Par Dominique Lesaffre, texte espagnol adapté par Nicolas Pirotte, ADA
Introduction
Les programmes de crédit développés par les ONG deviennent de plus en plus exigeants quant aux critères de rentabilité et de viabilité dans le temps. Ainsi les institutions spécialisées tendent à professionnaliser davantage la gestion de leurs crédits. Dans ce contexte, les systèmes de garantie trouvent leur place en tant que moyen de faciliter l’accès aux ressources financières et de partager les risques.
La garantie est-elle un instrument de financement du développement ?
1.1 Controverse qui pousse à la réflexion et à la fixation de critères.
L’utilisation de la garantie comme outil de financement du développement est un débat actuel fort controversé. Le phénomène d’additionalité de micro-prêts que prétend créer les programmes de garantie est contesté par certains. En outre, les systèmes de garantie sont généralement forts coûteux.
D’autres par contre, affirment que sous certaines conditions la garantie représente un outil de développement puissant.
Quoi qu’il en soit, la garantie bancaire permet à l’institution financière qui octroie le crédit de se prémunir contre le risque qu’elle ne veut ou ne peut prendre. En ce sens, un système de garantie facilite l’établissement de relations stables et à long terme entre les intermédiaires qui octroient les micro-crédits (institutions de micro-financement) et les banques commerciales.
Les promoteurs des programmes de crédits proposent certains critères pour juger de l’efficacité d’une garantie bancaire:
- l’additionalité en tant que moyen d’atteindre de nouveaux clients pour des produits micro-financiers ;
- capacité de la garantie à remplir les exigences complémentaires que la banque attend d’un emprunteur potentiel ;
- viabilité du fonds de garantie ;
- dispositions pour assurer une relation durable entre les banques et les intermédiaires qui octroient les micro-crédits, même au-delà de la durée de la garantie.
Dès lors le succès d’un fonds de garantie dépend de l’accomplissement d’un certain nombre de conditions :
- Clarté de l’objectif : Promouvoir le crédit auprès d’une clientèle clairement définie.
Le secteur bancaire doit avoir suffisamment de liquidités pour être intéressé par un programme de garantie.
Le système de garantie doit être crédible. La garantie doit être facilement récupérable en cas d’impayés. L’institution à la tête du programme de garantie doit être professionnelle, faire une sélection objective de ses clients potentiels. La taille de la garantie doit représenter une part suffisamment grande du risque assumé, de manière à rester attractive pour la banque tout en l’impliquant dans la répartition de ce risque.
Le système de garantie doit inspirer confiance à la banque commerciale de manière à ce que cette dernière établisse une relation de long terme d’octroi de crédits aux clients et ce sans l’aide préalable de la garantie.
Un système de garantie doit être efficace au niveau des coûts. Il doit pouvoir couvrir les coûts opérationnels à court et à moyen terme, et à long terme couvrir également les pertes provenant des réclamations pour impayés. Les revenus de la garantie doivent donc inclure les dépenses de gestion, de risque et de capitalisation pour assurer une viabilité dans le temps.
Un système de garantie doit être attractif pour les clients comme pour les banques commerciales dont les taux d’intérêt sont dictés par le marché.
1.2 Deux thèses plus ou moins opposées
Les arguments des détracteurs du système de garantie peuvent être synthétisés de la manière suivante :
Un système de garantie qui dure dans le temps n’incite pas les bénéficiaires à respecter leurs engagements ni à prendre des risques puisqu’ils savent que de toutes façons le fonds de garantie est là pour couvrir les impayés.
Les qualificatifs d’inutile et d’inefficace s’appliquent surtout aux garanties publiques centralisées et gérées de manière bureaucratique.
Beaucoup de systèmes de garantie reposent sur le principe de la garantie solidaire. Ce type de garantie ne permet pas de couvrir les coûts de gestion. L’offre de produits de garantie doit être plus ouverte et plus adaptée à chaque situation.
Ces dernières années, de nombreuses évaluations de mécanismes de garantie ont été réalisées. Ces évaluations ont été pour la plupart confrontées à la difficulté d’obtenir une information viable permettant de tirer des conclusions réalistes. Cependant, toutes ces études ont mis en évidence le rôle de collaborateur extérieur du garant dans la répartition du risque.
Certaines conclusions ont pu être tirées sur base des fonds de garantie évalués :
L’accès au crédit pour les petites entreprises est perçu comme un problème. Moins le marché financier est développé, plus l’accès de la micro, de la petite et de la moyenne entreprise au crédit est limité.
