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PME et institutions financières islamiques

Par Ibrahima BA; Synthèse de Bérangère DELATTE


I. Contexte général

L'homme musulman est tenu, en tout lieu et à toute époque, de se référer à des règles de base: la Charia, ou droit de base, qui est l'ensemble des règles fondamentales telles qu'édictées par le Coran ou fixées par des Hadiths - énonciations du Prophète - dñment authentifiées. Dans l'un et l'autre, on retrouve des sujets aussi variés que la fiscalité, les dépenses publiques, l'intérêt, la propriété foncière, les ressources naturelles, les taux de salaires ou encore les finances.

L'intérêt ainsi que la rente fournie par les terres vierges ou des ressources naturelles sont considérés, par l'islam, comme un Riba sous prétexte que l'intérêt et l'usure favorisent la concentration de la richesse et de ce fait, réduisent la considération à porter à ses semblables. La prospérité de l'individu ne doit pas résulter d'un "enrichissement sans cause" mais il doit être le résultat d'une transaction, donc d'une activité personnelle et d'efforts. L'islam reconnaît le droit à la propriété privée à condition que le propriétaire de ces ressources naturelles les utilisent de faáon productive.

II. Comparaison entre les institutions islamiques et les banques classiques

II.1 Caractéristiques des institutions financières islamiques

Ainsi la banque, dans la société islamique, doit se limiter à son rôle essentiel de débouché pour l'épargne et de concepteur d'investissement. La banque islamique préférera s'associer systématiquement avec ses clients dans des opérations rentables plutôt que de leur prêter ses fonds. L'accent mis sur la prise de participation affecte la nature même des techniques bancaires utilisées et implique l'existence essentielle d'un service chargé de l'évaluation des projets.

La particularité du financement des institutions financières islamiques réside essentiellement dans trois aspects:

et ceci compte tenu des objectifs qui leur sont assignés et que l'on peut résumer en trois points:

La banque islamique propose deux formes d'investissement:

II.2 Cadre juridique

Les banques islamiques sont généralement constituées sous forme de sociétés anonymes avec un capital variable, mais souvent très élevé, souscrit, en majorité, par les membres fondateurs ou par les actionnaires généralement de religion musulmane et enregistré dans un document signé, dénommé Acte Constitutif.

Un cas très connu en Afrique est celui de "Dar Al Maal Al Islami", trust régi par les lois du Commonwealth des Bahamas et bénéficiant des avantages fiscaux accordés par cet Etat.

II.3 Réglementation bancaire

En septembre 1992, le Conseil des ministres de l'UMOA autorisait la dérogation portant sur les dispositions de la loi bancaire telles que:

Hormis ces dérogations, toutes les autres dispositions de la réglementation bancaire appliquée à la banque classique le sont aussi pour la banque islamique. Par contre, en matière de politique monétaire et de crédit, le recours au refinancement de la Banque centrale, au marché monétaire, au système de prêts interbancaires ne sera pas ouvert à la banque islamique en raison des implications du taux d'intérêt.

II.4 Fonctionnement

La banque islamique rend les mêmes services que la banque classique; elle est un intermédiaire entre les détendeurs de capitaux et les emprunteurs.

II.4.1 Sources financières des banques islamiques

Outre le capital et leurs fonds propres, les banques islamiques trouvent leurs principales ressources dans les opérations ci-après:

II.4.2 Emploi des fonds par la banque islamique

Les différentes ressources collectées par la banque islamique sont investies (voir supra) en utilisant les différents types de financement reconnus par l'institution:

Ce type de financement comporte plus de risques que la Morabaha et ne peut être utilisé qu'après une connaissance parfaite du marché et des clients futurs associés.

II.4.3 Secteurs d'intervention

La banque islamique finance tous les secteurs de l'économie pourvu qu'ils soient conformes à la Charia. Exclus sont donc les projets relatifs à la création de brasseries, de charcuteries (à base de porc) ou à la construction de lieux (restaurants, hôtels) oú sont utilisés ces produits.

III. PME et Institutions Financières Islamiques

III.1 Caractéristiques des PME Africaines

Remarque: Par PME, on entend les entreprises qui ont de

Ces chiffres étant très variables d'un pays à l'autre, en fonction du niveau de développement, les PME ont une caractéristique commune: le caractère personnel et familial de l'entreprise.

