Par Nathalie Holec, association 4D
Résumé
La Communauté urbaine de Brest, confrontée à des problèmes de qualité d'eau tant au niveau de la rade que dans les rivières qui s'y jettent, a lancé au début des années 90, le Contrat de Baie de la Rade de Brest. Ce programme vise à améliorer la qualité des eaux de la zone en réduisant les pollutions émises en amont. Il repose sur un partenariat fort avec les agriculteurs, les pêcheurs, les scientifiques, la marine nationale, les habitants afin de trouver des solutions innovantes en matière écologique et économique. Une structure de pilotage spécifique a été mise en place pour animer ce programme. Une première phase d'expérimentation a eu lieu, ce qui a permis d'arrêter un programme d'actions approuvé par tous. Celui-ci est en cours d'application.
Objectifs
Lutter contre la dégradation de la qualité de l'eau de la Rade de Brest en partenariat avec tous les acteurs du Bassin versant, responsables des pollutions en amont (agriculteurs, industriels,collectivités etc.). Cette politique offre à Brest l'opportunité de s'ouvrir à son arrière-pays et devrait donc permettre de créer de nouvelles solidarités territoriales autour du problème de l'eau.
Etat du projet
La phase diagnostic est achevée. Le programme d'actions et de travaux prioritaires 1998-2002 est en cours d'application.
Contexte
Face à la dégradation progressive des eaux de la Rade (petite mer fermée de 184 km²), Brest a mis sur pied un ambitieux programme d'assainissement mais celui-ci s'est révélé insuffisant compte tenu de la quantité des effluents à traiter. Brest s'est rendue compte qu'elle héritait de pollutions émises en dehors de son territoire notamment par les agriculteurs et qu'elle n'avait pas nécessairement vocation à les traiter mais devait au contraire encourager leur résorption en amont.
En 1990, la mise en place du Contrat de Baie est décidée, en complément d'autres dispositifs. La restauration de la Rade de Brest, objet de ce contrat, présente plusieurs enjeux :
inciter les agriculteurs et les responsables d'activités agro-alimentaires à produire autrement (Brest est à l'aval d'une zone d'agriculture intensive);
trouver de nouveaux axes de développement économique (problème de reconversion économique des activités de pêche et de réparations navales) et encourager la diversification de toutes les activités liées à la rade en minimisant leur impact sur l'environnement marin ;
restaurer la qualité du cadre de vie et des paysages car la Rade a une valeur symbolique forte pour les Brestois.
Stratégie
La Communauté Urbaine de Brest (CUB) a été nommée maître d'ouvrage du Contrat de Baie de la Rade de Brest. Elle a créé dans un premier temps le Service Rade, composé de quatre ingénieurs chargés de coordonner l'ensemble des opérations, au sein de la Division Environnement de la CUB. Un Comité d'une trentaine d'experts internationaux a d'autre part été mis en place. Il se réunit chaque année pour se prononcer sur les programmes en cours. Enfin, le pilotage du programme a été confié au Comité de Baie réunissant les élus, les institutions, les chambres consulaires et les associations. Le Groupe Technique, rassemblant les services techniques et administratifs de tous les partenaires, a la charge des opérations.
Activités
La première phase du Contrat de Baie (1992-1997) a été consacrée à :
la mise en place de l'organisation nécessaire au bon fonctionnement du programme,
la réalisation d'un état des lieux des milieux de l'ensemble de la zone,
la conduite de 6 expériences pilotes de dépollution menées sur le site (modification des pratiques agricoles, limitation des rejets des serres agricoles et horticoles, assainissement semi-collectif du secteur d'habitat dispersé, traitement des eaux pluviales urbaines, programme " peintures antisalissures marines " et relance des gisements de Coquilles Saint-Jacques).
La CUB s'est appuyée sur ce travail préliminaire pour élaborer un programme d'actions préventives et curatives permettant d'obtenir une restauration de la qualité des eaux et des milieux et ce, dans un souci de développement durable. Cette phase de travail s'est achevée en février 1998 par la signature du contrat par l'ensemble des partenaires, engageant donc la mise en oeuvre de ce programme d'actions qui devrait être achevé en 2002.
Ce programme comporte quatre grands volets d'action :
un volet " Restauration " dont l'objectif est de réaliser des travaux lourds d'assainissement domestique, industriel et agricole et de modifier les pratiques dans ces trois domaines (programme " piscicultures industrielles, reconversion à l'agriculture biologique, limitation des pollutions domestiques etc.) ;
un volet " Protection/Préservation " destiné à protéger, entretenir et gérer le patrimoine naturel (restauration des cours d'eau, des fonds de vallée, inventaire du patrimoine naturel, protection des milieux aquatiques sensibles, protection des espèces rares et menacées, gestion des stocks de poissons migrateurs, nettoyage et suivi de l'état du littoral etc.) ;
un volet " Gestion intégrée " permettant de coordonner les actions en cours et de développer de nouveaux outils d'aide à la décision, de communication, de connaissance de l'environnement (observatoire) ;
un volet " Communication ", qui vise à sensibliser l'ensemble des habitants du bassin versant à la démarche suivie.
