Par Mia Adams
Le contexte
Une nouvelle approche
L'appui aux micro-entreprises s'inscrit dans une approche nouvelle de la coopération au développement, visant explicitement l'indépendance économique des populations pauvres par la création d'emploi et de revenu. Cette tendance est inspirée par la volonté d'abandonner une tradition de "tutelle" pour un appui à l'acquisition d'une autonomie durable. En bref: l'objectif est de redonner aux acteurs du Sud les moyens de marcher sans béquilles. En plus, le pouvoir économique procure une reconnaissance sociale permettant aussi d'intervenir sur le plan politique.
Puisque leur principal objectif est la création d'emplois, les associations de développement et les micro-entreprises ne peuvent compter sur le système d'aide classique, trop souvent créateur de dépendances. En effet, subventions et dons directs se révèlent souvent contradictoires avec la dynamique choisie par, ou imposée à ces entreprises: l'adaptation aux réalités du marché comme moyen d'insertion sociale.
D'autre part, compte tenu de leur situation particulière, par le manque de garanties à présenter, elles ne peuvent faire appel au crédit bancaire pour le financement de leurs activités. Il faut donc développer des mécanismes afin d'intéresser les institutions financières et les agences d'aide à canaliser des ressources financières adaptées.
Quelques solutions
Faute d'accès au crédit bancaire formel, des systèmes de financement informels maniables ont été créés par la mobilisation de l'épargne locale. De nombreux systèmes d'épargne-crédit ont vu le jour (tontines, caisses villageoises, mutuelles coopératives etc). L'une des limites de ces systèmes d'épargne-crédit de proximité est le manque de ressources disponibles à long terme, nécessaires à l'investissement dans la production et la commercialisation. Il faut donc des moyens complémentaires de financement.
Des lignes de crédit ainsi que des garanties fournies par la coopération étrangère permettent la multiplication des crédits sur les dépôts.
La majorité des organisations d'appui aux micro-entreprises cherchent à faciliter l'accès au crédit bancaire formel, par exemple, par une garantie bancaire ou caution, par le leasing, etc. Ceci a l'avantage de faciliter le recours des micro-entreprises à des ressources financières au prix et conditions du marché et d'éliminer ainsi des pratiques usurières dont était victime ce secteur de l'économie populaire. Certains mécanismes, telle que la garantie bancaire, permettent l'accès au crédit formel par le partage du risque. L'application et l'exécution des programmes sont souvent perturbées par l'élément risque, souvent extérieur à la qualité des programmes de développement. (calamités, événements politiques et économiques, catastrophes naturelles). Il s'agit d'une part, de faire un partage du risque entre plusieurs intervenants, associations locales, associations d'appui, banques; d'autre part, d'introduire dans les programmes d'épargne-crédit des systèmes d'assurance risque.
Certaines organisations locales passent par la création d'instruments financiers propres. Elles débutent souvent par le crédit à l'aide de fonds rotatifs, fournis par l'aide extérieur, permettant de créer des réserves de capital. Ensuite, cette fonction se combine rapidement à celle d'accès au crédit.
Le programme
Certaines ONG et agences de coopération européennes ont mis un certain nombre d'outils en place. Il s'agit de les appliquer avec prudence et de les analyser afin de juger de leur pertinence en tant qu'outil de développement, permettant aux associations du Sud à mener des activités autonomes.
Consciente de ces enjeux, ADA a élaboré un programme permettant de joindre la réflexion à l'action pratique, encourageant un partage de l'expérience obtenue. Les premières analyses faites par ADA ont débouché sur la nécessité de recherches pour une période initiale d'instruments simples, accessibles à une diversité d'acteurs et applicables à un large éventail de besoins du Tiers Monde.
Cette recherche-action est d'autant plus nécessaire à Luxembourg que ces mécanismes restent peu pratiqués, partiellement du fait d'un secteur bancaire commercial peu enclin à ces techniques.
