Par Jean-Luc Varin, membre du comité de rédaction de Territoires
Pour être efficace lors des élections municipales, il ne suffit pas d'avoir de bonnes idées, encore faut-il les mettre en musique et convaincre le plus grand nombre d'adhérents.Petit guide pratique.
- On apprend à militer comme on apprend à marcher : en allant de l'avant. Supposons que vous êtes trois, cinq, dix ou trente personnes complices sur des objectifs - lointains - de voir mieux fonctionner la démocratie dans votre ville ou votre village. Ce n'est pas original, beaucoup d'équipes municipales de petites villes ou de villages se sont constituées de cette manière. Vous n'êtes pas engagés dans l'action quotidienne d'un parti politique, mais vous êtes d'accord sur le fait que ce n'est pas une raison pour ne rien faire. D'autant que les élections municipales de 2001 approchent à grands pas, et qu'il vous semble que ce serait une bonne occasion de mettre en pratique les idées que vous agitez théoriquement depuis tant de temps
- Comment être efficace ?
La bonne volonté ne suffit pas, il faut aussi de la technicité. Le désir ne suffit pas, il faut de la rigueur dans l'action. La détermination ne suffit pas, il faut une stratégie. Même le plus bel idéal ne peut suffire : il faut apprendre à conduire un projet, gérer des ressources militantes, provoquer, convaincre, inciter, animer, canaliser, être un leader démocratique - ni despotique, ni anarchique, ni démagogique.
Cette stratégie militante s'élabore avec rigueur et se bâtit à peu près de la même façon qu'un projet de développement territorial ou d'entreprise, comme un plan de communication ou un plan de promotion commerciale. Voilà pourquoi, sans doute, les dirigeants économiques ou politiques sont souvent issus de la communication et ont souvent fait leurs études dans une ESC ou à HEC.
Prenons des précautions rédactionnelles cependant. Tout d'abord, la valeur de la méthode n'indique rien de la valeur du contenu de l'action (ou des objectifs). Ensuite, on ne vend pas un projet politique comme une marque de petits pois, mais on utilise des affiches et des slogans, dans un cas comme dans l'autre. Enfin, l'action collective n'étant pas une science exacte, tout ce qui est dit ici est à la fois vrai et contestable, sujet à caution, du moins sujet à discussion.
Il s'agit donc d'élaborer les étapes de votre plan d'action dans le bon ordre et sans brûler les étapes. Ensuite, tout projet d'action collective gagne à être écrit. Il sert ainsi de contrat moral entre ceux qui s'engagent, comme une commande passée à soi-même par le collectif.
Comment faire ?- Primo : on se met d'accord sur les objectifs généraux de l'action ou de l'association, même s'ils sont ambitieux. Il vaut mieux éviter, c'est évident, les objectifs totalement irréalistes. Par exemple, on peut s'engager à améliorer les conditions politiques pour un fonctionnement démocratique d'une ville, sans rêver à une municipalité idéalement autogestionnaire. On peut aussi viser le poste de maire et y croire, tout en se préparant à n'avoir que quelques élus au conseil municipal.
Secundo : le réflexe le plus commun consiste à passer directement des objectifs généraux aux outils. Erreur. Vous risquez d'oublier l'essentiel. Les objectifs généraux se déclinent d'abord en objectifs spécifiques, en particulier selon les types de public. En action commerciale, ces publics s'appellent les cibles. Quand on crée un groupe politique local, on ne s'adresse pas de la même façon aux amis les plus proches et à l'électeur moyen. En général, les habitants forment des cercles concentriques correspondant à des implications différentes. À l'ensemble des électeurs, on propose des rencontres, des réunions de quartiers, deux à trois fois par an, pour les informer de ce qui se passe et écouter leurs besoins. Parmi eux, on recrutera des adhérents qui seront prêts à distribuer un tract, à faire signer une pétition, bref, à s'engager épisodiquement. Un cercle plus restreint de militants se révélant solidaire des fondateurs, au fur et à mesure, va élaborer l'action avec vous et s'approprier l'ensemble de votre stratégie, pour en devenir responsable. Certains iront jusqu'à se présenter sur une liste électorale, d'autres animeront la vie démocratique dans leur quartier, avec leurs voisins.
Tertio : la réalisation de ces objectifs passe par la mobilisation de moyens. Il ne s'agit pas encore des outils qui vont être mis en place (un seul outil peut être commun à plusieurs moyens ; une même réunion de quartier sur un sujet général, par exemple, peut répondre aux objectifs communs du citoyen électeur et du militant engagé). Le type de projet qui nous occupe ici se trouve généralement des moyens, généraux d'abord, qui tiennent au fonctionnement de l'association (transformation d'une AG en manifestation de rue, partage des sujets en CA pour en faire un contre-conseil municipal, etc.) et des moyens spécifiques par thèmes d'intervention : création d'événements, revendications pour l'obtention de mesures par le pouvoir en place, organisation de la campagne électorale avec ceux qui sont prêts à aller à la bataille.- À quand les outils ?
Quand vous serez tous d'accord sur ce schéma d'action, alors seulement, vous vous poserez la question des outils. Vous appliquerez les moyens généraux choisis en décidant de la fréquence et de la forme de vos réunions de conseil d'administration. Vous mettrez en place un organe d'information, un bulletin, trimestriel peut-être, mais régulier pour votre crédibilité auprès de la population. Vous déciderez de la façon dont les réunions de quartier seront convoquées pour que les habitants, dans un premier temps, puissent rencontrer leurs voisins et parler de ce qui les concerne.
Si, par exemple, un des moyens d'action choisis consiste à mobiliser l'opinion sur les projets d'urbanisme de la municipalité en place, l'outil pourra être une série de réunions publiques organisées par une sorte de contre-municipalité, avec les architectes et les sociologues qui ont travaillé sur le sujet, avec invitation de la presse et interview de votre président.
Quand vous aurez décidé de toutes ces actions, il vous faudra encore établir un calendrier qui tienne compte des disponibilités - toujours limitées - des uns et des autres, pour répartir les responsabilités et les échéances, en fonction du possible et non pas du souhaitable !
Enfin, logiquement, la déclinaison finale de ce plan d'action peut se traduire en chiffres, c'est-à-dire en budget prévisionnel (par type et par thème d'action) et en plan de trésorerie.
Alors et alors seulement, vous aurez pris toutes les précautions possibles pour réussir.
Bonne chance, et merci d'avance pour la démocratie. J.-L.V.
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