertification de certaines zones rurales, les changements démographiques, l'immigration, le développement des ghettos des banlieues et de certaines cités, les anciennes chasses gardées de la grande mono industrie (type Liverpool ou Clermont-Ferrand), autant de problèmes qui n'existaient pas, ou ne se posaient pas dans les mêmes termes il y a 50 ans.

Aujourd'hui, il y a donc une forte demande de services nouveaux dont on peut considérer que certains relèvent d'une logique de service public, souvent confiés à des opérateurs privés mais, du moins dans certains Etats membres, fortement régulés par les pouvoirs publics. Pour n'en citer que quelques-uns, cela va de la prise en charge de la petite enfance, de l'enfance, et de l'adolescence (crèches, centres aérés, colonies de vacances, soutien scolaire, activités sportives, etc...) à l'aide aux personnes dépendantes (âgées ou non) et à leur famille, aux transports, à la protection, la sauvegarde, et la réhabilitation de l'environnement, le traitement des ordures, etc...,au logement social et à la réhabilitation des quartiers, enfin, dans certains Etats membres, à la prévention, le traitement, la lutte contre la grande pauvreté et l'exclusion, nécessitant la revivification des services et des réseaux de solidarité existant sous d'autres formes dans un passé plus ou moins récent. Au-delà de la dimension purement économique de ces activités, on se doit de prendre en compte une valeur ajoutée non chiffrable liée au maintien du lien social. La prévention de la "décohésion sociale" a un coût qui, en toute logique, doit être supporté par l'ensemble de la collectivité.

L'éclairage sexué sur ce thème est indispensable. En effet bon nombre de ces activités sont liées en très grande partie à l'évolution de la place et du rôle des femmes dans la société et aux changements dans les organisations familiales. Il suffit de regarder les sociétés traditionnelles, celles du passé comme celles d'aujourd'hui : les modes de garde, d'élevage, d'éducation des enfants, les soins aux personnes dépendantes (âgées ou pas), les activités domestiques autour de la préparation des repas, l'entretien de la maison et du linge, la culture du jardin etc... étaient assurées par les femmes.

L'entrée plus ou moins massive des femmes sur le marché du travail et leur sortie concomitante de l'espace de la maison a modifié profondément le fonctionnement de la cellule familiale. Par ailleurs, l'atomisation des structures familiales a contribué, plus ou moins fortement selon les pays, à disloquer ou desserrer les réseaux de solidarité traditionnels.

Selon les sociétés, on a donc plus ou moins externalisé les activités traditionnelles. Même si avec la double journée de travail la préparation des repas, l'entretien de la maison, du linge, sont restés longtemps (et le sont encore) à la charge des femmes, il leur était matériellement impossible d'assurer la garde des enfants. C'est pourquoi les pays o l'activité professionnelle des femmes hors du foyer s'est développée tôt et massivement comme l'ex-RDA, la Scandinavie, et la France dans une moindre mesure, sont ceux qui ont également créé les infrastructures pour l'accueil des jeunes enfants. A l'inverse, dans les pays o l'investissement professionnel des femmes est resté faible, ces équipements restent peu développés.

Par contre, un aspect fondamental des effets de cette externalisation des tâches domestiques a été largement escamoté dans les débats qui ont suivi. Le fait que ces tâches soient accomplies dans le cadre d'une relation de travail en modifie fondamentalement le sens et la nature,faisant appel à des concepts professionnels de compétence, qualification, formation, professionnalisme. Le fait que ces activités et ces emplois soient toujours assimilés dans l'inconscient collectif à des tâches domestiques et qu'en plus, elles soient exercées quasi-exclusivement par des femmes conduit de fait à la dévalorisation de leur image. A titre d'exemple on ne parlera pas de "petits boulots" pour la préparation et la consommation d'un repas dans un restaurant trois étoiles du guide Michelin. Dans ce cas précis, la ÇmarchandisationÈ de la préparation du repas a trouvé sa place dans les activités de l'industrie hôtelière, d'autant plus valorisée que le repas est fabriqué par un chef hautement qualifié (et appartenant, dans la plupart des cas, au sexe masculin).

