Introduction
La micro-finance et son impact sur la pauvreté donnent lieu à un débat constant. Les donateurs et praticiens étant de plus en plus soucieux de la qualité de leurs interventions ont suscité un intérêt majeur pour le développement de méthodes de mesures plus approfondies. Comment définir un client pauvre ? Pourquoi est-il nécessaire de cibler la pauvreté ? Comment une institution de micro-financement peut-elle cibler les pauvres? Quelle devrait être la meilleure approche pour atteindre les pauvres ? Comment une IMF peut-elle être axé simultanément sur les très pauvres et faire face au défi de la viabilité? Dans quelle mesure les services financiers et non-financiers peuvent-ils améliorer les conditions de vie des pauvres ?
Afin de répondre à ces interrogations, des groupes de praticiens et donateurs ont développé des instruments de mesure de l'impact de la micro-finance. Des organisations, tel que le CGAP (Groupe Consultatif pour l'Assistance aux Pauvres) et le Micro-Credit Summit y portent un intérêt particulier.
Pourquoi faut-il mesurer l'impact de la micro-finance sur la pauvreté?
Par une multitude de petits prêts et des facilités d'épargne, qu'elle assure à ceux qui sont exclus des circuits financiers commerciaux, la micro-finance est devenue un outil clef dans le combat contre la pauvreté. L'accès à ces facilités représente pour les femmes et les hommes pauvres la possibilité de jouer un rôle actif dans leur propre économie, de devenir des entrepreneurs, de disposer d'un revenu et donc d'un pouvoir d'achat améliorant leur reconnaissance sociale.
Au cours des dernières années, nous avons acquis une meilleure compréhension de la micro-finance. Nous nous rendons compte de ses limites, de ses effets positifs et négatifs sur la pauvreté. On s'interroge davantage sur la qualité des interventions, sur les conditions et les mécanismes par lesquels les programmes de micro-finance peuvent maximiser leur impact sur la pauvreté?".
Nous comprenons maintenant que la micro-finance n'est pas un remède magique qui conduit automatiquement les populations pauvres à de meilleures conditions de vie. En effet, dans certains cas, la micro-finance a produit des effets pervers et a conduit à l'endettement.
Les opinions divergent sur la capacité de la micro-finance d'atteindre les plus pauvres des pauvres. Des méthodes de mesure d'impact sont donc nécessaire.
Contraintes des mesures de pauvreté
Comme la pauvreté est difficile à définir, on a utilisé différentes méthodes. L'approche la plus commune est basée sur le niveau de revenu ou sur le niveau de consommation. Est considérée comme pauvre, chaque personne dont le revenu ou sa consommation se situent en dessous d'un certain niveau de vie minimum, appelé "seuil de pauvreté", qui peut varier dans le temps, selon le contexte géographique et sociale.
Actuellement, un débat portant sur la définition de la pauvreté s'organise au niveau mondial. Pendant deux ans un comité d'experts du CGAP a étudié la question sans arriver à des résultats concrets. Certains pensent qu'il est impossible de fixer des indicateurs fiables qui permettent d'identifier, d'une façon tangible, les personnes réellement pauvres.
Selon le Sommet du Micro-crédit, les plus pauvres sont ceux qui se situent dans la moitié inférieure du groupe des personnes qui vivent en dessous du seuil national de pauvreté. Pour la Banque Mondiale les pauvres sont ceux dont le niveau de consommation est d'au moins 2$ par jour et les plus pauvres sont ceux dont le niveau de consommation est au moins 1$ par jour.
Néanmoins, la pauvreté a d'autres dimensions qui vont au delà du revenu ou de la consommation. En effet, on doit tenir compte d'éléments tels que l'éducation, la santé, l'accès aux infrastructures, la vulnérabilité, l'exclusion sociale et l'accès au capital social. Mesurer la pauvreté n'est pas une chose aisée. Il est difficile de quantifier des éléments comme la qualité de vie, la santé, le pouvoir, le rôle des femmes, l'accès à la prise de décision etc. En plus, définir des méthodes exactes visant à mesurer la pauvreté est très chère et parfois décevant du point de vue de résultats tangibles. Dans certains cas on a fait appel à des méthodes d'identification qui sont moins chers et qui demandent moins de personnel et de qualifications.