L’enjeu est de concevoir des projets qui améliorent la relation entre la demande de micro-financement et l’offre correspondante de crédit institutionnel. Cet objectif nécessite l’appui à une clientèle très dispersée, surtout en zone rurale et le renforcement d’intermédiaires financiers (institutions de micro-financement) qui mettent en contact la clientèle de base et le crédit institutionnel. Les programmes de garantie se sont avérés très utiles pour établir cette connexion.
Un certain nombre de systèmes de garantie n’ont pas atteint le succès escompté du fait de :
- certaines distorsions provoquées par le crédit subventionné;
- leur dépendance vis-à-vis de l’appui financier gouvernemental ;
Il existe cependant une seconde génération de systèmes de garantie qui accorde une plus grande importance aux prêts qui suivent les taux d’intérêt du marché, au remboursement des crédits et à la mobilisation de l’épargne qui peut servir de fonds de garantie local pour le partage du risque.
La viabilité des systèmes de garantie doit être examinée avec une perspective de long terme. Les subsides directs aux systèmes de garantie sont moins néfastes que les subsides du taux d’intérêt. En effet, les premiers tendent à promouvoir la mobilisation de l’épargne tandis que le crédit subventionné ne crée aucun incitant à l’épargne.
Un certain nombre de problèmes ont été observés dans les différents systèmes de garantie :
- Les banques tendent à laisser les projets les plus risqués dans les mains des organisations garantes.
- Les organisations garantes perdent beaucoup de temps dans des procédures lourdes qui affectent la crédibilité du mécanisme de garantie.
- Les fonds de garantie se décapitalisent dans le cas de mauvaises affectations budgétaires ou de hauts taux d’impayés.
En conclusion, le système de garantie doit être conçu de manière à ce que le prêteur ait un incitant à octroyer un crédit uniquement quand il est convaincu que le projet est viable et qu’il fasse tout ce qui est en ses moyens pour récupérer le remboursement du crédit.
2. Classification des modèles de garantie
2.1. Acteurs et modèles
On distingue trois acteurs principaux dans le processus de garantie :
- le garant, celui qui donne son aval;
- le prêteur (la banque);
- l’emprunteur (institution de micro-finance, ONG, entreprise).
Le garant et le prêteur passent un accord qui autorise le prêteur à réclamer la garantie pour couvrir le risque du prêt octroyé à l’emprunteur. Le prêteur passe un contrat de prêt avec l’emprunteur et envoie une demande de garantie au garant. Il existe plusieurs types de relations entre ces acteurs.
On peut classer les mécanismes de garantie en 3 modèles de base :
- Le modèle individuel : Dans ce modèle, l’emprunteur et la banque sont en relation directe. Le garant et la banque établissent un accord de coopération qui détermine la répartition du risque. Si la banque approuve le crédit, elle établit un contrat de crédit avec le client. Le garant envoie une lettre de garantie à la banque.
- Le modèle de portefeuille : Le garant négocie avec la banque une garantie portant sur un portefeuille de crédits et non sur un emprunteur isolé : acceptation des emprunteurs, limite de la taille du prêt, estimation des prêts, proportion du risque assumé,... Les prêts accordés par la banque sous ces conditions sont automatiquement garantis.
- Le modèle intermédiaire : Ce modèle part du principe que les micro-entreprises sont trop éloignées des critères des banques et que des institutions financières spécialisées ou des ONG doivent opérer en tant qu’intermédiaire entre la banque et l’emprunteur final. L’intermédiaire emprunte de l’argent à la banque avec l’aval de la garantie d’une entité garante. L’intermédiaire applique sa propre méthodologie pour récupérer les micro-crédits qu’il octroie, il a l’obligation de rembourser l’emprunt à la banque.
Ces trois modèles couvrent relativement bien l’ensemble des mécanismes de garantie existant.
2.2 Segmentation du marché
On estime qu’aujourd’hui seul 5% de la demande potentielle de micro-crédits en Amérique Latine et dans les Caraïbes est satisfaite. C’est la raison pour laquelle de plus en plus d’institutions de formes variables (de conglomérats financiers aux associations caritatives), disposent de portefeuilles de crédits. Cette situation crée des opportunités pour les systèmes de garantie qui peuvent offrir leur services à différents clients :
- Les institutions financières conventionnelles : Sociétés anonymes ou coopératives qui ont décidé de pénétrer le marché de la micro-entreprise sans abandonner leur niche traditionnelle (banque commerciale classique).
- Les institutions financières spécialisées : Sociétés anonymes concentrant leurs activités dans le secteur de la micro-entreprise.
- ONG de crédit : ONG spécialisées dans le financement de la micro-entreprise.