Comment susciter le développement de ces nouvelles activités ?

Nous sommes à un moment stratégique pour le développement de ces nouvelles activités de service : ou bien elles resteront les parents pauvres d'une économie ne connaissant pas d'autres critères de référence et d'analyse qu'industriels (et masculins) ou bien ces activités acquerront leurs lettres de noblesse et bénéficieront d'une reconnaissance à la hauteur de ce qu'elles peuvent représenter dans la vie sociale et économique.

Des expériences, des réalisations existent dans différents pays. Par contre la réflexion sur le développement d'une "politique industrielle des services" à grande échelle et de son organisation en tant que services publics d'intérêt général est plus ou moins avancée : elle fait l'objet de débat en Italie et en Suède.

En Allemagne, la réunification a fait apparaître des situations extrêmement contrastées par rapport au thème traité. Si les femmes en ex-RFA avaient relativement peu investi la sphère professionnelle, elles étaient à l'inverse très actives en ex-RDA et pouvaient recourir aux équipements d'accueil de la petite enfance dont l'offre correspondait assez bien à la demande. Depuis la réunification, le cumul des restructurations d'entreprises et des restrictions budgétaires a entraîné la disparition d'un certain nombre de services de proximité, notamment autour de la garde des enfants, avec une double conséquence au niveau de l'emploi : d'une part, les femmes n'ayant plus de moyens de garde n'ont pas eu d'autres solutions que de réintégrer la sphère domestique, d'autre part, les emplois supprimés par la disparition de ces acti-vités se trouvaient être majo- ritairement occupés par des femmes. Résultat, le taux de chômage des femmes a atteint des proportions astronomiques dans ces régions.

En Suède, ce qu'on désigne par le terme de service de proximité fait partie du service public/ d'intérêt général. Tout en ayant connu une certaine privatisation, ils continuent à s'inscrire dans le cadre du service public. L'Etat/les pouvoirs publics/le gouvernement ayant la responsabilité d'en assurer la régulation, même s'il en délègue (par les privatisations) la production au privé. Un débat se déroule autour de qui sera producteur. Certains insistent fortement pour que le choix du gouvernement se porte sur l'économie sociale, plus exactement sur les coopératives. Autre débat suédois autour de qui définit l'intérêt général : l'Union européenne, l'Etat, la commune o sont implantés les services ? Les communes posent le problème de la subsidiarité. Elles estiment qu'elles sont les mieux placées pour avoir la vision la plus juste de l'intérêt général et d'en faire la définition.

En Italie, les services se développent sur une logique très différente de ce qui se passe en France. La capacité de l'offre à s'organiser y est beaucoup plus forte. D'une part la création d'entreprise y est beaucoup plus développée et s'appuie essentiellement sur l'important réseau des coopératives sociales ; de plus, des mesures législatives encouragent la création d'entreprise à statut coopératif. En effet, si les tenants du rôle régulateur de l'Etat sont nombreux en Italie, les mêmes refusent évidemment le recours aux entreprises publiques.

L'accent est mis, pour commencer, sur les réponses aux besoins spécifiques en milieu urbain, dans les grandes villes. Une expérimentation est menée actuellement sur 3 villes : Bologne, Venise et Naples.

En France, à l'inverse, jusqu'à une période récente le développement des services de proximité a été associé, plus ou moins consciemment, au traitement social du chômage. Pour susciter des initiatives l'Etat comptait surtout sur la possibilité de recourir à des emplois subventionnés mis à la disposition de publics en difficulté, sans prise en compte de la qualification exigée pour ces nouveaux métiers. S'est développée alors une confusion entre ces emplois et les "petits boulots" considérés avant tout comme des solutions pour occuper les chômeurs sans leur donner des perspectives réelles d'insertion. Cette image a suscité un rejet de ces nouvelles activités et un refus de ces emplois. Plus récemment, un soutien à la demande a été apporté à travers des mesures fiscales très contestables : les réductions d'impôts offertes étant très favorables aux gros revenus et sans effet, bien entendu, pour les populations peu solvables ou insolvables qui ne paient pas d'impôts sur le revenu4. Par ailleurs, ce système ne favorise pas un développement de la qualité des prestations mais au contraire une relation de particulier à particulier au détriment des structures (associations ou entreprises) produisant déjà ces services.