Toutes les PME n'envisagent pas identiquement l'intervention de la banque. Pour certaines, cette dernière est indispensable; c'est le cas des PME en difficulté de croissance qui ont besoin d'un soutien externe pour se restructurer. Pour d'autres, l'intervention de la banque est moins indispensable ou n'est pas souhaitée du tout. Elles manifestent un fort désir d'autonomie et d'indépendance, d'autant plus facile à sauvegarder qu'elles disposent d'une bonne liquidité financière.

III.2 Impact des politiques de crédit en faveur des PME

La demande de financement des PME naissantes nécessite des crédits longs car il s'agit de financer des investissements qui s'amortissent sur un long ou moyen terme; le développement des PME ne peut donc se faire qu'avec une politique basée sur des ressources longues. Malheureusement les banques commerciales ont toujours privilégié le financement à court terme ou continuent d'exiger des garanties importantes parce que leurs principales ressources proviennent des dépôts à vue ou à terme.

III.3 Marché des PME pour les institutions financières islamiques

La viabilité du marché des PME, aussi pour les institutions financières islamiques, peut être analysée selon trois pôles:

III.3.1 Les investissements

La banque islamique exige de tout promoteur d'un projet la présentation d'une étude de faisabilité qui doit, en principe, fournir des renseignements sur les aspects: financier, économique, commercial, technique et organisationnel. Comme les dossiers présentés renferment rarement tous ces éléments, les banques islamiques se sont dotées de départements d'étude de projets et de suivi. Il est entendu que le niveau très faible des coñts des investissements fait que la banque islamique est obligée d'utiliser un modèle approprié (généralement le Modaraba) pour l'évaluation du dossier, ce qui a l'avantage de réduire les faux frais qui viennent s'ajouter au crédit accordé. Dans ce cas, la banque se charge du financement total de l'investissement, mais est propriétaire du capital investi; ce type de financement convient parfaitement aux PME qui démarrent pour obtenir les fonds nécessaires à la mise en place de l'investissement.

III.3.2 La rentabilité

Au niveau des banques islamiques, ce qui importe le plus, c'est la rentabilité de la PME à financer dans la mesure oú la rémunération de la banque dépend de cette rentabilité. Ce partage des profits entre la PME et la banque s'explique par le fait que le bénéfice n'est que le fruit de deux éléments intimement liés: le travail et le capital.

III.3.3. Les risques

C'est dans un environnement financier hostile et défavorable à tous les égards que se posent les problèmes d'accès des PME au crédit bancaire. Tant que la situation du système bancaire n'est pas assainie, l'octroi de crédits à des PME sera de plus en plus difficile car le risque encouru est très élevé. A titre d'exemple, une enquête réalisée par la BCEAO révèle que 25% des affaires contentieuses du portefeuille des banques concernent des PME et le risque d'impayés à leur attribuer est de 2 à 2,5 fois plus élevé que pour les autres catégories d'entreprises. Pour ces raisons, les institutions financières islamiques classifient les projets en fonction:

Garanties exigées des P.M.E:

Au niveau des banques islamiques, le problème des garanties se pose avec moins d'acuité que pour les banques classiques. Dans le cadre d'un prêt de Morabaha, il est fréquent que des garanties soient exigées sous formes d'hypothèque, d'aval, de nantissement et surtout, de tierce détention, etc. pour couvrir le risque encouru au niveau de l'achat - revente avec marge brute, car le client est obligé de rembourser le principal et une partie du profit fixé d'un commun accord dans le contrat de financement.

Avec l'Ijara et l'Ijara Wa Iktina, la banque est, généralement, propriétaire et cède sous forme de crédit simple, ou crédit-bail, l'affaire ou le bien.

III.4 Demande des PME

Comme par le passé, l'essentiel des financements islamiques consentis par la Massarf - banque qui dépend du holding Dar Al Maal Al Islami - continue d'être constitué par des Morabahas remboursables à court terme. Les autres types de financement islamiques représentent encore une part modeste du portefeuille. La répartition sectorielle couvre, d'une manière générale, toutes les activités conformes à la Charia islamique:

- commerce: 50%
- agriculture: 10%
- industrie: 20%
- autres secteurs: 20%

Les finances accordés par les banques islamiques des sous-régions s'adressent aux PME de l'ensemble des secteurs économiques avec, toutefois une priorité donnée aux PME de type commercial avec financements remboursables dans le court terme (faiblesse des moyens financiers oblige).