Il s'agit concrètement d'un programme recherche-action qui se donne pour objectif, de travailler d'emblée avec des paysans, des artisans, des micro-entreprises et des groupes formels et informels d'épargne-crédit. Aborder cette diversité est possible grÉce au constat simple que cette large typologie d'organisations a besoin de crédit pour se développer et accéder à leur autonomie,
Les éléments qui justifient la collaboration d'ADA sont clairement définies:
- renforcer les capacités des bénéficiaires pour prendre des initiatives qui conduisent à leur autodétermination;
- permettre l'accès au crédit pour financer leurs initiatives de création d'emploi autrement que par la mendicité. La recherche de l'autonomie, du pouvoir de négociation avec les institutions financières, est un des buts essentiels;
- favoriser, là ou cela est judicieux, une politique de création collective de richesse, par exemple, par le biais coopératif ou mutualiste;
- renforcer la capacité de gestion et de prévision des associations de producteurs ou de micro-entrepreneurs.
Choix de l'outil Un instrument a été retenu: la garantie bancaire internationale en tant que moyen de renforcement institutionnel à long terme. Un des atouts majeurs de ce type d'instrument financier est qu'il puisse effectivement être approprié par les divers acteurs en cause: promoteurs, financeurs, bénéficiaires, gestionnaires.
Un programme d'encadrement et le partage de l'expérience prennent ici une importance particulière. L'expérience sera d'autant plus riche en leáons que les organisations partenaires détiennent une véritable légitimité sociale et qu'ils sont en mesure de faire la démonstration de leurs performances économiques et financières communes.
En même temps, il faut rester conscient du fait qu'un fonds de garantie requiert certaines conditions minimales de stabilité politique et de rentabilité économique.
Choix des partenaires
ADA a pris en compte tous ces facteurs lors de la sélection des organisations avec lesquelles elle envisage de partager son programme de recherche-action. Le dépôt d'un fonds de garantie et la fourniture de sñretés émises par une banque à Luxembourg, reconnues par une banque au Sud, permettront de débloquer une ligne de crédit selon les conditions négociées. Le projet ADA implique quatre organisations Sud dont les programmes ont été identifiés pour leur rentabilité et leur représentativité en terme de besoins de financement au développement.
D'autres expériences semblables ont été réalisées avec succès. Consciente de l'importance du partage de ces acquis, ADA fait un appel à la collaboration dans ce domaine.
Dans cette perspective, un séminaire international sera organisé à Luxembourg en fin de la deuxième année du projet.
Le fonds de garantie bancaire
Avantages
- L'accès au crédit bancaire est souvent la première étape de l'apprentissage de la gestion et de la maîtrise d'autres instruments financiers.
- Il n'y a pas de transfert de fonds. Les ressources financières sont mobilisées sur le marché local. La garantie est déposée à Luxembourg. Le crédit est donné en monnaie locale. Il n'y a donc pas de risque de change pour l'organisation du Sud.
- Le fonds de garantie est une couverture de risque et ne sera entamé qu'en cas de défaut de paiement. Il permet le partage de risques entre trois sources:
a. Les fonds mobilisés à partir de ressources propres, dont l'organisation dispose déjà.
b. Sur base de la lettre de garantie, émise par la banque européenne, et après appréciation du risque et de la sécurité qui lui est fournie par l`organisation Sud, le banquier local estime pouvoir augmenter le crédit dans une proportion x fois supérieur à la garantie fournie par ADA (coefficient multiplicateur).
c. Les donateurs ou bailleurs de fonds.
- En outre la garantie permet, par une rotation rapide, en particulier pour financer les besoins du fonds de roulement, une réelle capitalisation financière. Le fonds de garantie constitue ainsi un atout à la gestion de crédit dans un contexte de pénurie.
- Dans ce modèle d'ADA, la définition du système est claire. Les fonds appartiennent aux organisations bénéficiaires, mêmes s'ils sont gérés pendant quatre ans, par ADA.
En effet, il s'agit d'un point important pour s'assurer d'un faible défaut de remboursement tenant largement à l'existence de cette identification claire de la garantie et la nécessité de la préserver. Dans ce programme, c'est la mobilisation d'en-bas qui actionne le système et non le haut qui cherche des bénéficiaires qui répondent aux critères définis avec plus ou moins de consultations.
- Il y a une relation directe entre le milieu associatif productif et le secteur formel des finances. Il s'agit donc de ressources qui sont obtenues avec les liquidités de la banque. Le coñt de ces ressources se manifeste par un taux d'intérêt du marché qui varie selon les objets et les contextes. Il est donc essentiel que le calcul de rentabilité des opérations envisagées permette de dégager une marge bénéficiaire positive faute de quoi le coût du crédit devient prohibitif.