Depuis, le débat a progressé, l'ouverture actuelle du gouvernement sur le recours à ce que nous appelions le ticket-service qui cherche à solvabiliser la demande tout en l'orientant vers des organismes qualifiés et agréés, permet de favoriser l'émergence d'une véritable offre. Fonctionnant selon le principe du ticket-restaurant, le titre emploi- service permet de prendre en compte l'ensemble des charges financières induites par une organisation professionnelle de l'offre permettant de développer une activité économique à part entière. En effet, l'utilisation d'un tel outil rend obligatoire le recours à des prestataires agréés : l'offre est donc qualifiée puisque le prestataire ne peut être que le salarié d'une structure associative ou d'une entreprise agréée au titre des emplois familiaux5 .

Dans d'autres Etats membres apparaissent des dispositifs destinés à encourager le développement de la demande par une aide à la solvabilité des consommateurs. Ainsi selon l'étude dirigée par la Fondation Roi Baudouin sur les services de proximité, le Royaume-Uni a mis en place des chèques-garderie pour les enfants de 4 ans ; en Allemagne, certaines municipalités le font pour les enfants de 3 ans. En Belgique, plusieurs systèmes de chèques-service sont actuellement en discussion.

Les conditions à réunir

Lors de la précédente biennale Europe-Travail-Emploi en 1994 quelques pistes de solutions pour encourager le développement de ces activités avaient été évoquées. Giorgio Ruffolo, notamment, avait suggéré à propos de ce qu'il appelait "le marché de la qualité de la vie" un certain nombre de stratégies, à développer au niveau européen, telles que le rééquilibrage de la charge fiscale dans un sens pénalisant pour la surexploitation du milieu naturel et dépénalisant pour l'emploi dans les activités de services à faible productivité, la recherche de nouvelles formes de marchés régulés permettant à ces activités d'être à la fois encadrées et soutenues par des incitations publiques 6, enfin, le développement de politiques structurelles visant à travers une redistribution générale de la productivité à permettre le développement de ces activités à valeur ajoutée sociale 7 .

LE CAS ITALIEN

Alessandro Aronica

Des études récentes, menées en France et en Belgique conduisent à penser que de nombreux emplois "à part entière" peuvent se créer dans le secteur de la " qualité sociale", autrement dit les services de proximité. Pour ce qui est de l'aide aux personnes âgées et la garde des enfants dans les crèches, il serait possible de créer dans le secteur quelque 100.000 emplois pour l'Italie, ce qui confirme les chiffres équivalents avancés pour la France.

Le dispositif dit du chèque-service est difficilement applicable au public italien. En effet, reposant sur la déductibilité fiscale, il risquerait d'aggraver l'injustice dans ce domaine, étant donné les habitudes italiennes en matière de fisc. On pourrait en dire autant du ticket- service encore que dans ce dernier cas, la participation financière des collectivités locales ou des groupes d'entreprise augmente sensiblement ses possibilités d'application.

Aux yeux d'Aronica, la distinction entre politique de l'offre et politique de la demande est quelque peu factice. Certes la politique du chèque-service pratiquée en France correspond plutôt à un financement de la demande, mais justement elle trouve sa limite du côté d'une offre trop peu structurée. L'avantage du ticket-service c'est qu'il implique, pour fonctionner correctement, des normes de professionnalisme et des garanties touchant la qualité du service offert. Alors s'agit-il là d'une approche par l'offre ou par la demande ? A quoi bon trancher ?