De plus, il n'y a pas de consensus général sur le fait que la micro-finance doit, pour avoir un réel impact sur la pauvreté, cibler expressément les plus pauvres. Certains experts argumentent qu'il est plus important d'assurer un impact géographique plus étendu et permanent en s'appuyant à des produit financiers de qualité, offerts par des institutions de micro-financement compétitives et efficaces.
Cette approche est basée sur une vision à long terme et la conviction que souvent l'approche basée sur le ciblage en profondeur a des limites, c'est-à-dire, selon cette approche la plupart des IMF n'arrivent pas à atteindre les plus pauvres. Il faut donc faire un compromis entre des services de qualité, pérennes, à travers des institutions viables et compétitifs et l'objectif social pour atteindre les plus pauvres.
Certains défenseurs du micro-crédit argumentent que la micro-finance devrait atteindre les plus pauvres des pauvres puisque l'accès au crédit est un droit humain, un moyen de lutte contre l'exclusion économique. Le ciblage en profondeur des plus pauvres est donc nécessaire.
Une étude menée par onze IMF au niveau mondial a démontré que les institutions financièrement viables peuvent atteindre les pauvres et qu'il n'y a pas d'arbitrage nécessaire entre le fait d'atteindre les plus pauvres et la viabilité financière.
Néanmoins, quelle que soit l'approche choisie, il faut toutefois souligner que l'offre des services de qualité aux pauvres ne peut se réaliser que par des systèmes financiers compétitifs et viables.
Approches pour le ciblage des pauvres
Les IMF ont développé un éventail de stratégies pour identifier les pauvres.
Cette stratégie compte plusieurs composantes complémentaires:
- méthodes pour identifier les pauvres,
- méthodes pour attirer les pauvres,
- méthodes pour exclure les non-pauvres,
- méthodes pour décourager les non-pauvres.
Tous ces outils doivent être utilisés de façon complémentaire.
- facteurs liés aux acteurs (type d'IMF, besoins du client, contraintes) ;
- facteurs liés au contexte (cadre normatif, infrastructure, etc.) ;
- portée de la micro-finance (nombre de personnes atteintes, dégrée de pauvreté des clients, lieu où ils vivent, qualité des services offerts) ;
- impact (les méthodes de mesures sont examinées dans l'article suivant).
Quelques expériences concernant la mesure du ciblage
Des recherches approfondies ont été menées par plusieurs organisations, tels que le CGAP, le Micro-credit Summit, pour identifier des méthodes fiables, efficaces et pas trop coûteuses d'identification des pauvres. Les résultats sont plutôt décevants par rapports aux coûts assez élevés de ces méthodes. Aucune conclusion précise n'a pu être tirée de ces travaux.
CASHPOR (Indice de logement)
Utilisé par les réseaux de la Grameen Bank dans la région Asie-Pacific; il s'agit d'une méthodologie d'observation utilisant un indicateur fortement apparenté à la qualité du logement.
Trois éléments sont pris en considération:
- dimensions du logement ;
- conditions physiques ou matériaux utilisés dans la construction ;
- matériel utilisé pour la toiture.
La classification des pauvres et moins pauvres tient compte du contexte géographique et social. Les gens habitant dans des maisons construites en briques de boue, munies d'une toiture en paille de mauvaise qualité, petites fenêtres et dans un état général de délabrement, sont considérés comme les plus pauvres. En vue d'améliorer cette méthode les membres de la communauté sont invités à participer au travail de classification selon leur propre perception de la pauvreté.