La dynamique part d'abord du constat que ce sont les entrepreneurs ou, selon les cas, les paysans ou les artisans organisés entre eux qui doivent fournir le premier effort par la définition d'objectifs réalistes qui se manifeste par une épargne ou une contribution préalable pour obtenir du crédit, ainsi qu'une rigueur de gestion de leur entreprise. La création même des fonds de garantie a pour vocation de les inciter dans cette voie de responsabilisation.
On relève en particulier l'accessibilité à une grande diversité d'acteurs de la société civile: organisations populaires, fédérations paysannes, groupements d'artisans, fédérations d'entrepreneurs. Il y a aussi des organisations d'appui au secteur productif en milieu urbain, des coopératives d'épargne et de crédit, voire indirectement des petites banques à caractère alternatif ainsi que des sociétés à vocation financière comme des Sociétés Locales d'Investissement. (SLI)
Cela ne nécessite pas forcément une structure particulière. Une relation Nord-Sud peut s'établir ainsi, même si parfois elle est un peu complexe.
Fondamentalement, lorsque cet instrument est lancé, il est perfectible à l'infini car les effets multiplicateurs sont l'objet d'une négociation qui peut être permanente ou échelonnée selon des termes contractuels. Ainsi par exemple, d'autres institutions financières pourront s'adjoindre selon leurs critères à tel ou tel fonds de garantie.
Analyse du risque
Le risque que des programmes performants soient affaiblis par des défauts de remboursements liés à des facteurs extérieurs est réel. C'est pourquoi la fonction d'assurance par des garanties de crédit est primordiale.
Par l'expérimentation du système de garantie, le projet se donne pour objectif de mieux connaåtre son impact sur le développement autonome ainsi que d'évaluer les risques réels que prennent les banques.
Il existe en effet un pourcentage incompressible qui doit d'une manière ou d'une autre être couverte par une institution: la banque, l'organisation de garantie (ADA) ou le bénéficiaire. Des combinaisons des trois acteurs sont possibles.
Cette dimension du programme prend toute sa pertinence dès lors que l'on considère les réticences justifiées ou non du secteur bancaire pour couvrir les risques.
En fait, il s'agit ici d'un véritable apprivoisement mutuel entre le secteur bancaire et les associations de développement dans lequel l'ONG du Nord adopte le rôle de médiateur.
Un autre aspect est l'identification d'activités réellement lucratives. En effet, ce n'est pas parce que des associations de développement décident de se lancer dans des activités économiques qu'elles sont forcément vouées au succès. La garantie bancaire impose des conditions du marché (rentabilité, rigueur de gestion, compétitivité). Ceci s'acquiert progressivement.
Les besoins de financement peuvent être de courte durée (fonds de roulement) ou de plus longue durée (crédits d'équipement ou d'investissement). Dans les deux cas, la nature du risque est différente et parfois mal apprécié. C'est pourquoi que l'on observe parfois une inadéquation entre les instruments et les besoins.
Eléments de perspectives
La garantie bancaire constitue un outil promoteur de développement. Elle a le mérite de mobiliser des ressources financières disponibles localement, même si elles n'en excluent pas d'autres.
La garantie bancaire ne peut durablement se substituer à d'autres formes de garantie liées soit à la pression sociale, soit à la mobilisation sociale. Sa fonction est une mise en relation provisoire du secteur financier formel et des acteurs qui autrement n'auraient pas accès au crédit formel. En fait elle constitue un mécanisme complémentaire qui appelle d'autres relais. Afin de produire pleinement ses effets de moteur d'autonomie durable, ce mécanisme doit permettre une capitalisation. Autrement dit, au delà du remboursement du crédit octroyé sur base de la garantie bancaire, les activités doivent dégager un surplus de capital. Ceci présuppose que l'emprunteur devra mener des activités rentables et pratiquer une gestion rigoureuse. En effet ce n'est pas parce que des associations de développement décident de se lancer dans les activités économiques que leurs réalisations sont vouées au succès. D'où l'importance de fournir des formes de suivi adaptées qui ne sont pas nécessairement limitées aux relations Nord-Sud.
Pour plus d'informations, contacter: ADA -Appui au Développement Autonome-
15, Bd Grande-Duchesse Charlotte
L-1331 Luxembourg
Tél: (+352) 45 68 68; Fax: (+352) 45 68 60
EMail:adalux@pt.lu
| Sommaire |
Horizon Local 1997 - 2000
http://www.globenet.org/horizon-local/