En Italie, on pourrait néanmoins soutenir que les services de proximité se

développent à partir de l'offre, c'est-à-dire principalement à partir des coopératives sociales qui, à partir du statut que leur a conféré la loi de1991, ont constitué leur champ d'intervention, essentiellement dans l'assistance sociale, l'éducation et l'insertion professionnelle des travailleurs souffrant d'un handicap. Mais par ailleurs la demande est aussi structurée comme telle, dans la mesure o la loi concède aux coopératives une voie d'accès prioritaire à une clientèle issue de l'administration publique. Elles sont un peu dans la situation de ces entreprises industrielles qui prospèrent à l'abri de contrats préférentiels que leur signe l'Etat.

Quoi qu'il en soit, les coopératives sociales ont eu le mérite de créer en Italie près de 50.000 emplois réels (et non virtuels). Ce chiffre peut paraître encore modeste, mais il correspond à une offre structurée dans laquelle des services de proximité sont effectivement vendables, dans un premier temps, à des administrations locales, mais de plus en plus à des particuliers. L'initiative peut donc venir de l'offre et enclencher l'ensemble du processus.

Quant aux emplois eux-mêmes, force est de reconnaître que les salaires y sont un peu plus bas que la moyenne nationale. En revanche ils semblent susciter un plus grand degré de satisfaction professionnelle que les emplois ordinaires. Ils sont d'ailleurs choisis par vocation, pour ainsi dire. Il faut aussi tenir compte du rôle joué par les bénévoles, dont la présence active dans les associations contribue à diminuer le coût moyen de la prestation. Entre bénévoles et salariés des tensions voire des conflits existent. D'o la nécessité de porter l'offre de prestations de proximité à un haut niveau de professionnalisme. Il faut aussi noter la forte présence des femmes dans ces activités. Elles représentent les deux tiers des salariés. Et travaillant souvent à temps partiel, elles en tirent motif d'un fort indice d'insatisfaction.

Il faut éviter que ne se constituent pour les services de proximité assurés, en Italie, par les coopératives, des chasses gardées. Celles-ci deviendraient rapidement des ghettos ou encore, à plus ou moins long terme, des positions d'avantages acquis. Il ne faut pas oublier que ces services de proximité ne sont pas forcément dans le droit fil de la politique sociale, tant il est vrai qu'ils répondent plus souvent aux aspirations des classes moyennes qu'aux nécessités des couches économiquement défavorisées.

La stratégie à adopter, pour parer à ces dérives, est donc de mettre en place des statuts juridiques, d'o peut surgir une véritable concurrence. Que les coopératives sociales et les petites entreprises privées se confrontent sur le terrain des services de proximité est en effet une bonne chose. Il n'y a pas lieu de les soumettre à des directives étatiques. C'est aux usagers, devenus consommateurs de ces services de faire leur choix et d'opter, par exemple, pour telle coopérative sociale, parce qu'elle offre des services dotés d'une grande qualité relationnelle, quitte pour les entreprises privées en concurrence sur ce même terrain à développer à leur tour des compétences du même type.

LE CAS SUEDOIS

Casten Von Otter

Sur les 9 millions d'habitants que compte la Suède, 500 000 travaillent dans des services sociaux et de proximité, ce qui correspond à 10 à 15 % de l'ensemble des emplois.

Le poids des services sociaux est central en Suède. Ils sont plus développés que dans le reste de l'Europe. Ce qui les singularise, c'est qu'ils sont gérés au niveau local et que la mentalité suédoise a tendance à confondre dans une même réalité l'administration à son échelon local et la société civile. Dans le langage quotidien, on ne distingue d'ailleurs pas l'Etat de la société.

Les services sociaux bénéficient de subventions publiques, ce qui n'empêche pas que les ayants droit aient, dans certains cas, à financer de leur poche une part plus ou moins importante de la prestation fournie. Il en est ainsi des soins médicaux, de la cantine scolaire, des prestations d u troisième âge, etc. Par ailleurs, la Suède se trouve être le pays le plus imposé d'Europe. Mais les contribuables se plaignent beaucoup moins de l'augmentation de leurs impôts (+ 10% l'an dernier) que de la baisse de qualité des services.