Evaluation participative rurale (PRA) et évaluation participative à la richesse (PWR)
Les deux méthodes, PRA/PWR, demandent aux communautés, d'élaborer une classification selon leur propre perception de la pauvreté. Pour définir la pauvreté et de classifier la communauté sur base de ses propres critères des discussions approfondies sont entreprises avec un grand nombre de personnes de chaque communauté. Il s'agit de méthodes basées sur un système d'identification rural et sur une classification par rapport à la richesse. L'aspect le plus intéressant de cette méthode est qu'elle offre aux gens la possibilité de définir eux-mêmes leur propre conception de pauvreté et de richesse.
Répartition géographique de la pauvreté
Une liste de la concentration géographique des ménages pauvres peut aider les praticiens des institutions de la micro-finance à cibler les pauvres. En se référant à la localisation comme indice de pauvreté, il est nécessaire de tenir compte des différentes variables tel que le niveau de marginalité, la qualité des services publiques, la dispersion géographique, le taux d'analphabétisme, la mortalité infantile et l'espérance de vie. La restriction principale de cette méthode est due au fait que des ménages non-pauvres pourraient être incluses.
Vocation
La nature d'activité exercée est un indice de niveau de pauvreté. Les niveaux de pauvreté peuvent également être déterminés par l'identification de l'emplacement de l'entreprise. L' " Institute of Rural Management ", SEWA, in Inde, cherche de cibler ses membres en travaillant avec des femmes exerçant des activités typiques des ménages à bas revenu, tel que marchand ambulant, travailleur à domicile, chiffonnier, etc.
Petits Prêts
Certains programmes ont sélectionné, comme méthode de ciblage, la sélection des zones les plus pauvres dans une région déterminée. Cette méthodologie vise la mise à disposition de petits prêts à des groupes cible, en se basant sur la théorie que les petits prêts et les coûts élevés de transaction, par rapport au montant des prêts octroyés, pourraient encourager tout le monde, sauf les très pauvres.
Entretiens avec des clients potentiels
Cette méthode est basée sur des entretiens et enquêtes pour déterminer le niveau de pauvreté des ménages. On rencontre les gens dans leur maison, observe leurs conditions de vie, pose des questions sur les membres de la famille, la source de revenu, les dépenses, la consommation alimentaire, etc. La restriction de cette méthode est le manque d'exactitude concernant le revenu.
Autres méthodes appliquées
A Ruhunu, en Sri Lanka, l'UNESCO remplie une fiche pour chaque famille qui bénéficie d'un prêt, recueillant des informations au sujet de la famille même et de son dégrée de pauvreté. On tient compte, entre autres, d'éléments tels que le revenue mensuel, la qualité du logement, la santé, le nombre d'enfants à l'âge scolaire, la disponibilité d'électricité, etc.
Résultats des différents approches
Sur la réduction de la pauvreté
- Les études ont montré que la plus part des populations pauvres ont profité des programmes de micro-finance, mais qu'un ciblage étroit n'est pas nécessairement une condition pour toucher les plus pauvres. Des projets à grande échelle, non-ciblés, ont été capables de toucher les plus pauvres.
- Des systèmes financiers compétitifs et viables, qui offrent un large éventail d'opérations financières à petite échelle, touchent plus de pauvres que des programmes rigoureusement ciblés.
- Les praticiens soulignent de plus en plus l'importance de proposer un éventail de service financiers flexible et de qualité, qui répondent aux besoins très diversifiés des pauvres.
- La micro-finance a ses limites. Elle ne doit pas être considérée comme la seule solution pour réduire la pauvreté: parfois d'autres solutions complémentaires sont nécessaires. Par exemple, en cas de cata-strophes naturelles on a besoin d'autres types d'interventions, tels que les subventions pour répondre aux besoins des clients qui ont perdu leur capital et les affaires personnelles et qui, momentanément, ne sont pas crédible.
- La micro-finance n'est pas appropriée à toutes les populations pauvres. La micro-finance ne peut être appliquée qu'au delà d'une certaine limite et stabilité.
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