Partenaires
Chaque acteur du bassin versant se voit impliqué dans la réalisation du Contrat de Baie. Les chercheurs du pôle océanographique sont mis à contribution sur les différents thèmes. Des opérations sont menées en partenariat avec les pêcheurs (mise en place d'une écloserie pour les coquilles Saint-Jacques etc.), avec la marine (peintures utilisées pour protéger les coques des navires etc.), avec les agriculteurs (maîtrise des pollutions pour les cultures sous serre, modification des pratiques agricoles etc.), avec tous les services municipaux (sensibilisation à l'environnement au niveau de l'activité professionnelle) et avec les habitants. Les institutions compétentes sur chacun des micro-projets travaillent en coopération avec les acteurs cibles. L'Agence de l'eau, le Fonds de gestion de l'espace rural, la Chambre de commerce, l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), le CEMAGREF ont par exemple été sollicités dans le cadre du Contrat de Baie.
Financement et ressources utilisées
Le coût de la première phase du programme s'élève à 60 millions de francs. Le coût de la deuxième phase est de 840 millions de francs sur 5 ans. 88 % vont au premier volet du programme, 7,8% au deuxième volet, 3,6% au troisième volet et 1,1% au dernier. Les financements sont ventilés comme suit : Union européenne : 14 millions de francs ; Etat (ministères de l'Agriculture, de l'Environnement, du Travail, de la Défense et de l'Industrie) : 34 millions ; Conseil régional de Bretagne : 65 + 35 millions ; Conseil général du Finistère : 44 millions ; Conseil général des Côtes d'Armor : 7 millions ; Agence de l'eau Loire-Bretagne : 180 millions ; CUB : 226 millions et maître d'ouvrage et autres partenaires : 235 millions.
Résultats et impacts
La phase préparatoire du Contrat de baie a débouché sur des expérimentations qui ont permis de tester des solutions. Par exemple, concernant la culture sous serre, l'expérimentation proposée consiste à récupérer les solutions nutritives non absorbées par les plants afin de les réinjecter dans le système de diffusion et ainsi limiter les rejets polluants de nutriments. Autre expérience : 19 exploitants agricoles ont bien voulu se prêter à l'analyse de leur processus de production, à la comptabilisation de tous les produits auxquels ils ont recours, à la réalisation de relevés pédologiques et hydrologiques afin que les spécialistes mandatés proposent de nouvelles pratiques agricoles.
Obstacles et conflits
La Communauté urbaine de Brest rencontre un certain nombre de résistances dans la mise en place de son programme. Les négociations avec les partenaires professionnels sont parfois longues et les partenariats proposés sont parfois difficiles à instaurer concrètement. Les obstacles et les conflits sont en fait d'ordre politiques et tiennent au rapport de force existant entre des partenaires aux visions et aux intérêts différents voire divergents. Cette confrontation est inévitable au sein d'un programme qui cherche à associer l'ensemble des parties prenantes à un problème.
Transferrabilité
Ce qu'il faut retenir
Les porteurs du programme restent convaincus de la nécessité d'associer tous les partenaires concernés, même si cela demande temps et énergie. Leur participation et leur adhésion au projet doit être recherché afin que le programme ait les meilleures chances de réussite. Pour cela, tous les processus démocratiques doivent être utilisés. De toute façon, il est nécessaire de " laisser du temps au temps " ; le programme ne se fera pas en un jour. Une dynamique est enclenchée; il s'agit de la faire vivre.
Informations supplémentaires
Mr Ronan LE GOFF, Service Rade de Brest
Hôtel de Communauté
24, rue Coat-ar-Guéven
29200 BREST
Tél : 33 02 98 33 52 63
Télécopie : 33 02 98 80 23 42Fiche réalisée à partir d'un rapport de synthèse de l'association 4d (Dossiers et Débats pour le Développement Durable) daté de mars 1996 : Les villes françaises et le développement durable. Rapport de synthèse, fiches de cas et fiches techniques. B. Duhamel, C. Emelianoff, L. Héland, C. Menneghin et J. P. Piéchaud. pp. 20-26
Cette étude de cas a été publiée dans l'ouvrage Planification urbaine et développement durable. Contribution des agences d'urbanisme. Habitat II. Sommet des villes. Istanbul, juin 1996. Fédération française des Agences d'Urbanisme. Ouvrage édité par la Fédération nationale des Agences d'Urbanisme de l'Agglomération Marseillaise. pp. 207-212
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