En règle générale, ces services sont dans la main de la puissance publique. Dans la majorité des cas, ils sont assurés par des organismes publics, mais au cours de ces dernières années, cette responsabilité a pu être aussi assumée par des coopératives de travailleurs, de parents, de personnes du troisième âge et d'employeurs privés. Cette présence de l'initiative privée ne permet cependant pas de conclure que les services glissent vers l'économie de marché, car la puissance publique reste l'instance de contrôle. L'accueil des enfants jusqu'à 5 ans et les soins au 3è age sont garantis de droit. Le gouvernement social-démocrate met en avant le principe de l'égalité d'accès de tous à des services de qualité égale.

Au cours de ces dernières années également, les services sociaux ont été soumis à une certaine "rationalisation". Les gouvernements non-socialistes ont ainsi mis en place un système de chèques-service, réforme qui a plus touché les règles d'affectation budgétaires que la réalité des prestations elles-mêmes. En fait, cette réforme n'a pas changé le fond des choses. Cette rationalisation s'est traduite par le resserrement de quelques paramètres. Par exemple, chaque crèche a dû accueillir un plus grand nombre d'enfants, il faut avoir atteint un degré plus élevé de handicap dû à la maladie pour bénéficier des soins réservés aux personnes âgées, etc. D'autre part, dans les services directement gérés par l'ƒtat, le nombre des emplois a diminué, même si par ailleurs il a pu augmenter dans certains services gérés à l'échelon local.

Pour accroître l'efficacité des services publics, on a fait appel à un principe de responsabilité professionnelle (contestability). Désormais, un organisme public est exposé au risque, au cas o il refuserait de s'adapter aux nouvelles exigences de la rationalisation, de voir sa mission transférée à une coopérative ou à un entrepreneur privé. De 1 à 2 % initialement, les prestations prises en charge par une gestion privée sont montées à 5 % en moyenne, voire 40 % dans certaines collectivités locales. Les évaluations montrent qu'aussi bien pour les emplois concernés que pour la qualité des prestations fournies, il n'y a pas une grande différence entre le public et le privé. Tout au plus les employés du secteur public ont-ils un niveau moyen de formation légèrement plus élevé, à la limite même trop élevé, vu les attentes professionnelles ainsi engendrées.

Pour lutter contre le chômage qui atteint désormais la "cote" européenne des 10 % de la population active, les syndicats suédois n'ont pas d'objection à voir certains postes dans les services sociaux occupés par des chômeurs de plus de 55 ans, dès lors que le Ministère du Travail accepte de se charger de leur rémunération. Les syndicats ouvriers (blue collars) du secteur public des collectivités locales ont même lancé un programme très intéressant autour de l'idée d'améliorer la qualité de la vie (quality improvement). Un poste doté de ce label conféré par les syndicats peut alors être occupé par un chômeur si celui-ci a la compétence relationnelle pour y réussir. L'ensemble de ces programmes a déjà donné naissance à quelques milliers d'emplois.

En Suède, le licenciement d'un employé du secteur public coûte plus cher que le prix de son recyclage en vue d'une nouvelle qualification. De toute manière, selon une étude très récente, il faudra recruter dans ce domaine près de 500 000 personnes d'ici à cinq ans. Ce n'est donc pas le moment de songer à des réductions intempestives de personnel.

Le personnage du Çfacteur de proximitéÈ donne une idée concrète de la manière dont la Suède envisage l'évolution des services publics vers les services de proximité : celui-ci livre le courrier certes, mais il peut aussi avoir dans ses attributions l'aide aux personnes âgées, se substituant à elles pour des achats quotidiens ou des courses ordinaires, et venant leur donner un coup de main en hiver, etc.

Ce type de service fait alors l'objet d'un cofinancement, la plus grande part étant acquittée par l'intéressé, qui reçoit néanmoins un complément financier de l'Etat. L'essentiel est que l'addition de ces compétences latérales exercées par un employé public lui restitue une fonction sociale globale et une rentabilité sociale. C'est ainsi qu'on peut justifier, maintenir, et même accroître les emplois publics qu'une vision comptable à courte vue aurait été tentée de supprimer.


Ailes

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Horizon Local 1997
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