III.5 Adéquation entre l'offre et la demande

De faáon général, les problèmes liés au financement bancaire des PME restent similaires d'une institution à l'autre, qu'elle soit classique ou islamique. Toutefois, il ressort que les produits offerts par les banques islamiques pourraient être particulièrement adaptés aux besoins des petites et moyennes entreprises, notamment en Afrique et ce, pour quatre raisons:

Au niveau du suivi et du recouvrement, la qualité de l'information fournie par les PME constituant un obstacle à l'intervention des intermédiaires africains, il s'avère nécessaire, une fois le crédit accordé, de mettre en place un système de suivi pour contrôler les travaux relatifs à la réalisation de l'investissement d'une part, et à l'exploitation proprement dite de la PME, d'autre part. En outre, il doit exister une collaboration étroite entre les institutions financières, islamiques ou non, avec les structures chargées de la promotion des PME.

V. Mesures susceptibles de faciliter le financement des PME par les banques islamiques.

V.1 La politique fiscale et réglementaire.

Cette politique fiscale et réglementaire est un facteur important, tant au niveau de la PME que dans l'institution financière, classique en général et islamique en particulier, en vue d'attirer et de stimuler les investissements. La mise en place des politiques économiques visant à renforcer l'ajustement structurel, avec une libération totale des secteurs, fait que les PME sont de moins en moins protégées et donc exposées à des difficultés croissantes.

Par ailleurs, il y a lieu d'examiner le statut fiscal des banques islamiques. Dans les pays de l'UMOA, la situation des banques islamiques ne correspond pas nécessairement à la législation. La banque islamique ne peut ni verser ni recevoir des intérêts; il s'ensuit que, sur le plan fiscal, ni la banque islamique, ni la clientèle ne peuvent être imposées au titre de l'impôt sur les revenus des créances. Il convient donc d'éviter que les banques islamiques soient imposées au titre de certains impôts qui sont contraires, dans leur principe, à ceux en vigueur dans la Charia, d'une part, et que les clients qui traitent avec ces banques dans le cadre des comptes de participation se trouvent désavantagés par une imposition en cascade.

La politique financière et l'organisation économique islamique reposent en grande partie, sur l'obligation d'aumône prescrite par la Charia et désignée par le terme "AL Zakat"; ainsi l'Islam impose le versement de la Zakat dans le fonds autonome et spécial désigné par la banque sous le nom de "Compte de Al Zakat et de service social".

Par ailleurs, la Charia islamique stipule la Zakat à concurrence de 2,5% sur toute l'épargne du pays, sur les recettes du commerce, de 5 à 10% sur les récoltes, de 20% sur certains minéraux et sur quelques têtes de bétail.

Les fonds provenant de la Zakat peuvent être utilisés en vue de la création d'usines ou de la bonification et de l'achat des terres agricoles, de la création d'entreprises commerciales ou de tout autre projet qui serait l'entière propriété des pauvres afin de leur assurer un revenu régulier qui conviendrait à leurs besoins.

La Zakat est prélevée sur les profits de la banque, conformément à la loi islamique, alors que l'impôt provenant des revenus est une décision d'Etat. De ce fait, la banque islamique est soumise à une double imposition.

V.2 La politique monétaire

Les banques islamiques sont considérablement désavantagées face à la concurrence des autres banques classiques car elles n'ont pas véritablement accès au marché monétaire. Les banques classiques ont toujours la possibilité d'avoir recours aux autres banques et à la Banque Centrale lorsqu'elles ont des difficultés de liquidités. Il faudrait donc trouver une solution contournant le problème de paiement des intérêts pour que les banques islamiques puissent, elles aussi, recevoir l'assistance financière requise dans de telles conditions.

V.3 Le dialogue entre les banques islamiques et classiques

Les banques classiques pourraient, dans le cadre de la diversification de leurs produits adopter de nouveaux instruments financiers déjà expérimentés par les banques islamiques. Ainsi, à côté du crédit ordinaire des banques, il serait nécessaire d'instituer la pratique du partenariat sous forme de joint-venture en couplant une PME nationale à une entreprise étrangère ou encore, d'encourager la pratique du leasing correspondant à l'Ijara Wa Iktina. Inversement, la banque islamique pourrait trouver un moyen lui permettant d'utiliser les opérations utilisées dans les banques classiques telles que l'escompte ou le découvert bancaire selon des modalités conformes à la Charia.

GLOSSAIRE


ADA - ADA Dialogue, numéro 2, avril 1996

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