- ONG généralistes : ONG qui ont plusieurs types d’activités dont un département crédit.
- Organisations de producteurs ou organisations de base : Organisations qui interviennent dans différents domaines de la vie sociale et économique et qui sont souvent directement ou indirectement bénéficiaires des programmes de crédit.
2.3 Critères d’efficience
Un système de garantie efficient doit répondre aux conditions suivantes :
- Rapidité : Les crédits doivent être disponibles dans les délais exigés par les activités économiques des clients finaux. Des crédits qui arrivent trop tard peuvent être préjudiciables à la micro-entreprise.
- Disponibilité : Avoir la possibilité d’accéder à des ressources financières de manière permanente et certaine.
- Flexibilité : Les procédures d’accès à la garantie doivent être souples et non bureaucratiques. Il doit y avoir suffisamment de mécanismes de contrôle interne sans pour autant des investissements lourds en accompagnement.
- Propriétés des ressources : Une grande transparence est nécessaire dans l’utilisation des ressources pour établir la confiance entre les acteurs.
- Répartition du risque : Importance de créer un effet de levier grâce à la garantie afin d’utiliser au mieux des ressources rares.
Du point de vue des bailleurs de fonds et des institutions de financement, un système de garantie doit répondre aux caractéristiques suivantes :
- être géré de manière professionnelle;
- la valeur réelle du fonds de garantie doit être maintenue dans le temps ;
- le risque du crédit doit être limité ;
- développer des opérations parallèles (comptes d’épargne, transferts internationaux, cartes de crédit,…) qui rapportent des revenus additionnels.
2.4 Les différents produits de garantie
2.4.1 Types de garantie
La garantie subsidiaire : La plupart des systèmes de garantie fonctionne sur ce schéma. La garantie est sollicitée après que la garantie apportée par l’utilisateur final ait été utilisée. Dans ce système, les institutions de micro-finance partagent le risque avec le garant. Ces premières ont donc un incitant à assurer un suivi rapproché de l’emprunteur final.
La garantie subsidiaire complémentaire : Cette garantie est utilisée quand l’utilisateur possède des garanties réelles et quand il y a amortissement du capital durant la période de crédit. La garantie est secondaire, elle est active durant la période pendant laquelle l’utilisateur rembourse la partie du capital qui n'est pas couverte par sa garantie personnelle.
La garantie solidaire : Quand un utilisateur est en retard de payement, la banque a le droit de solliciter la garantie solidaire. Cette garantie ne peut être récupérée que si le garant exige une contre-garantie de la part de l’utilisateur. Ce type de garantie n'est pas avantageux pour les petits crédits du fait des coûts importants de suivi.
2.4.2 Les systèmes de garantie
La garantie automatique : Cette garantie est utilisée dans plusieurs pays pour garantir les petits crédits. A la suite d’un accord entre le garant et l’institution de micro-finance, cette dernière peut garantir automatiquement les utilisateurs qui remplissent certains critères définis. Ces garanties sont subsidiaires et limitent donc les risques. Il s’agit du système de garantie le plus adéquat pour servir une grande quantité de petits utilisateurs à un prix raisonnable.
La garantie semi-automatique : L’institution de micro-crédit doit informer le garant sur le projet à financer avant d’accorder la garantie. La couverture est limitée à une partie du capital et des intérêts du crédit accordé.
La garantie individuelle : La garantie individuelle est utilisée pour des projets plus importants ou pour une couverture plus élevée que 50%. Le garant analyse la faisabilité du projet et exige des contre-garanties de la part des utilisateurs.
3. Perspectives
La garantie est née avec le commerce et restera nécessaire tant que les acteurs économiques auront besoin de crédit pour financer leurs activités.
Dans le domaine de la micro-finance, les enseignements tirés des expériences de terrain commencent à être formalisées. L’objectif de la garantie ne doit pas être trop ambitieux. Il doit se limiter à faciliter l’accès au crédit formel. Elle est un instrument parmi d’autres qui, bien utilisé, permet de couvrir le risque et de créer un effet de levier.
Additionalité : c’est le fait que des banques traditionnelles puissent accorder des prêts à des clients qui dans d’autres circonstances n’auraient jamais eu accès au crédit.
Pour plus d'informations, contacter: ADA -Appui au Développement Autonome-
15, Bd Grande-Duchesse Charlotte
L-1331 Luxembourg
Tél: (+352) 45 68 68; Fax: (+352) 45 68 60
EMail:adalux@pt.lu
| Sommaire |
Horizon Local 1997
http://www.globenet.org/horizon-local/